Sölden : les Alpes, des sommets à 3000 mètres d'altitude... et James Bond
Sölden, station des Alpes vénostes, a servi de lieu de tournage pour un film de la saga James Bond, mais c’est sur ses pistes, qui incluent certains des plus hauts sommets du monde accessibles en remontées mécaniques, que réside le vrai spectacle.
Sölden est la seule station d’Autriche avec trois sommets de 3 000 mètres pouvant être explorés grâce à des remontées mécaniques.
Ici, chez Ice Q, tout est calme aujourd’hui. À l’horizon s’alignent les sommets irréguliers et blancs des Alpes vénostes, et plus loin encore se dressent les Dolomites italiennes. Toute cette beauté sauvage sert de décor à la remarquable architecture moderne de ce restaurant de montagne, tout de verre et d’acier, qui est peut-être le plus célèbre d’Autriche. Je ne peux qu’imaginer ce que cela a dû être lorsqu’une équipe de tournage entière a investi les pistes.
L’imposante boîte en verre qu’est Ice Q, où se reflètent le ciel bleu et la neige, est un lieu de tournage évident pour un James Bond. Dans Spectre, le vingt-quatrième opus de la saga, sorti en 2015, l’édifice occupe une place de choix : il devient la Hoffler Klinik, un centre médical privé fictif. Sa silhouette est d’ailleurs la première chose que l’on aperçoit à Sölden quand on atteint le sommet du Gaislachkogel, à 3 000 mètres d’altitude.
Il n’est pas surprenant que ce cadre d’altitude ait attiré l’attention des chasseurs de décors du film. Ouvert en 2014, le restaurant ressemble à une pile de glaçons (d’où le nom) savamment assemblés pour tenir sur le pergélisol. Je n’ai toutefois pas prévu de dévaler la montagne à bord d’un avion bimoteur à la poursuite de 4x4 comme Daniel Craig… du moins pas dans l’immédiat.
Le spectacle offert par ce sommet n’est qu’un prélude ; de ce camp de base, on part explorer les non moins impressionnantes pistes de ski de Sölden : 145 kilomètres, trente-et-une remontées mécaniques, trente chalets et restaurants et deux zones de ski sur glacier. C’est la seule station autrichienne à compter trois sommets de 3 000 mètres d’altitude jouissant d’un accès par remontée mécanique.
Mon moniteur, Peter Arnold, travaille sur les pistes de Sölden depuis quarante-deux ans : « Les gens aiment la largeur des pistes ici, c’est très facile pour débutants et les skieurs de niveau intermédiaire, tandis que les pistes qui partent du sommet sont plus exigeantes. »
À l’hôtel Das Central, l’on peut se baigner dans la nouvelle piscine à débordement du « Spa du sommet », après une journée sur les pistes.
Le fait qu’il passe ses hivers sur la neige et ses étés à l’Area 47, plus grand parc de loisirs en extérieur d’Autriche, à une demi-heure de voiture en aval, explique peut-être pourquoi seuls ses cheveux argentés trahissent son âge. La vie alpine comporte de toute évidence ses bienfaits.
Le samedi matin, au début du mois de février, un silence agréable règne sur ces larges pistes, et les conditions de ski sont excellentes. L’altitude de Sölden est synonyme de neige propice et régulière (la saison dure d’octobre à mai), et la météo actuelle ne pourrait pas être plus idéale.
L’une des descentes dont Peter parle est celle de la Coupe du monde, qui démarre à plus de 3 000 mètres d’altitude. Avec une déclivité de 65 % à son maximum, ce n’est pas là que l’on commence son séjour, ni qu’on le termine d’ailleurs ; on passe plutôt quelques jours à s’essayer aux pistes rouges sympathiques et à certaines pistes noires plus clémentes, à prendre ses marques, avant de se frayer un chemin jusqu’aux domaines glaciers de Rettenbach et de Tiefenbach.
Et s’il est parfois difficile de suivre les conseils du moniteur sur les pistes (« Plie les genoux en épousant la pente quand tu es de face par rapport à la piste, déplace ton poids vers le bas de ta jambe ET contrôle ta vitesse »), Peter parvient à me regarder, on ne sait comment, avec les yeux qu’il a derrière la tête, et à effectuer les ajustements nécessaires pour améliorer ma pratique sans trop se concentrer.
Mais tout cela est fatigant. Ayant trouvé nos marques avant de les reperdre aussitôt, nous sommes allés déjeuner chez Ice Q. Là, nous ne sommes pas accueillis avec un shaker protéolytique riche en enzymes digestives comme celui que Bond se voit offrir dans le film, mais la gastronomie fait jeu égal avec les panoramas sensationnels du restaurant : omble du cru avec citrouille et salsifis noirs ; entrecôte de bœuf avec champignons de Paris et aubergine fumée ; et mousse au chocolat autrichienne parfaite pour terminer.
Dans la vallée, l’hôtel Das Central, maison-mère d’Ice Q, est un peu plus traditionnel. Occupant un emplacement central à Sölden, en surplomb de l’Ötzaler Ache, cet établissement a ouvert en 1969 et a été construit dans le plus pur style alpin. Pourtant, les extensions qui sont en train d’être bâties lui donnent un air de Tardis, la machine à voyager dans le temps de la série Doctor Who. Cet hôtel a beau sembler relativement petit, il comporte désormais plusieurs ailes et 125 chambres.
Chez Ice Q, la gastronomie n’a rien à envier aux panoramas sensationnels.
Depuis l’ajout en 2023 d’un spa de 2 000 mètres carrés s’élevant sur deux étages et ayant coûté plusieurs millions d’euros Das Central est l’endroit rêvé pour se revigorer après une journée sur les pistes. Avec ses deux grands nouveaux saunas, son immense piscine intérieur / extérieur à débordement avec panoramas sur les sommets, son jacuzzi auquel rien ne manque, pas même une terrasse ensoleillée, et ses six salles de soins, les muscles endoloris ne risquent pas de se raidir.
Et en matière d’ingénierie formidable, Das Central s’y connaît. L’un des fondateurs de l’hôtel, Hans Falkner, a également participé à la création du téléphérique qui a ouvert Sölden au tourisme. Hans Falkner, Hermann Gurschler et Martin Riml ont fondé l’entreprise de remontées mécaniques Bergbahnen Sölden qui a rendu les pistes accessibles dès 1966 avec l’inauguration du téléphérique.
Ces trois pionniers ont su déceler le potentiel du secteur des sports d’hiver, mais en tant qu’hôteliers ils étaient également conscients de l’importance de l’hospitalité. En outre, le restaurant d’origine, une stube traditionnelle lambrissée avec du pin, demeure ; on y trouve une carte récompensée (plats et vins) sans doute supérieure aux menus que l’on y servait autrefois.
Et c’est là, par hasard, que nous rencontrons Neal Callow, directeur artistique pour plusieurs films de la saga James Bond, qui avait assisté à un dîner caritatif organisé la nuit précédente. Jack Falkner, le fils d’Hans, désormais P-DG et copropriétaire de la station, fait les présentations.
Neal Callow explique comment l’équipe de tournage a utilisé la montagne : « Nous nous sommes servi de l’extérieur du bâtiment, l’Ice Q, mais nous avons construit un faux intérieur ; nous avons copié la belle architecture de Jack et Hans là-haut et l’avons recréée aux studios Pinewood. Avec un tel plateau de tournage, il faut de l’espace pour installer les caméras, les lumières et tout le reste ».
De retour en haut de la montagne, à l’angle du restaurant Ice Q, se trouve 007 Elements, legs permanent du film. À l’intérieur d’un bunker en béton construit dans la montagne et transformé en musée – on ne fait pas plus repaire de méchant, Neal Callow a contribué à la création d’une expérience immersive et interactive.
Y attendent des vidéos projetées sur des murs entiers, des accessoires et gadgets d’origine issus des différents tournages, mais aussi des panoramas d’exception sur les Alpes. Mais tout bien considéré, ce sont ces vues de haute altitude qui font revenir les hivernants à Sölden, désormais plus riche de l’histoire du célèbre agent double.
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Traveller (UK) en langue anglaise.