Égypte : à la découverte de l'extraordinaire vallée des Baleines

Au sud-ouest du Caire, en plein désert occidental égyptien, gisent des trésors plus anciens encore que les tombeaux des pharaons. Ils réservent à ceux qui viennent les voir une perspective nouvelle sur les grands mystères de l’évolution.

De Bella Falk
Publication 30 oct. 2024, 10:38 CET
Le Ouadi al-Hitan est un site archéologique de 195 kilomètres carrés inscrit au Patrimoine mondial de ...

Le Ouadi al-Hitan est un site archéologique de 195 kilomètres carrés inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’y trouverait la clé de l’un des plus grands mystères de l’évolution.

PHOTOGRAPHIE DE Bella Falk

Une multitude de protagonistes donnent vie à l’histoire de l’Égypte ancienne, de Toutânkhamon et de son masque funéraire en or à l’énigmatique Sphinx de Gizeh. Mais qui parcourt 160 kilomètres vers le sud depuis Le Caire et s’enfonce dans les étendues de sable du désert occidental aura l’occasion de remonter encore un peu plus le temps et de s’immerger dans une époque où l’Égypte n’était pas peuplée de rois mais de monstres.

Là, au bout d’une longue piste se trouve le Ouadi al-Hitan, site de 195 kilomètres carrés inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO qui recèlerait la clé de l’un des plus grands mystères de l’évolution.

Pourtant, on ne le croirait pas à première vue. La vie est absente de cette vallée de sable : point de maisons, d’arbres ou d’eau ; seulement des kilomètres et des kilomètres d’un désert qui s’étire dans toutes les directions, aussi infini et doré que toutes les richesses des pharaons. Un silence profond y compense le vacarme du Caire.

Bien que les touristes se pressent pour voir les richesses de la vallée des Rois, le Ouadi al-Hitan demeure un trésor largement ignoré. Pourtant, ce lieu reculé raconte une histoire forte sur la vie terrestre, enfouie par les sables du temps, littéralement, et désormais ramenée à la surface par l’érosion due au vent et par le travail méticuleux des paléontologues.

Des signes de vie préhistorique sont présents dans le désert : des mollusques et dents de requins notamment.

PHOTOGRAPHIE DE Bella Falk

Les amateurs de fossiles visitent la vallée des Baleines à l’occasion d’excursions d’une journée organisées au départ du Caire. Au milieu du désert, ils découvrent des roches que le passage de millénaires a sculptées en des formes qui ne semblent pas de ce monde. Kiosques bulbeux, rotondes ramassées et champignons géants émaillent un paysage grêlé par les vents incessants. Entre eux passe un chemin de sable, reconnaissable aux pierres soigneusement disposées le long de ses bordures ainsi qu’aux empreintes des visiteurs qui se superposent.

Voilà l’un des environnements les plus stériles sur Terre et, pourtant, les groupes de curieux qui gravissent cette piste qui crisse doucement sous le pied et se faufile entre les formations rocheuses découvrent les vestiges d’une vie préhistorique : des coquilles lisses de mollusques attrapent la lumière ; il y a des fossiles d’animaux marins en forme de pièces qu’on appelle nummulites ; et même des dents de requins.

Autant de choses que l’on ne s’attend pas à trouver dans un désert situé à 160 kilomètres des côtes. Mais il y a 40 millions d’années, les continents avaient un aspect bien différent et l’actuelle Afrique du Nord était submergée dans son entièreté par un océan peu profond : la Thétys.

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    On a identifié un millier de spécimens au Ouadi al-Hitan, la vallée des Baleines.

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    Mais l’on y trouve d’autres vestiges de ce passé énigmatique, plus parlants encore : des fragments osseux éparpillés comme les pièces d’un puzzle, des vertèbres de la taille de blocs de béton. Plus spectaculaire et plus surprenant encore est le squelette en excellent état d’un énorme prédateur allongé sur le sable au bout de la piste. Sa colonne vertébrale fait la taille d’un terrain de cricket et ses côtes reposent de chaque côté de celle-ci comme des piquets qu’aurait renversés le lancer d’un spin bowler.

    « En découvrant cette créature, les scientifiques ont pensé qu’il s’agissait d’un reptile marin géant », révèle Hesham Sallam, paléontologue principal au Ouadi al-Hitan. « Donc ils l’ont nommée Basilosaurus, ce qui signifie ‘roi-lézard’. Ce n’est qu’ensuite qu’ils se sont rendu compte qu’il s’agissait d’une baleine. »

    Cela fait plus d’un siècle que les paléontologues mettent ici au jour des baleines préhistoriques. Environ 1 000 spécimens ont été identifiés, ce qui en fait le plus grand cimetière de baleines sur Terre, et l’un des sites paléontologiques les plus importants. C’est pour cette raison, et en référence à la vallée des Rois, la plus célèbre nécropole d’Égypte, qu’ils ont nommé l’endroit Ouadi al-Hitan, la vallée des Baleines.

    Dans le sable du ouadi, on trouve une douzaine de baleines à admirer, toutes appartenant aux genres Basilosaurus et Dorudon. Leur datation révèle qu’elles ont vécu il y a 37 à 40 millions d’années, à l’Éocène tardif. Disposés d’une manière qui évoque les expositions en plein air, les restes des baleines sont reliés par des chemins qui permettent aux visiteurs de les découvrir une à une.

    Au Ouadi al-Hitan, un musée souterrain présente d’autres fossiles découverts sur le site.

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    On éprouve une certaine fascination à scruter ces ossements qui s’avèrent également cruciaux pour comprendre certaines des histoires les plus bizarres de l’évolution, dont la clé se trouve dans le petit musée souterrain du site.

    Là, aux côtés d’une paire de crânes de Basilosaurus d’un mètre de long aux dents effroyables se trouve l’attribut le plus époustouflant (et étrangement comique) du monstre : une paire de minuscules pattes postérieures complètes avec fémurs, tibias et chevilles, également dotées de pieds en forme d’allumettes.

    « Quand on y pense, c’est bizarre que les baleines soient des mammifères qui respirent de l’air alors qu’elles vivent dans l’océan, observe Hesham Sallam. Des scientifiques ont formulé l’hypothèse qu’elles devaient être d’abord apparues sur terre avant d’aller dans l’eau et d’évoluer pour devenir ces géantes que l’on connaît aujourd’hui, en perdant leurs jambes au cours de ce processus. Mais pendant des décennies ils n’avaient aucune preuve de cela. »

    Ces os de jambes, découverts en 1989, constituent un lien crucial dans cette transformation. Ils sont frêles, pas plus grands qu’un bras humain et ainsi attachés à cette baleine de six tonnes, ils ne pouvaient pas lui servir à marcher. Mais ils apportent une preuve claire que les ancêtres des baleines évoluaient à terre et que celles-ci ont ensuite abandonné leur mode de vie terrestre pour aller dans l’eau.

    « C’est comme si on pouvait voir l’évolution à l’œil nu et la toucher de la main, explique-t-il. Il faut faire attention à l’endroit où l’on marche, car il y a des fossiles partout et on ne sait jamais quelle découverte pourrait se trouver sous nos pieds. »

    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Traveller (UK) en langue anglaise.

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