Grèce : escalade avec vue à Kalymnos

Autrefois célèbre pour ses pêcheurs d'éponges, l'île de Kalymnos attire aujourd'hui les grimpeurs du monde entier.

De Maria Atmatzidou
Publication 30 juil. 2021, 15:16 CEST
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Connue pour les talents de ses pêcheurs d'éponges, l'île grecque de Kalymnos est aujourd'hui l'une des premières destinations mondiales pour la pratique de l'escalade sportive, nouvelle discipline des Jeux olympiques.

PHOTOGRAPHIE DE Photobac, Getty Images

Pendant plus de 50 ans, Antonis Kampourakis s'est levé à l'aube pour enfiler ses palmes et son masque puis sillonner les profondeurs de la mer Égée. Dans quel but ? Récolter les précieuses éponges de mer qui ont assuré la pérennité de l'île grecque de Kalymnos au fil des siècles.

Beaucoup d'autres locaux ont tissé comme lui des liens étroits avec ce métier traditionnel, souvent transmis au sein des familles d'une génération à l'autre. En 1986, lorsqu'une maladie a décimé les éponges de mer, les insulaires ont également vu disparaître leur principale source de revenus.

Puis le regard s'est tourné vers l'intérieur des terres, ses falaises escarpées, ses grottes aux stalactites impressionnantes, ses roches calcaires et la vue sur la mer à couper le souffle à leur sommet.

Aujourd'hui, les paysages arides quoique pittoresques de l'île servent de décor à l'un des meilleurs spots d'escalade sportive au monde, une variante de l'escalade dans laquelle les voies sont fixées par des ancrages permanents. La pratique a permis de revitaliser l'économie locale, attirant à la fois aventuriers amateurs et professionnels, et devrait encore gagner en popularité son entrée aux Jeux olympiques.

 

CULTURE SOUS-MARINE

La pêche à l'éponge de mer, activité déjà mentionnée par Homère dans ses épopées du 8e siècle avant notre ère, est pratiquée sur l'île de Kalymnos depuis le 19e siècle. Les pêcheurs d'éponges sont entrés dans la légende par leur capacité à descendre à plus de 75 m de profondeur grâce à des techniques risquées mais astucieuses, allant de la plongée sans équipement et lestée par une pierre à la respiration par un long tuyau qui remonte en surface.

« Même s'il est difficile et dangereux, ce métier a toujours été amusant pour moi. J'attendais avec impatience le lever du soleil pour aller plonger, » témoigne Kampourakis. « Pendant 52 ans, je suis allé pêcher l'éponge en plongeant jusqu'à mille fois par jour… mais c'était bien payé. J'ai élevé six filles et j'ai pu acheter des maisons pour leurs familles, » poursuit l'octogénaire dont le portrait apparaît sur une statue locale en hommage aux pêcheurs d'éponges.

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    Gauche: Supérieur:

    Un pêcheur plonge pour récolter des éponges au large de Kalymnos. Autrefois, ces créatures marines étaient une importante source de revenus pour les insulaires, mais leur population a grandement diminué.

    Droite: Fond:

    Le commerce des éponges, désormais essentiellement importées, est toujours pratiqué sur Kalymnos en raison de l'aptitude des locaux à les préparer pour la vente.

    Photographies de Francesco Zizola, Noor, Luz, Redux

    Pendant que les insulaires allaient pêcher l'éponge, les commerçants vendaient l'or de Kalymnos sur les étals de lointains marchés. « Avant, il y avait entre 200 et 250 bateaux à éponges qui sillonnaient la Grèce et la Méditerranée orientale, » témoigne Nikolas Papchatzis, marchand d'éponges. « Il n'en reste qu'une poignée aujourd'hui. »

    Les décennies de récolte intensive, la maladie qui a décimé les éponges dans les années 1980 et le rapprochement des événements climatiques extrêmes depuis les années 1990 ont presque réduit à néant le secteur de la pêche à l'éponge.

    Aujourd'hui, les éponges locales sont rares, mais le commerce de l'éponge reste florissant, car les insulaires ont le savoir-faire pour traiter les éponges venues d'ailleurs.

    « Tout est fait à la main, une éponge à la fois ; nettoyage, rinçage, découpe, » explique Papachatzis. À elle seule, l'île de Kalymnos représente 80 % des exportations mondiales d'éponges et pour satisfaire la demande, elle importe des éponges pêchées dans les eaux tropicales. « Cela dit, les éponges méditerranéennes sont d'une qualité incomparable et ont une durée de vie de 10 ans, » précise-t-il.

    À l'heure où la communauté internationale s'efforce de réduire l'utilisation du plastique, les éponges naturelles peuvent sembler plus responsables que les éponges artificielles. Néanmoins, les populations d'éponges fragmentées qui subsistent à l'heure actuelle nécessitent toute notre attention, prévient Thanos Dailianis, biologiste marin au Centre hellénique de recherche marine.  

    « Pour que la pêche à l'éponge reste pérenne, il est impératif de mettre en place une gestion raisonnée et des pratiques durables, » ajoute-t-il. « Couper une partie de l'éponge au lieu d'en extraire l'intégralité du substrat permet de minimiser l'impact de la récolte, car la partie restante peut ensuite se régénérer. » Dailianis soutient également la création de zones protégées qui « peuvent avoir un impact bénéfique au long terme en favorisant la repopulation des zones appauvries. »

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      Avec le déclin de la pêche à l'éponge, l'île attire désormais des voyageurs pour ses ports pittoresques et son paysage montagneux.

      PHOTOGRAPHIE DE Norbert Eisele-Hein, Visum, Redux

      ÉMERGENCE DE L'ESCALADE

      Parallèlement au déclin de la pêche à l'éponge, une tout autre discipline émergeait. Sur le pourtour de l'île, des falaises aux nuances jaune orangé jaillissent de la mer, un relief qui n'a pas manqué d'attirer l'œil du grimpeur italien Andrea Di Bari lors d'un séjour sur l'île en 1996. Enchanté par la qualité de la roche, il est retourné sur Kalymnos l'année suivante avec des partenaires d'escalade pour ouvrir pas moins de 43 voies.  

      Les images publiées par le photographe Andrea Gallo ont attiré l'attention d'un grand nombre de grimpeurs. Par la suite, le guide de montagne, moniteur d'escalade et auteur du livre Kalymnos Climbing Guidebook, Aris Theodoropoulos, a collaboré avec la municipalité pour faire de Kalymnos une destination reine de l'escalade.

      « En 1999, on a vu arriver d'étranges bonhommes, chargés de matériel, puis leur silhouette suspendue aux rochers, » raconte George Hatzismalis, directeur de l'office de tourisme de l'île. « On a rapidement commencé à chercher ce qu'on pouvait faire pour que la pratique évolue : ouvrir de nouvelles voies, les entretenir, organiser un festival d'escalade. »

      Le premier festival a eu lieu en 2000 et depuis il y a eu 13 éditions supplémentaires, avec les grands noms de l'escalade venus grimper les voies les plus impressionnantes et en ouvrir de nouvelles. Aujourd'hui, il y a environ 90 secteurs d'escalades et 3 900 voies, la plupart en une longueur avec une difficulté allant de 4c à 9a, de débutant à professionnel. L'île voisine de Telendos propos 7 secteurs supplémentaires avec 800 voies, certaines en plusieurs longueurs.

      « Il y en a toujours plus, » déclare Lucas Dourdourekas, président de l'équipe bénévole de secours de Kalymnos et moniteur d'escalade expérimenté. La combinaison « des parois vertigineuses, des falaises en dévers, les voies à trous, la grande diversité et la possibilité de passer rapidement d'un endroit à l'autre, sans oublier la vue spectaculaire sur la mer pendant l'ascension, c'est magnifique, » se réjouit-il.

      De plus, il ne faut pas forcément être un spécialiste. Les voies facilement accessibles sont ouvertes à tous, sans distinction de style ou de niveau, des férus d'adrénaline aux familles et amateurs plus prudents.

      « Kalymnos est un spot idéal pour l'escalade de vacances, super pour les débutants, » indiquait Alex Honnold, le plus célèbre des grimpeurs américains, à National Geographic. « Il y a d'énormes grottes avec d'immenses stalactites super amusantes à grimper, puis juste à côté la mer pour se détendre, c'est vraiment beau. »

      Le printemps et l'automne sont les meilleures saisons pour l'escalade mais le climat de l'île reste clément toute l'année. « L'émergence de la pratique a permis de prolonger la saison touristique, de trois ou quatre mois à au moins huit, » témoigne Nikolaos Tsagkaris, président de l'association des hôtels de Kalymnos, « avec tous les avantages que cela implique pour les locaux. »

      Environ 12 000 grimpeurs viennent chaque année mesurer leurs compétences et leur endurance aux falaises de Kalymnos. Certains ont acheté des logements sur l'île et d'autres y ont passé les confinements liés au coronavirus. « Le lien entre les grimpeurs et les locaux est très fort, » indique Hatzismalis. « Des relations étroites se créent, les touristes ne sont pas des étrangers. » Kalymnos est également devenue populaire comme lieu de vacances pour les non-grimpeurs qui souhaitent pêcher, plonger ou simplement nager.

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      Aujourd'hui, Kalymnos dispose de 3 900 voies d'escalade environ, pour tous niveaux, et avec de nombreuses vues sur la mer.

      PHOTOGRAPHIE DE Luliia Leonova, Alamy Stock Photo

      UN MODÈLE DURABLE ?

      Alors que la mer continue de jouer un rôle vital dans la vie de l'île, la popularité de ses falaises semble promise à un bel avenir, surtout à l'heure où la pandémie place sur le devant de la scène les destinations proposant des activités en extérieur.  

      « Ces montagnes que l'on percevait autrefois comme une malédiction, inaccessibles et incultivables, sont devenues une bénédiction, » déclare le maire, Dimitris Diakomichalis. « Nous souhaitons en faire bon usage de différentes manières, par exemple en développant la randonnée et le VTT. »

      Kalymnos s'est offert une place sur la carte mondiale de l'escalade, mais pour en profiter le plus longtemps possible, le patrimoine naturel de l'île doit être protégé. Les autorités ont établi un Protocole de la nouvelle voie en 2018 dans le but d'empêcher une expansion incontrôlée, d'assurer la sécurité des visiteurs et de minimiser l'impact négatif sur l'environnement.

       « Aucune modification n'a été apportée à l'environnement naturel et les grimpeurs, généralement soucieux de l'environnement, apprécient le paysage sauvage, » déclare Hatzismalis. « Tant que les lieux d'intérêt archéologique et les formations millénaires, comme les stalactites de la Grande Grotta, continuent d'être respectés, » dit-il, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

      Avec la reprise du tourisme international, bon nombre de locaux voient un avenir radieux pour l'escalade à Kalymnos… et peut-être ailleurs. « Si l'on continue à entretenir les voies présentes et futures, l'île pourrait servir de modèle à d'autres destinations. »

      Maria Atmatzidou est une journaliste basée à Athènes qui couvre le voyage et à l'archéologie. Elle a travaillé en tant que rédactrice en chef de l'édition grecque des magazines National Geographic et National Geographic Kids. Retrouvez-la sur Instagram.

      Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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