Ce weekend, des milliers d'amateurs seront réunis autour de l'omelette géante de Bessières
Chaque année, les habitants de Bessières, commune du sud-ouest de la France, célèbrent Pâques en préparant une omelette assez grande pour nourrir 6 000 personnes.
À Bessières, la foule se sert pour assister à la préparation de l’Omelette Géante.
La France ne manque pas d’événements culinaires, tout étant prétexte à dégustation, des citrons de Menton aux oignons de Roscoff. Pourtant, en termes d’ambition, peu d’événements rivalisent avec la Fête de l’Omelette Géante de Bessières. Celle-ci combine durant trois jours dîners, chasses aux œufs de Pâques, défilés et animations en tous genres. Elle atteint son point culminant le lundi de Pâques avec un exploit culinaire : la préparation d’une omelette colossale contenant 15 000 œufs, assez grosse pour nourrir 6 000 habitants et visiteurs.
Lorsque j’arrive, les organisateurs, réunis sous le nom solennel de Confrérie Mondiale des Chevaliers de l’Omelette Géante, ont déjà bouclé la place du marché de la ville pour réaliser cette prouesse culinaire. Alors qu’un feu de joie crépite au centre, près de cent bénévoles, tous vêtus de jaune et de blanc, se rassemblent autour d’une longue table et commencent à casser des œufs dans de grands bols.
J’interroge un membre de la confrérie sur la légende souvent citée comme étant à l'origine de cette fête. Elle raconte que Napoléon Bonaparte, qui se serait arrêté dans une auberge des environs, y aurait tellement apprécié l’omelette qu’il aurait insisté pour revenir le lendemain avec son armée et ordonné à l’aubergiste d’en préparer une assez grande pour les nourrir tous. « Oui, certains racontent cette histoire », laisse-t-il entendre en levant les yeux au ciel. « Mais il s’agit en fait d’une communauté, une amitié, dans le monde entier. »
En 2023, cet événement fêtera son 50e anniversaire. Au cours de ce demi-siècle, il a inspiré six autres fêtes de l’Omelette Géante dans le monde : en Provence, en Belgique, en Argentine, en Nouvelle-Calédonie, en Louisiane et au Québec. Chaque événement a sa propre confrérie, et de nombreux membres de ces confréries sœurs se rendent chaque année à Bessières pour participer à la fête originale.
Au bout de la table, un tas de coquilles d'œufs grossit régulièrement jusqu'à atteindre un mètre de haut. À la fin de l’événement, celles-ci seront récupérées par les habitants et utilisées comme engrais ou données aux poulets. Pendant ce temps, les Chevaliers de Bessières, reconnaissables à leur toque, placent une poêle à frire de 850 kilogrammes et de près de 4 mètres de diamètre au-dessus du feu à l’aide d’un chariot élévateur. Ils versent ensuite 70 litres de graisse de canard dans la poêle pendant qu’elle chauffe. Peu après, les œufs sont transvasés dans d’immenses marmites en aluminium et fouettés à l’aide de mélangeurs à palettes manuels, habituellement utilisés pour le béton, auxquels sont ajoutés de la ciboulette hachée, du sel, du poivre et du piment d’Espelette.
L’événement est organisé par les bénévoles et fait partie intégrante des fêtes de Pâques de la ville.
Enfin, les chevaliers commencent à verser les différentes marmites contenant les mélanges. Tandis que la préparation commence à cuire dans la poêle, ils la remuent à l’aide d’énormes pagaies en bois afin d’éviter qu’elle ne colle et ne brûle. Je me mets à discuter avec certains bénévoles et leur demande d’où ils viennent. Un couple vient de la confrérie de Malmedy, où se déroule la fête belge. Ils se relaient : l’un tenant leur bébé pendant que l’autre aide à placer des tranches de pain au levain dans des assiettes en carton. Une femme qui vient du Québec, seule représentante de la confrérie canadienne, est venue voir de vieux amis. Je rencontre également un médecin généraliste retraité qui vient de Fréjus, où se tient la fête de Provence, et qui m’explique que chacune des sept Omelettes Géantes du monde a ses propres saveurs. En Provence, par exemple, sont utilisées de l’huile d’olive et des fines herbes, constituées généralement de quantités égales de persil, ciboulette, estragon et cerfeuil frais hachés.
Il faut compter à peu près une demi-heure pour la cuisson de l’omelette. Les bénévoles se mettent ensuite à l'œuvre, la servant sur 6 000 assiettes en carton données avec des fourchettes en bois, distribuées efficacement aux spectateurs rassemblés autour de la place.
J'admets avoir des a priori quant au goût d'un plat préparé à cette échelle, d'autant que le résultat final ressemble de très près à des œufs brouillés. Ma première bouchée me prouve toutefois que j’ai tort. C’est délicieux. J’en demanderais volontiers de nouveau, mais la poêle géante s’est miraculeusement vidée.
Comment en profiter : l’entrée est gratuite, ainsi qu’une assiette contenant du pain et une portion d’omelette. Cette année, l’événement aura lieu du 8 au 10 avril.
Les Chevaliers de Bessières travaillent de concert pour remuer et assaisonner l’Omelette Géante.
LES AUTRES SPÉCIALITÉS DE PÂQUES À ESSAYER
1. Les cloches de Pâques
Le principal symbole français de la fête de Pâques n’est pas un lapin, comme dans les pays anglo-saxons. Elle est plus proche de ses origines religieuses : des cloches d’église en chocolat. Elles renvoient à une tradition selon laquelle les cloches des églises ne sont pas sonnées du Jeudi Saint au dimanche de Pâques, jour où leur tintement symbolise le moment de la célébration.
2. L'agneau pascal
Comme dans la plupart des pays chrétiens, les plats à base d’agneau garnissent les tables françaises le dimanche de Pâques. En Normandie, ce sont les agneaux des prés-salés qui paissent dans les pâturages proches du Mont Saint-Michel ; dans le Lot, ce sont les agneaux fermiers du Quercy dont on dit qu'ils « portent des lunettes de soleil » en raison des tâches noires qui entourent leurs yeux ; et à Sisteron, en Provence, il est question, chaque week-end de Pâques, de la célèbre Fête de l’Agneau et son fameux agneau tendre du pays.
3. Les pascadous aveyronnais
La pâte à crêpes est utilisée sous de nombreuses formes au début et à la fin du Carême, qu'il s'agisse de crêpes ou de beignets. Néanmoins, en Aveyron, dans le Sud de la France, la préférence va aux pascadous. Dans cette spécialité salée sont incorporées des herbes fraiches, comme le persil ou la ciboulette, ainsi que des feuilles vertes comme les épinards ou les blettes. Puis la pâte est frite afin de former de petits beignets. Ils sont traditionnellement servis après Pâques.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.