Le voyage pour voir des aurores boréales est très long, mais il en vaut la peine
Par une nuit dégagée au cœur d’une forêt de bouleaux dans le nord de la Norvège, on a l’impression de pouvoir toutes les observer. Mais pour arriver sur ce site reculé, il faut suivre de nombreuses étapes...

La saison des aurores boréales se produit entre novembre et février dans le nord de la Norvège.
Il y a des milliards et des milliards d’étoiles dans l’univers, un nombre si grand que l’on peine à l’imaginer. Durant une nuit dégagée au cœur d’une forêt de bouleaux dans le nord de la Norvège, on a l’impression de pouvoir toutes les observer. De minuscules points brillants parsèment chaque centimètre du ciel nocturne, un spectacle céleste qui, pour moi, n’a son pareil que dans le désert américain, loin de toute source de lumière.
Je n’étais cependant pas en Norvège pour admirer les étoiles, même si ce fut l’un de mes meilleurs moments. Je faisais partie d’un groupe de huit, invités par Klättermusen Experiences, la dernière ligne de la marque suédoise de vêtements d’extérieur Klättermusen. Ils sont spécialisés dans les voyages d’aventure et respectueux de l’environnement. Nous devions passer quelques jours à faire du ski de randonnée et d’autres à faire des balades en chiens de traîneaux et, si nous avions de la chance, à observer les aurores boréales. Ce phénomène céleste a contribué à la création de toute une industrie du tourisme dans les confins les plus au nord de notre planète.
Après quatre vols (de Raleigh-Durham à Boston, puis Reykjavik, Oslo et enfin Alta), j’ai atterri à Alta, une petite ville du comté de Finnmark, qui se donne elle-même le doux sobriquet de « ville des aurores boréales ». De là, notre destination finale se trouvait à quatre-vingt-dix minutes de route. Le petit village de Langfjordbotn compte cent quatorze habitants. C’est là que sept autres voyageurs et moi allions passer la semaine, dans deux petits chalets aux bords du Langfjorden, un fjord long et sinueux, tributaire du beaucoup plus grand Altafjord. Nous nous trouvions à quatre degrés au-dessus de cercle arctique et le soleil avait fait sa première apparition depuis la fin du mois de novembre une semaine avant notre arrivée.
Les aurores boréales, elles, se sont faites attendre quelques jours.
PARTIE UNE : LE SKI DE RANDONNÉE
Pour les non-initiés, comme je l’étais, le ski de randonnée est un sous-genre du sport où l’on doit grimper la montagne à ski, avant de la redescendre, toujours à ski. Pour la montée, il faut attacher des « peaux de phoque » (de nos jours des bandes de mohair adhésives) sous les skis. Les poils minuscules s’accrochent à la neige et donnent suffisamment de force de traction pour que les skis puissent glisser dans la neige, mais que dans un seul sens, permettant de zig-zaguer jusqu’au sommet de la montagne. C’est une invention extraordinairement simple, qui n’en est pas moins d’une efficacité fantastique.
Je n’avais jamais skié avant ce voyage, mes hôtes m’ont donc donné un splitboard, une planche de snowboard qui se sépare en deux et qui se transforme en quelque sorte en skis pour l’ascension, avant de pouvoir la rattacher en snowboard pour la descente. Un moment plus agréable pour moi qui pratique ce sport depuis trente ans.

Les guides locaux, Tore et Vegard Karlstrøm mènent le groupe pour une aventure en ski de randonnée près de Jøkelfjord dans le comté de Finnmark en Norvège.
Nos guides étaient Tore et Vegard Karlstrøm, père et fils, qui possèdent et dirigent l’entreprise locale d’aventure arctique Spor Guiding. Tore est un expert en avalanches et Vegard est le coach de l’équipe nationale de cross-country d’Islande. Comme beaucoup de Norvégiens, tous deux semblent être nés avec des skis accrochés aux pieds. À un moment, alors qu’il tentait d’aider une personne qui rencontrait des problèmes avec ses chaussures, l’un des skis de Vegard s’est fait la malle et a presque glissé jusqu’au pied de la montagne. Aucun problème pour l’expert, il s’est contenté de skier sur un seul ski sur quelques centaines de mètres jusqu’à celui qui avait glissé, l’a rechaussé et est remonté jusqu’à nous. Le tout, en quelques minutes.
Le premier jour de notre périple nous a fait grimper un sommet de 600 mètres d’altitude, avec une pause à mi-chemin le temps de déjeuner et de profiter de la vue sur les fjords, les nombreux pics qui nous entouraient, un gigantesque glacier et une île, sur laquelle Tore nous a expliqué qu’un cimetière viking avait été récemment mis au jour.
Le soleil s’était déjà couché quand nous avons repris notre randonnée et atteint le sommet de la montagne, nous forçant à avoir recours à nos lampes frontales pour éclairer notre descente. Il était 14h45.
La montagne que nous avons prise d’assaut, le jour suivant, était encore plus haute, et ses pentes encore plus raides. Son ascension était plus technique et beaucoup plus exigeante. Cependant, la récompense, une fois au sommet était encore plus douce que la veille. De là où nous nous trouvions, nous avions tout le loisir d’observer montagnes et glaciers, vallées et fjords. Une vue imprenable sur les sections des fjords qui se jetaient dans l’Atlantique s’offrait à nous.

Dans le ski de randonnée, il faut d’abord gravir la montagne à ski, avant de pouvoir redescendre.
Mais le coucher de soleil accompagnait la vue ce jour-là, autour de 15h. Les nuages se déchiraient et le soleil rasant d’hiver teintait tout ce qu’il touchait dans des tons rose-orangés, donnant à tout ce pays blanc et ses mers grises une couleur pastel.
PARTIE DEUX : LES AURORES BORÉALES
Après avoir skié jusqu’au bas de la montagne, nous avons repris la route en voiture jusqu’à notre chalet sur la rive du fjord, les yeux rivés sur les étoiles envoûtantes. Elles étaient innombrables et plus visibles que jamais et nous avions bon espoir d’assister à un spectacle céleste, jusque-là caché par le ciel nuageux.
Alors que nous arrivions chez nous, une faible lueur commençait à naître au-dessus du pic qui s’élevait derrière notre chalet. Nous nous sommes précipités sur la route gelée dehors, nos têtes levées vers le ciel.

Les aurores boréales au-dessus d’un chalet dans le comté de Finnmark en Norvège.
En quelques minutes, d’épais rubans brillants, verts et violets, se sont répandus dans le ciel au-dessus de nous, comme s’ils accentuaient la lumière de toutes les étoiles de l’univers connu. Les particules turquoise ont, à un moment, explosé en profusion au-dessus de nous, créant une sorte de dôme ou ressemblant aux retombées de quelque feu d’artifice. Mais alors que nous regardions à nouveau, le dôme avait totalement changé et s’était transformé intégralement. Ce que les photos des aurores boréales ne montrent pas, c’est la vitesse à laquelle elles bougent et se métamorphosent. Les lumières sont comme vivantes, des créatures qui nagent nonchalamment à travers le ciel.
Ce spectacle a duré à peu près une heure. Ou plus. Ou moins. Nous étions tellement absorbés dans la contemplation du phénomène que nous en avons perdu la notion du temps. Et, alors que les aurores boréales se mouraient dans le ciel, nous sommes retournés au chalet pour un dîner fait de viande de rorqual et de soupe de myrtilles.
PARTIE TROIS : LES CHIENS DE TRAÎNEAUX
Après toute une vie passée dans la civilisation, où nous plions la Terre à nos envies, construisons routes et chemins, érigeons des villes et peuplons des lieux autrefois inhabités, il est merveilleux de voyager à travers un paysage qui est resté le même au cours de centaines de millions d’années. Les pistes que nous suivions n’existaient que parce qu’il s’agissait des chemins les plus simples à travers la nature sauvage, non pas parce que c’étaient les plus courts à relier un point A à un point B. Ici, il est même complexe de s’imaginer que ces deux points existent. Alors que six huskies d’Alaska tiraient mon traîneau à travers la nature brute du comté de Finnmark, je ne pouvais m’empêcher d’étudier la géographie et la topologie de ce qui défilait sous les patins de mon embarcation.

Marianne Skjøthaug et Arne Karlstrøm ont remporté les championnats du monde de course en chiens de traîneaux.
Pendant deux jours, Marianne Skjøthaug et Arne Karlstrøm nous ont accueillis dans leur ferme à chiens reculée, Parken Gård Husky. Tous deux sont parmi les meilleurs du monde dans la course en chiens de traîneaux et ont gagné championnats du monde et certaines des courses les plus prestigieuses d’Europe.
Durant ces deux jours, Arne et Marianne nous ont appris à diriger un traîneau, à apprendre à connaître les chiens, leur rôle et leur personnalité. Mais aussi les règles et les mœurs à respecter lors des courses de chiens de traîneaux, ainsi que toutes les autres informations qu’il nous était possible d’assimiler. À la mi-journée, le second jour, nous nous sommes arrêtés dans un chalet éloigné, pas plus grand qu’un petit studio, où nous attendaient cafés et chocolats chauds, ainsi que des saucisses à faire cuire au-dessus d’un feu préparé par leur fils, Isaac. Un « canapé » d’angle sculpté dans la neige et drapé de peaux d’animaux faisait le tour du feu. Nous pouvions reposer nos jambes fatiguées.
Les chiens qui nous avaient portés jusqu’ici creusaient, pendant ce temps, des tranchées dans le sol glacé, où ils se sont roulés en boule pour se reposer, attendant patiemment que nous terminions notre déjeuner. Et une fois que ce fut le cas, ils ont tous bondi sur leurs pattes, aboyant, hurlant et baillant, impatients que nous les rattachions aux traîneaux qui attendaient sous les arbres, pour qu’ils puissent recommencer leur course à travers le paysage gelé.
Vous voyez, ce moment où vous attrapez la laisse de votre chien et qu’il commence à devenir fou ? Multipliez cela par soixante-dix.
PARTIE QUATRE : UN DERNIER SPECTACLE
Lors de notre dernière soirée, alors que notre groupe se réunissait autour de deux grandes tables dans la rustique salle à manger de notre chalet, nos téléphones ont tous vibré, affichant la même notification. L’un de nos guides se trouvait dehors et nous faisait savoir que, après une ou deux nuits nuageuses, les aurores boréales étaient de retour.

Les amitiés se forment rapidement lors d’un voyage en petit groupe.
Nous avons posé fourchettes et couteaux et enfilé nos manteaux avant d'aller en hâte dehors, sur le chemin verglacé qui menait à notre logement. Et là, encore une fois, nous avons pu profiter de ces bandes de lumières ondulantes dont les extrémités semblaient disparaître aux confins du ciel étoilé.
Nous avons pris quelques photos tout en riant et nous extasiant devant ce phénomène naturel. Puis, plus rapidement que la première fois, les aurores boréales se sont effacées et tout ce qui est demeuré, c’étaient ces septillions d’étoiles.
C’était comme si le cosmos nous disait adieu, avant que nous reprenions la route vers Alta le lendemain matin pour monter dans les avions qui nous ramèneraient chez nous. Mais, avec un peu de chance, ce n’était qu’un au revoir.
OBSERVER LES AURORES BORÉALES
Klättermusen Experiences propose des voyages d’aventure, tout préparés, tout au long de l’année pour découvrir une variété de paysages. Ce voyage en particulier a lieu durant Møketid, la « nuit polaire ». Vous pouvez également contacter Spor Guiding, Parken Gård Husky et Glød Explorer via Internet.
COMMENT VOUS Y RENDRE
Vous pouvez prendre un vol direct de Paris à Oslo. De là, les compagnies Norwegian Air ou SAS proposent des vols de deux heures pour se rendre à Alta. Louez une voiture à l’aéroport et profitez d’une route aux paysages tout droit sortis d’un film pour vous rendre à Langfjordbotn, au nord-ouest.
QUAND VOUS Y RENDRE
Que vous voyagiez pour skier, se laisser tirer par des chiens de traîneaux ou voir des aurores boréales, la meilleure période pour se rendre au nord de la Norvège est entre novembre et mars. Les aurores boréales se produisent le plus souvent entre novembre et février.
OÙ LOGER
Si vous comptez séjourner à Alta, l’hôtel Altafjord Gjestegaard, entreprise familiale, propose des chambres cosy et confortables, un sauna et un délicieux petit-déjeuner local pour environ 160 € la nuit. Si vous vous rendez au nord, à Langfjordbotn, certaines maisons qui bordent le fjord sont à louer. Notre groupe a logé au Lavan Lodge, équipé d'un jacuzzi, d'un sauna au sous-sol et qui offre une vue imprenable sur le fjord et les montagnes environnantes.
Michael Venutolo-Mantovani est écrivain et musicien, et a écrit pour plusieurs journaux comme National Geographic, le New York Times, GQ, Wired, Condé Nast Traveler et beaucoup d’autres. Il habite à Chapel Hill, en Caroline du Nord avec sa femme et ses enfants.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
