Voyage en Équateur, au cœur de la forêt tropicale
Découvrez notre récit de voyage dans la réserve de Yasuní : rencontre avec des perruches aux ailes bleu cobalt, balade en pirogue et repas de piranhas sur feuilles de bananier.
« Bon sang, c’est quoi ce truc ? » Le hurlement vient des toilettes sèches. David surgit du drap bleu qui tient lieu de porte, paniqué. Fredy interrompt sa tâche – l’expulsion d’une colonie de fourmis de mon sac à dos – pour apporter son expertise. « Araignée loup », nous dit-il, tandis que nous contemplons la créature velue solidement campée sur le siège en bois. J’ai à peine le temps de me demander si la bestiole doit son nom à sa taille ou à son habitude de se déplacer en bande, que notre attention est de nouveau distraite : « Hé ! Fredy !, appelle Nick d’une voix mal assurée. Tu peux venir ? Il y a un scorpion dans ma tente.»
Notre bivouac est sommaire : quatre petites tentes de forme conique, un seau pour la douche accompagné de feuilles tressées pour tout paravent et un trou dans le sol en guise de toilettes (actuellement occupées). À peine une heure que nous sommes là et la forêt tropicale équatorienne donne déjà le ton, nous adressant quelques éclaireurs rampants pour nous déloger de notre zone de confort et nous défaire de tout excès de confiance.
"Admirez-moi", semble-t-elle dire. Mais ne baissez pas la garde. Il ne s’agit pas d’une simple excursion dans la nature avant de retrouver le confort moelleux d’un hôtel de luxe. Nous campons au coeur enfiévré et grouillant de la forêt et, alors que la nuit tombe, sa noirceur se resserre lentement sur nous comme les anneaux d’un python.
Après avoir « défourmillé » mon sac et « déscorpionné » la tente de Nick, Fredy souhaite nous montrer ce que la nuit a en réserve ; en file indienne derrière lui, nous nous enfonçons dans la végétation. « Ne touchez à rien ! » prévient notre guide. Peine perdue, la forêt est résolue à venir au contact. La vrille d’une liane me caresse l’épaule, une toile d’araignée s’empare de mes cheveux, des phalènes accrochent mes sourcils en dansant autour de ma lampe frontale.
Le cri d’une chouette huhul fend l’air moite, chargé des senteurs humides du feuillage et du son des cigales. La lumière blanche du projecteur de Fredy dévoile tour à tour des scènes fugaces de la vie de la forêt. Une araignée bananière venimeuse patiente dans sa toile, tandis qu’une autre à tête noire se repaît d’une proie aux ailes semblables à de la dentelle. Nous nous courbons sous des feuilles où pend une chenille rayée (« Attention, ses poils peuvent provoquer des démangeaisons s’ils touchent votre peau ! »), puis nous observons une araignée pêcheuse tapie au-dessus d’un ruisseau, attendant son heure. Quelque part, une rainette émet un coassement semblable au mâchonnement d’un os en caoutchouc.
Araignée scorpion. Petit-duc de Watson. Sauterelle du « Diable » arborant le visage du démon. Dans cette pièce gothique grandeur nature, même les personnages ont des noms ténébreux et tout ce qui s’agite dans le sombre décor de la forêt semble jouer soit le rôle du chasseur, soit celui de la proie.
Quant à celui que nous avons endossé, il est de moins en moins clair – traquons-nous la nature ou bien est-ce elle qui nous traque ? Je médite sur cette frontière floue quand un tourbillon d’ailes déchiquetées aveugle ma torche et frôle mon oreille dans un bruit assourdissant, m’envoyant au sol, recroquevillé et battant l’air des mains. « Faux-vampire », s’amuse Fredy, tandis que je me relève, tâchant de reprendre mes esprits. « Ça ne mange que des fruits. »
Bienvenue à Mandari Panga, un nouveau projet monté par Fredy et sa femme au fin fond de la forêt tropicale du parc national Yasuní. Le projet occupe un groupe de 150 Quechuas (soit une bonne partie des Indiens des environs) dans divers rôles, certains comme guides, d’autres affectés au ravitaillement. La plupart vivent à plusieurs kilomètres à l’ouest du camp, mais une famille réside à proximité. Avant de nous retirer sous nos tentes, nous traversons la rivière pour rejoindre ses membres autour d’un plat de poulet et de riz. On nous peint également le visage de motifs cérémoniels : chasseur (moi), pêcheur (David), et après s’être assurés qu’il s’agit d’un véritable rôle ici, homme de la jungle (Nick).
Le lendemain, nous suivons la rivière Tiputini vers l’est, pour nous enfoncer de plus en plus profondément dans la forêt, de plus en plus loin de toute âme qui vive. Aux voyageurs, le projet offre un aperçu unique de l’Amazonie la plus sauvage, mais pour Fredy, il n’est rien de moins qu’une planche de salut.
Oubliez les bataillons de prédateurs qui cernent ces fragiles communautés indiennes ; la véritable menace gît sous leurs pieds : le pétrole. Les prospecteurs ont commencé à parcourir l’Équateur dans les années 1960, persuadant les villages de leur céder des droits de forage ; un pipeline court tout le long de la route, d’ici à Quito, ondulant dans le paysage comme un anaconda couleur rouille. Peu avant d’arriver au parc national, nous avons traversé une cité pétrolière, sa végétation rasée au profit de routes d’accès, ses habitants au visage durci et aux yeux creusés.
Au pied de quatre torchères rugissantes, les cadavres des insectes brûlés formaient des tas hauts de un mètre. Jusqu’à présent les habitants de Mandari Panga ont résisté aux pétrodollars. Mais pour combien de temps encore ? Fredy sait que le tourisme peut leur offrir un autre avenir. « Nous avons quelque chose de particulier ici », dit-il simplement.
Ce quelque chose se déploie devant nous le lendemain à l’aube. Après un petit déjeuner aux chandelles, oeufs au plat et purée de bananes plantain, nous grimpons maladroitement à bord de pirogues. Je rejoins Nick, un compatriote anglais, dans l’une des embarcations en bois de cèdre dont Fredy, d’un pas sûr de félin, va occuper la poupe. David, un Américain arrivé à Quito quinze ans auparavant et fondateur du tour-opérateur local Eos Ecuador, s’installe dans l’autre bateau avec un guide du nom de Julio. « C’est aussi bien pour vous les gars ; il paraît que j’attire les moustiques », dit-il à regret.
Il est 5h45, il ne fait plus nuit, mais pas encore tout à fait jour. Les lieux baignent dans une lumière délavée, la brume repose sur la canopée comme un fi let détendu. Julio et Fredy pagaient, agiles et fluides, donnant quelques légers coups d’un côté, avant de faire basculer la rame dans un arc élégant pour ramer de l’autre côté. La rivière s’écoule, plate, dense et silencieuse. Autour de nous, la forêt est immense et parfaitement immobile, pas le moindre bruissement de feuilles, les arbres se détachent sans relief sur le fond gris. Je suis frappé par la théâtralité du lieu, de cette scène prête à accueillir le spectacle de la vie.
Tandis que nous patientons, l’orchestre installe l’ambiance. Les cigales posent la ligne de basse avec leur bourdonnement électrique obsédant. Puis un pivert frappe la mesure, accompagné par une colombe répétant sa note unique, voluptueuse et envoûtante, aussi régulièrement qu’un métronome. Puis vient la mélodie : sifflements flûtés et échos carillonnants, chuintements froissés de pompe à vélo, cliquetis d’une pendule qu’on remonte, gargouillis du coucou, semblables à de l’eau bouillonnante, et chant du loriot, comme la chute d’un caillou dans une flaque d’or liquide.
Accompagnés d’une sorte de roulement rauque de tambour, les premiers membres de la troupe font leur entrée côté jardin. « Des singes hurleurs », commente Fredy, désignant quatre silhouettes à fourrure rousse qui émergent du brouillard au sommet d’un figuier. « Les mâles grognent pour marquer leur territoire. »
Nous dérivons un peu plus loin et les oiseaux commencent à arriver en escadrons rapides. Un couple de perroquets à tête bleue pique un sprint au-dessus de nous (leur petite queue faisant paraître leur poitrail curieusement empesé), pestant bruyamment contre un affront quelconque. Nous assistons au débat animé de perruches aux ailes bleu cobalt qui caquettent dans les branches d’un acacia.
À l’écart, un toucan au bec démesuré regarde au loin, faisant mine de ne rien entendre. Fredy et Julio dirigent l’action, déplaçant notre regard d’une scène à l’autre. J’ai les yeux endoloris, littéralement, à force d’efforts pour repérer des formes dans le kaléidoscope de vert et de brun. « Singe-araignée ! » annoncent les deux guides.
Je scrute immédiatement dans la direction, sans rien voir, jusqu’à ce que l’animal se révèle en se grattant une patte, comme apparu par enchantement. Des tamarins à manteau doré descendent tête la première le long d’un tronc, la gueule toute blanche comme un bébé flanqué d’une moustache de lait. Julio leur lance un sifflement poitrinaire auquel ils répondent par un son identique.
Nous croisons un oiseau-serpent posé sur un rondin, des paroares rougecap sur une brindille ; puis, comme répondant à un signal secret, les stars du lieu font leur apparition, se détachant de la rive dans un claquement de palmes et une gerbe d’éclaboussures. Trois loutres géantes – deux adultes et une jeune – à la fois magnifiques et un peu inquiétantes, avec leur museau de pitbull et leurs yeux de serpent. Elles s’immobilisent, menton dans l’eau, nous suivant du regard sans ciller. À nouveau, je prends conscience de l’inversion des rôles, les observateurs devenant les observés. À 10 heures, la brume s’est dissipée en nuées filandreuses et la chaleur du soleil nous mord la nuque.
Nick et moi nous amusons du pas lourd d’un énorme papillon hibou à l’avant du bateau et des moulinets de David tentant de se débarrasser d’une abeille obsédante qui lui bourdonne à l’oreille depuis dix minutes. « Je devrais lui trouver un petit nom », lance-t-il en se tapotant les cheveux. Nous acquiesçons par compassion, retenant nos rires. Mais, peu après, l’ambiance s’alourdit alors que nous nous engageons dans un bras de la rivière où le soleil ne peut pas nous suivre ; Julio nous aide à débarquer au milieu d’un marécage.
Difficile de faire endroit plus primitif et plus menaçant. Le sol tente de nous avaler dans ses plis, la boue nous aspirant jusqu’à mi-cuisse, tandis que nous marchons d’un pas saccadé comme des robots, en luttant pour garder nos bottes à nos pieds. Heureusement, nous finissons par atteindre enfin une sorte de piste. Julio nous précède, se frayant avec agilité un chemin à la machette. « Faites attention à elles », prévient Fredy sur un ton protecteur, en levant haut le genou au-dessus d’une colonne de fourmis coupe-feuille. « Elles peuvent porter leur charge sur 4 km », ajoute-t-il avec tendresse.
Plus tard, j’aurai l’occasion de méditer sur la loterie de l’existence en le voyant déguster des poignées de fourmis myrmelachista schumanni à même un caféier : « Celles-ci sont délicieuses quand on a soif ! »
Le lagon de l’Anaconda nous accueille avec ses relents fétides d’oeuf pourri. C’est un écosystème d’eaux noires, très différent de celui de la Tiputini, et un autre visage de la biodiversité du Yasuní. Le parc national est une des réserves de biosphère de l’Unesco. Ses 485 000 hectares abritent aussi bien des kapokiers géants à la frondaison en forme de champignon atomique que des fourmis assez minuscules pour voyager sur les feuilles transportées par leurs homologues coupe-feuille.
Non loin au sud s’étend la «Zone intangible» où vivent deux tribus «isolées » qui chassent à la lance et à la sarbacane, sans le moindre contact avec le monde extérieur. Un tel isolement nous semblait incroyable avant d’arriver là, mais sur ce bras mort nauséabond, je ne suis pas loin de croire que nous sommes seuls au monde. Nous remontons dans une autre pirogue, Fredy debout à l’avant pour mieux scruter la végétation exubérante qui déborde des berges.
L’eau est lisse et noire, mais tressaille parfois comme un muscle sous la peau quand une chose invisible se meut sous la surface : « Je ne vous conseille pas de vous baigner ici », prévient Fredy en toute inutilité. « C’est fréquenté par d’énormes anguilles électriques qui peuvent vous envoyer des décharges de 600 volts. »
Et comme son nom l’indique, le lac abrite également des anacondas, qui aiment se prélasser sur les rondins. Mais cette fois, le radar de Fredy ne fonctionne pas. À la place, il détecte un serpent rouge sang mangeur d’oiseau, des bancs tourbillonnants de têtards, toute une brochette de chauves-souris à long nez sur leur perchoir ; un nid nervuré de guêpes guerrières dont les milliers d’ailes, à nos claquements de mains, émettent des bruits de soldats en marche. Julio laisse traîner une ligne de pêche qui ramène un piranha bossu à la mâchoire inférieure acérée.
Mais pas le moindre anaconda. « La semaine dernière, j’en ai vu un de 7 m de long, affirme Fredy, visiblement déçu. Un anaconda, ça vous hypnotise si vous le regardez dans les yeux », ajoute-t-il. Je fixe fermement l’horizon jusqu’à ce que nous ayons quitté le lagon sains et saufs. Les scientifiques vous diront évidemment que c’est un mythe et qu’un serpent n’est pas plus capable d’hypnotiser que de convaincre Ève de croquer la pomme. Mais la forêt tropicale n’est pas un lieu de sciences, quoi qu’en disent les manuels. C’est celui des potions, des rêves prophétiques et des contes que les parents transmettent à leurs enfants : un royaume parallèle où s’appliquent d’autres lois.
Le pouvoir de la nature peut être à craindre, comme l’oeil hypnotique d’un anaconda. Il peut aussi être exploité : ces oignons blancs qui poussent le long du sentier soignent les brûlures, nous explique Julio ; le jus de ce pied de champignon traite les otites ; ces baies frottées sur le crâne d’un bébé feront tomber sa fi èvre. Et ce pouvoir peut aussi être bizarre : « Ne fixez pas cet oiseau sinon votre caleçon craquera », avertit Fredy, tandis que nous observons dans le ciel un milan à queue fourchue.
Ce soir-là, Fredy nous révèle qu’il est fils de yachak – un chaman. Nous sommes assis en tailleur autour du feu, à décortiquer des fèves de cacao grillées brûlantes. « Mon père parle aux esprits de la forêt et des rivières et protège les gens des mauvaises énergies », dit-il. Nous acquiesçons, pas surpris le moins du monde, et l’interrogeons sur les aspects pratiques : combien de temps durent les cérémonies ? Comment les esprits communiquent-ils ?
Ici, la magie est tout à fait plausible. Pour ce qui est de la nourriture, il n’y a pas plus grande magicienne qu’Alicia, la belle-mère tout sourire de Fredy. Nous sommes dans sa maison sur pilotis, ouverte de tous côtés sur la forêt. Nous passerons nos dernières nuits à quelques mètres de là, dans nos tentes posées sur des plateformes garnies de paille, que Fredy a construites en surplomb de la rivière. Tandis que nous nous occupons des fèves, Alicia mâche des morceaux de chontaduros bouillis qu’elle recrache dans un bol en bois pour les écraser ensuite au pilon. Avec la chair de ce fruit de palmier orange, elle fait de la chicha , un alcool doux. « Le masticage rend la chicha moins gluante », explique Fredy.
Alicia nous aide à moudre les fèves et le sucre en une pâte brillante, dont elle tire un chocolat brûlant et mousseux, la plus douce des conclusions au repas préparé par Julio : le piranha pêché plus tôt, servi sur des feuilles de bananier, accompagné d’avocats et de tomates du cru. L’Unesco a reconnu la contribution d’Alicia à la préservation de la cuisine traditionnelle d’Amazonie. Elle enseigne les recettes ancestrales aux enfants du village, leur apprend à faire du chocolat et à cultiver durablement leurs propres aliments.
Ces cours sont indispensables à la réussite du projet Mandari Panga. « En Équateur, tant d’hôtels font venir leur ravitaillement de Quito. Nous voulons faire les choses différemment », affirme Fredy, en tapant le sol de ses doigts. Le lendemain matin, nous nous retrouvons perchés dans un arbre, à l’abri des cochons sauvages.
Des pécaris à lèvres blanches pour être plus précis, une espèce hirsute qui peut peser jusqu’à 45 kilos. Nous ne pouvons pas les voir, mais ils sont là, tout près, par centaines, leur odeur rance sur le feuillage, leurs traces dans la terre, des peaux de fruits écrasées jonchant le sol.
Les grognements de tant de groins produisent une vibration sourde à travers la forêt, un son presque mécanique comme le vrombissement d’un générateur. Les hardes de pécaris de cette taille sont dangereuses. Les mâles peuvent devenir agressifs et, si le troupeau panique, il se débandera aveuglément, écrasant tout sur son passage. Julio a été le premier à sentir leur présence, pressant un doigt sur ses lèvres avec un sentiment d’urgence que je ne lui avais pas encore vu, le niveau d’alerte relevé en un clin d’oeil.
Fredy nous a conduits vers un arbre tombé sur un autre à 45 degrés, et nous nous sommes maladroitement hissés dessus, aussi haut que possible. Satisfaits de nous savoir à l’abri, Julio et Fredy ont retiré leur T-shirt pour mieux se camoufler et se sont fondus dans la végétation pour évaluer la situation.
Être à califourchon sur ce tronc est la défi nition même d’une position stressante. J’ai des crampes aux cuisses, les fourmis me mordent et une petite branche exerce une pression régulière sur une partie de ma personne trop sensible pour être ainsi pressurée.
À chaque fois que Nick gigote au-dessus de moi, je prends une douche de mousse et d’écorce. Quinze minutes passent, puis vingt. Le vrombissement s’élève et retombe au rythme des déplacements de la harde sous nos pieds. Il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre. Vue d’ici, ceinte de ses remparts épineux, avec ses fantassins en patrouille, la forêt tropicale semble invincible.
Depuis la rivière, elle avait paru infinie, les arbres sur les rives n’étant que la lisière d’une masse vivante. Difficile de croire que cette masse est une somme d’éléments que l’on peut décompter. Qu’en ce moment même, elle contient un nombre précis de singes hurleurs, de tarentules et de conures pavouanes. Que, quelque part, les membres des tribus isolées entendent le même roulement de tonnerre que moi. Qu’un arbre coupé est un arbre retranché de l’ensemble. Que la jungle a été réduite de moitié depuis l’arrivée des compagnies pétrolières.
Trente minutes ont passé. On entend couinements et claquements de mâchoires. Un autre long roulement de tonnerre, puis, au-dessus de nos têtes, le crépitement de la pluie sur la canopée. Il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre. Ses sortilèges et artifi ces n’y feront rien ; la forêt tropicale est impuissante contre le pipeline « anaconda » qui la traverse. Cette menace moderne requiert une solution humaine. Alors la famille de Fredy forme des guides, enseigne le tourisme aux villageois et prépare des gardes forestiers.
Chaque nouvelle recrue s’ajoute à l’ensemble. « Ce sont des gens bien », m’avait confié Fredy plus tôt. « Je veux absolument que ce projet réussisse. » Le temps seul dira si la magie de Fredy opérera. Il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre. Et en attendant, je m’accroche à cet arbre et repousse le pied de Nick de mon crâne, en croisant les doigts pour que les cochons, ici, ne volent pas.
Ce reportage a été publié dans le magazine National Geographic Traveler n° 8 (hiver 2018).