Les "parcs silencieux", ces espaces naturels épargnés par la pollution sonore

De Taïwan à la Namibie, des lieux paisibles nous rappellent que le silence a le pouvoir de remédier à toute une série de problèmes de santé.

De Terry Ward
Publication 5 déc. 2024, 19:17 CET
Le parc national des Glaciers, au Canada, pourrait être l’un des derniers endroits de la planète ...

Le parc national des Glaciers, au Canada, pourrait être l’un des derniers endroits de la planète qui ne soient pas soumis à la pollution sonore. Gordon Hempton, cofondateur de Quiet Parks International, nous dévoile les critères permettant de qualifier un lieu de « naturellement silencieux ».

PHOTOGRAPHIE DE Galyna Andrushko

Le silence pourrait être en train de faire son grand retour, en particulier pour celles et ceux qui cherchent à échapper au stress de la vie quotidienne et aux vices de la technologie. Pour le savoir, il suffit d’en parler avec l’éco-acousticien Gordon Hempton, selon qui les espaces de tranquillité son d’une importance capitale. En tant que cofondateur de l’organisation à but non lucratif Quiet Parks International (QPI), sa mission est de mettre le silence naturel à la portée de la plus grande partie possible de la population mondiale en certifiant et en protégeant des lieux épargnés par la pollution sonore.

Il y a quatre ans, QPI a accordé la première certification « Urban Quiet Park » ou « parc silencieux urbain » au monde, dans l’un des endroits les plus densément peuplés de la planète. Il s’agit du parc national de Yangmingshan, situé au nord de Taipei, à Taïwan, un parc de 114 kilomètres carrés connu pour ses sources d’eau chaude relaxantes, son relief montagneux et ses oiseaux endémiques.

« Les parcs silencieux urbains sont une source quotidienne de beauté naturelle et de calme intérieur pour un groupe cible de personnes ayant désespérément besoin de tranquillité », explique Vikram Chauhan, président de QPI.

En 2005, l’éco-acousticien Gordon Hempton a désigné le Parc national Olympique de l’État de Washington comme ...

En 2005, l’éco-acousticien Gordon Hempton a désigné le Parc national Olympique de l’État de Washington comme l’endroit le plus calme des États-Unis dans le cadre de son projet « One Square Inch of Silence » (lit. « Un pouce carré de silence »). 

Le calme naturel se définit non pas par un silence de plomb, mais par la présence de sons naturels non pollués par des bruits d’origine humaine. L’objectif de QPI est d’accorder la certification « parc silencieux » à une cinquantaine de parcs urbains dans le monde, en plus des « Wilderness Quiet Parks » ou « parcs silencieux sauvages ».

Cette année, QPI a reconnu le parc naturel de NambiRand à Windhoek, en Namibie, comme le premier parc silencieux sauvage d’Afrique, soulignant ainsi l’engagement de cette réserve de 2000 kilomètres carrés à préserver son environnement naturel vierge et à rester un sanctuaire paisible pour les humains comme pour les animaux.

L’organisation envisage d’accorder leur certification à des parcs situés dans des villes telles que New Yorkla Nouvelle-OrléansParis et Brisbane, en Australie.

Bien qu’il n’y ait plus d’endroits naturellement silencieux sur Terre, puisque les bruits d’origine humaine, généralement sous la forme de transports autoroutiers, ferroviaires, aériens et maritimes, sont omniprésents dans le monde selon Hampton, QPI utilise différentes normes pour certifier la tranquillité de ses parcs silencieux urbains et sauvages.

Soulignons par ailleurs que des études acoustiques sont régulièrement réalisées après la certification d’un parc pour s’assurer qu’il répond toujours aux normes de QPI.

Les sons naturels émettent évidemment leur propre quantité de décibels (pensez au bruit du ressac sur une plage ou au chant des grenouilles) mais l’objectif, explique Ulf Bohman, directeur exécutif d’Urban Quiet Parks, est que ce bruit de fond ne dépasse pas les 45 décibels. Cela équivaut au volume des chuchotements dans une bibliothèque.

 

QUAND LE SILENCE EST SYNONYME DE GUÉRISON

Les effets de la pollution sonore sur l’être humain ont été largement étudiés et associés à des problèmes de santé divers comme du stress, des troubles du sommeil, de l’hypertension artérielle ou encore des maladies cardiaques.

Selon Jesse Barber, professeur au département des sciences biologiques de l’université d’État de Boise, le calme naturel est également capital pour les animaux.

« Les bruits d’origine humaine interfèrent avec la capacité des animaux à entendre des sons cruciaux, comme le chant des oiseaux, et modifient fondamentalement leur lieu de vie et leur capacité à se reproduire », explique-t-il.

« Même les parcs nationaux américains subissent une exposition importante à la pollution sonore à des niveaux connus pour avoir un impact sur la faune », ajoute Barber. Dans le cadre d’une étude sur la réduction du bruit dans le monument national des bois Muir, en Californie, où des panneaux invitaient les visiteurs à ne pas faire de bruit dans l’une des zones du parc, le nombre d’oiseaux à proximité des sentiers de ladite zone a augmenté.

Selon Les Blomberg, fondateur et directeur exécutif du Noise Pollution Clearinghouse, une organisation à but non lucratif ayant dressé la carte des derniers lieux de tranquillité naturelle sur le territoire continental des États-Unis, les lieux les plus silencieux correspondent aux zones les moins survolées par les avions et les plus éloignées des axes de transport.

Selon les recherches de l’organisation, des espaces comme la réserve naturelle Boundary Waters Canoe Area, dans le nord du Minnesota, et le Bob Marshall Wilderness Complex, dans l’ouest du Montana, font partie des dernières zones de calme naturel du pays. Et selon Blomberg, les États américains les plus septentrionaux sont généralement plus susceptibles de disposer d’espaces de tranquillité naturelle.

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    Le parc national de Haleakalā à Maui (dont le cratère est, selon lui, l’endroit le plus calme de la planète), le parc national de Glacier et le parc national de Big Bend font partie des parcs américains ayant entamé des démarches auprès de QPI pour obtenir la certification « parc silencieux sauvage ».

    À l’échelle internationale, le parc national Elk Island au Canada, le parc national de Białowieża dans l’est de la Pologne et la réserve nationale de Río Clarillo au Chili en sont à des stades différents du processus.

     

    APPRENDRE À ÉCOUTER

    « Une fois qu’un lieu obtient la certification QPI, les comportements changent, un peu comme l’éducation et la sensibilisation ont incité les gens à recycler leurs déchets. », explique Kenya Williams, fondateur de Hush Soundscape Planning and Design, une agence d’urbanisme et de design spécialisée dans la conception d’environnements sonores sains. Williams, aussi conseiller pour QPI, estime qu’il est essentiel de changer les mentalités pour que les gens apprennent à apprécier le calme dans les zones urbaines et à le préserver.

    Selon Laila Chin-Hui Fan, l’une des plus éminentes journalistes environnementales de Taïwan et fondatrice de la Soundscape Association of Taiwan, les citoyens ont le pouvoir de changer les choses. Fan, qui a fait la connaissance de Hempton dans le cadre de son projet « One Square Inch of Silence » (lit. « Un pouce carré de silence »), a contribué à attirer l’attention de QPI sur le parc de son île natale, où elle a enregistré le paysage sonore de Yangmingshan dans trois districts dans le but que le parc obtienne la fameuse certification.

    « Notre histoire, très douloureuse et compliquée, nous a beaucoup appris », explique Fan. « Nos voix ne sont pas écoutées dans le monde à cause du dilemme diplomatique [découlant de la revendication de souveraineté de Taïwan], c’est pourquoi nous avons décidé d’être une île à l’écoute. J’espère que de plus en plus de gens viendront ici pour profiter du calme naturel de Taïwan. »

    QPI espère qu’en certifiant quelques lieux dans chaque pays, ceux qui le souhaitent pourront profiter de ce calme naturel.

    « Nous ne disons pas que le silence convient à tout le monde ni que tout le monde devrait en faire l’expérience », explique Hempton. « Je pense simplement qu’il est essentiel d’avoir le choix. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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