Huit petits coins de paradis, et l’espoir d’un neuvième

Chacune des îles des Canaries a son propre univers : ses paysages, sa faune et sa culture. Mais elles ont en commun certaines caractéristiques naturelles et humaines, en particulier la légende d’une neuvième île mystérieuse…

De Stephen Phelan
Publication 25 oct. 2023, 17:39 CEST
Au large de la côte nord-ouest de l’Afrique, huit îles ont surgi de la mer, donnant naissance à des légendes du ciel et de la terre de feu qu’il domine.

Les Grecs anciens étaient fascinés par l’ouest. Homère et Platon évoquaient un paradis mythique et une civilisation perdue aux confins du monde civilisé. Ils pensaient que les champs Élysées, lieux des Enfers ou du séjour des morts, ainsi que le continent englouti de l’Atlantide, se situaient en Macaronésie, une série d’archipels volcaniques au nord-ouest de l’Afrique, composée des Açores, du Cap-Vert, de Madère, des îles Selvagens, et bien sûr, des Canaries. 

Huit des îles de l’archipel des Canaries sont habitées. On compte également quatre îlots et autres pitons rocheux, chacun possédant sa propre histoire et beauté naturelle. Fuerteventura, par exemple, a surgi de l’océan il y a 20 millions d’années, tandis que sa voisine La Palma a vu le jour il y a 1,7 million d’années. Cette dernière s’agrandit d’ailleurs toujours en raison d’épisodes sismiques sporadiques. L’archipel est sous domination espagnole depuis plus d’un demi millénaire. Le temps y est constamment clément, plutôt chaud. Ces îles partagent plusieurs caractéristiques biogéographiques, mais certaines sont uniques. 

Le biologiste canarien Antonio Machado dresse une courte liste tirée des 3 600 espèces animales et 500 plantes natives des Canaries. « Le dragonnier des Canaries, la campanule des Canaries, le pinson bleu, le lézard géant de La Gomera… » Certaines de ces espèces sont en voie de disparition, comme bien d’autres oiseaux, reptiles, poissons et mammifères qui vivent sur ces îles.

« C’est un écosystème fragile à la biodiversité unique », explique le Dr. Machado, qui a consacré la plus grande partie de sa carrière à protéger la région. Les Canaries sont composées à plus de 50 % de parcs nationaux et de réserves naturelles. Les défenseurs de la région se réjouissent de victoires durement remportées, comme la reforestation d’un ancien bois de lauriers et la réintroduction d’espèces quasi-disparues. 

On assiste également à une renaissance culturelle avec la réintroduction du porc noir des Canaries. Consommé pendant des siècles, il s’éteignait progressivement jusqu’à ce qu’un phénomène récent de réhabilitation de l’agriculture et de la gastronomie traditionnelles le réintroduise dans les exploitations agricoles, et par là-même dans les assiettes. D’autres traditions survivent : festivals, danses et sports (lutte, lever de pierre et une forme rudimentaire de saut à la perche nommée « saut du berger ») attestent d’un riche patrimoine humain, issu des traditions du peuple autochtone, les Guanches, des colons espagnols, et plus tard de ceux venus des Amériques.

Du plus loin que les habitants des huit îles s’en souviennent, une légende circule : celle de l’existence d’une neuvième île. Cette île spectrale, connue sous le nom de San Borondón, ou île de Saint-Brendan, d’après le moine navigateur irlandais qui l’aurait découverte, figure même sur d’anciennes cartes. Saint Brendan évangélisait les peuples par-delà les mers au 6e siècle. Lors d’un de ses voyages, il fut guidé par un poisson géant vers une sorte de paradis terrestre à l’extrémité de l’archipel. Ces légendes n’ont pas de secrets pour le Dr. Machado, né à Tenerife et qui retrace sa généalogie à la conquête espagnole. 

Homme de science, il accorde peu de crédibilité aux témoignages isolés de pêcheurs locaux qui jurent avoir vu San Borondón apparaître et disparaître dans la brume, tel un vaisseau fantôme. 

« La formation de nuages verticaux à l’ouest d’El Hierro peut donner l’illusion qu’une île se profile à l’horizon », suggère-t-il, mais El Hierro elle-même, comme toutes les îles des Canaries, possède une beauté et un mystère bien plus merveilleux à ses yeux que le fruit de l’imagination des pêcheurs. Le Dr. Machado fait l’éloge des mille et une découvertes que les voyageurs peuvent faire sur chacune des huit îles.

« Les îles les plus anciennes, comme Lanzarote, sont plates et arides, un peu comme le désert de l’Afrique. Le sommet de Tenerife se dresse à 3 716 mètres et il est couronné de neige en hiver. L’île est couverte de forêts de lauriers, de pins et offre bien d’autres habitats. La Grande Canarie, quant à elle, est une merveille géologique… » En bref, chaque île est un petit paradis.

Tenerife

L’île la plus grande et la plus peuplée des Canaries est aussi la plus visitée. Bordée de plages de sable or et noir, elle compte 10 restaurants étoilés Michelin nichés dans des hôtels de luxe ou d’anciens édifices coloniaux. À l’intérieur des terres, elle offre des paysages spectaculaires avec ses forêts et ses champs cultivés, jusqu’au sommet enneigé du mont Teide, qui touche les étoiles. Volcan le plus imposant de l’archipel, il projette son ombre immense sur la mer, contribuant probablement au mythe de l’existence de San Borondón.   

Gran Canaria article 1

À l’intérieur des terres, Tenerife offre des paysages spectaculaires de forêts, de champs cultivés et de sommets enneigés.

PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

La Grande Canarie

Sur cette île prisée des vacanciers, les roches volcaniques côtoient des plages de sable blond et une mer d’un bleu limpide. Ses plus de 60 km de plages sont ponctuées de stations balnéaires et de sites pittoresques, comme le port de Mogán. La Grande Canarie ne manque pas d’animation : boutiques, concerts et gastronomie sont au rendez-vous. Son terrain accidenté recèle également des trésors géologiques : ravins volcaniques, grottes profondes, dunes imposantes, forêts de pins anciennes et vallées verdoyantes donnent l’illusion d’un continent miniature.   

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    Les imposantes dunes de Maspalomas figurent parmi les nombreux anciens sites naturels de la Grande Canarie.

    PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

    Lanzarote

    Rappelant les cratères lunaires et les canyons martiens, Lanzarote, réserve de biosphère de l’UNESCO, est préservée de l’activité humaine. Celle-ci se concentre sur la côte, dans les ports et les stations animés. À l’intérieur des terres, le paysage fantasmagorique attire de plus en plus de randonneurs et de cyclistes, séduits par ses massifs et ses vallées hors du commun, ses cônes et ses tunnels volcaniques, le vaste désert d’El Jable et les champs de lave de la Caldera Blanca. Les événements sportifs comme la course Ironman du Club La Santa ont un attrait majeur pour les coureurs désireux de profiter de ces paysages de rêve.

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    Le sol volcanique de Lanzarote est idéal pour la culture des vignes. Les amateurs de bons crus peuvent goûter des vins délicieux tout en admirant le sublime paysage.

    PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

    Fuerteventura

    Doyenne des Canaries, l’île de Fuerteventura a surgi de l’océan au Miocène. Les vents l’ont ensuite sculptée au fil des millénaires, transformant les dunes en sommets à Corralejo, et arrondissant les angles des collines ocre, où se dressent des moulins à vent entre lesquels paissent des chèvres. L’île jouit de conditions optimales pour la pratique du surf et d’autres sports nautiques, de plages de sable blond et de chemin sinueux qui mènent à des points de vue reculés, des ermitages, des grottes secrètes et des réserves pour les oiseaux et les tortues de mer.

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    Les plages sauvages de sable blond et de rochers de Fuerteventura se prêtent idéalement aux sports nautiques et à la relaxation.

    PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

    La Palma 

    Aux Canaries, nombreux sont les ports qui retiennent le charme de l’ère coloniale, mais Santa Cruz de la Palma est de loin le plus pittoresque. Des maisons à la façade en bois se dressent sur fond de lave figée, tandis que les carnavals d’inspiration latino et les cigares attestent des liens commerciaux de longue date entre l’ancien et le nouveau monde. L’île a également des sites sauvages, à l’instar du parc national de la Caldera de Taburiente, qui comprend des volcans actifs, des ravins et des cascades vertigineuses.

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    La Palma, et en particulier la ville portuaire de Santa Cruz de la Palma, a conservé une atmosphère coloniale.

    PHOTOGRAPHIE DE ISLAS CANARIAS

    El Hierro

    Pendant bien longtemps, El Hierro se situait aux confins du monde civilisé. Les cartographes français du 17e siècle y ont situé le premier méridien. Celui-ci passe non loin du célèbre phare isolé de la Punta de la Orchilla, planté sur l’une des nombreuses falaises qui tombent à pic dans des eaux profondes, désormais prisées par les amateurs de plongée sous-marine. Une atmosphère primitive règne au cœur des bassins volcaniques et des épaisses forêts de lauriers, où des sorcières, dit-on, se réuniraient pour leurs danses rituelles. 

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    L’atmosphère primaire d’El Hierro est palpable au sein de ses bassins volcaniques et de ses forêts denses.

    PHOTOGRAPHIE DE ISLAS CANARIAS

    La Gomera 

    La Gomera est la plus petite île de l’archipel, mais aussi la plus sauvage et la moins visitée. Elle offre des plages, des palmeraies, des forêts embrumées et des grottes volcaniques qui abritent d’anciens autels sacrificiels. Faiblement peuplée et comptant peu de routes et de nombreux sentiers de randonnée, l’île conserve une trace vivante de son lointain passé préchrétien : le langage sifflé, ou Silbo. Utilisé traditionnellement par les pâtres pour communiquer d’une vallée à l’autre, ce langage est toujours employé par de nombreux villageois. Il est classé au patrimoine culturel de l’UNESCO.

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    Au détour d’une promenade au cœur des forêts brumeuses de La Gomera, vous entendrez peut-être des sifflements, langage ancestral de l’île, résonner dans les vallées verdoyantes.

    PHOTOGRAPHIE DE Matthieu Paley

    La Graciosa 

    La petite dernière des îles Canaries ne fait partie de l’archipel que depuis 2018. Longtemps considérée comme un îlot de Lanzarote, c’est l’un des plus anciens bastions sauvages d’Europe. Pas de routes, une nature secrète et préservée, des plages vierges comme celle de Playa de las Conchas. Quelques maisons blanchies à la chaux et de rares résidences d’été ponctuent le paysage composé de grottes marines et de massifs volcaniques couleur terre de Sienne, où nichent des espèces autochtones d’oiseaux, de poissons et de lézards. L’être humain y est secondaire.

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    Amoureux de solitude, ne cherchez pas plus loin : sur l’île de La Graciosa, profitez d’un calme absolu au cœur d’un magnifique paysage préservé.

    PHOTOGRAPHIE DE ISLAS CANARIAS

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