Belgique : à la découverte de Gand, ville rebelle et méconnue
La jeune et rebelle ville de Gand commence à sortir de l’ombre de Bruges pour devenir une destination incontournable des canaux de Belgique.
Parfait mélange d’histoire et de modernité, la ville de Gand se caractérise par ses sites inscrits au patrimoine de l’UNESCO et son art urbain haut en couleur.
Construite autour de rivières et de canaux, Gand était au 16e siècle la seconde plus grande ville d’Europe, juste derrière Paris. Mais lorsque Charles Quint, empereur du Saint-Empire qui régnait alors sur la Belgique, a augmenté les impôts pour financer une campagne militaire à l’étranger, la ville a refusé de payer. Les habitants estimaient qu’ils avaient déjà donné plus que leur juste part et pensaient que Charles, né à Gand, se montrerait clément avec sa ville de naissance. Grossière erreur : l’empereur marcha sur la ville avec son armée, dépouillant les rebelles de leurs atours et faisant défiler les chefs dans leurs sous-vêtements, corde autour du cou.
Les traces de cet illustre passé sont aujourd’hui visibles dans le centre historique de la ville, où se trouvent un beffroi inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et le Gravensteen, une forteresse en pierres dont l’architecture s’inspirerait des châteaux croisés. Bien que l’âge d’or de la ville soit aujourd’hui révolu, les Gantois racontent avec fierté l’histoire de leur disgrâce, preuve de leur révolte.
Cette détermination a perduré, signe d’un lieu en phase avec son identité, socialement engagé et regorgeant de nouvelles idées. Des initiatives, comme celle du Nucleo, repensent les espaces vides pour les transformer en studios d’artistes que le public est invité à visiter une fois par an (en 2024, les portes ouvertes ont lieu le 5 mai). Des chefs testent de nouvelles choses avec les produits de la Terre, faisant de Gand une capitale européenne de la cuisine végétarienne. Ce dynamisme s’explique en partie par le fait que Gand est la principale ville étudiante de Flandres ; plus d’un quart de ses 267 000 habitants sont des étudiants. Cela garantit une offre presque inépuisable de café de spécialité dans le quartier étudiant d’Overpoort ainsi qu’une vie nocturne diversifiée, allant des bars à vin éclairés à la bougie aux entrepôts où flotte une odeur de transpiration et où l’on écoute de la techno semblant venir tout droit de Berlin.
C’est donc sans surprise que la ville a été nommée Capitale européenne de la jeunesse 2024 par le Forum européen de la jeunesse. En avril, elle célèbrera cette distinction lors du Festival international de Gand, qui a lieu tous les deux ans. Au programme de cette édition : opéras et spectacles de danse sur rollers. Les évènements se poursuivront tout au long de l’année, et les habitants sont invités dès l’âge de quinze ans à soumettre leurs idées de programmation. Tous les paris sont donc ouverts.
QUE VOIR ET FAIRE À GAND
1. Les quais historiques
Si vous avez déjà vu des photos de Gand, il y a de fortes chances qu’elles aient été prises sur le Graslei (quai aux herbes) et le Korenlei (quai aux grains). Autrefois centre du commerce de la ville, ces quais, bordés de terrasses de café et de zones d’amarrage pour les bateaux touristiques, sont aujourd’hui encore très animés. Ils constituent la porte d’entrée du centre historique, ainsi que de Patershol, ancien quartier ouvrier transformé en haut lieu de la gastronomie, et de Prinsenhof, zone résidentielle où vivait autrefois la royauté.
2. L’Adoration de l’Agneau mystique
Cet autel réalisé par les frères Van Eyck est l’œuvre d’art la plus volée au monde (Napoléon l’a lui-même volée), qui a fait l’objet de nombreuses copies et a failli être détruite. Elle marque la transition du Moyen Âge à la Renaissance dans l’art flamand : admirez ses détails représentatifs de son genre à la cathédrale Saint-Bavon. Des visites guidées vous permettant d’en savoir plus sur son histoire y sont proposées.
Situé dans un ensemble d’usines réhabilitées, le food hall Hal 16 abrite Dok Brewing Company, une microbrasserie qui propose 30 bières pression différentes.
3. Art urbain
Depuis l’instauration dans les années 1990 d’une zone libre dans une rue du centre historique, surnommée « la ruelle aux graffitis », les peintures murales se sont multipliées dans Gand. La carte « Sorry, Not Sorry », disponible en téléchargement gratuit, localise quelques-unes des plus connues. Parmi les œuvres d’artistes locaux figurent des lapins de ROA visibles à Tempelhof et des renards sur Napoleon Destanbergstraat, qui ont permis à Kitsune de se faire connaître.
4. Dok Noord
Dans la partie nord de la ville, un ensemble d’anciennes usines a été rénové et accueille désormais Dok Noord, l’un des derniers projets d’aménagement de bureaux et d’infrastructures de loisirs de Gand. Sa principale attraction, Hal 16, est un food hall niché dans un ancien entrepôt en briques. Goûtez aux plats de viande grillée ou aux spécialités italiennes comme les pâtes mafaldine accompagnées de ragoût de poulpe, et étanchez votre soif à Dok Brewing Company, où vous pourrez choisir parmi 30 bières pression. La Waar is Loca, une pale ale brassée sur place, est la préférée des clients.
5. Le musée de l’Industrie
C’est en Belgique qu’a commencé la Révolution industrielle en Europe. Le musée, qui occupe une ancienne filature de coton, raconte comment Gand est devenue un acteur majeur de l’industrie du textile. La star de la collection est le premier métier à filer de Belgique, une machine créée pour accélérer la production de fil. Il était interdit à l’époque d’importer une telle machine dans le pays, ce qui a contraint le Gantois Lieven Bauwens à faire entrer illégalement du Royaume-Uni ses différentes pièces.
OÙ MANGER À GAND
1. Knol & Kool
Ce café vegan situé à quelques encablures du beffroi propose des lasagnes de légumes au pesto de roquette et au parmesan d’amande ou encore des bánh mì garnis de tofu, de pickles de carottes et de chou rouge. Dans sa petite boutique vegan, vous pourrez aussi acheter de la bière à l’hibiscus, de la pâte miso à base de vert de poireau et du fromage de noix fabriqué localement.
2. Lepelblad
Ce restaurant moderne situé dans le quartier paisible d’Onderbergen, à deux pas du centre historique, travaille avec des éleveurs et des petits producteurs du coin pour mettre à l’honneur les produits de saison. Le menu change en fonction de l’approvisionnement du jour, mais vous pourrez notamment y déguster une tarte Tatin d’endives à la crème d’oignon accompagnée d’une salade de moutarde ou du bœuf mariné servi avec des salsifis, du soja et des herbes. L’établissement propose un accord mets et vin ou bière pour chaque plat.
3. Oak
Pour célébrer ses 10 ans, ce restaurant 1 étoile s’est refait une beauté, tout en conservant une décoration minimaliste aux couleurs sombres qui met en lumière le menu en plusieurs plats du chef brésilien Marcelo Ballardin. Ce dernier s’inspire de ses expériences à l’étranger pour créer des assiettes uniques, comme du maquereau au calamondin (citron des Philippines) ou encore du bar accompagné d’une sauce tucupi, un jus extrait de la racine de manioc de la forêt amazonienne.
OÙ FAIRE DES ACHATS
1. Home Linen
Cette boutique située le Korenlei fabrique ses propres créations depuis le 19e siècle. Une odeur de lavande flotte à l’intérieur, où vous pourrez acheter des nappes en lin brodées de homards, des chemises de nuit rétro et des robes pour enfant brodées de boutons de rose. Les prix sont raisonnables, bien que le lin belge soit connu pour sa douceur.
2. Les antiquaires
Gand regorge de boutiques vintages. Se faisant face sur Baudelostraat, une rue du centre de la ville, Antiek-Depot vend des curiosités en nombre tandis que Moca a des chaises et des tambourins suspendus au plafond. Si vous préférez farfouiller dans un désordre plus organisé, la Galerie St-John propose, dans sa boutique installée dans une ancienne église baroque, une sélection de premier choix de couverts, de porcelaines et de tableaux belges.
3. Les magasins de confiseries et condiments
Si la Belgique est connue pour ses gaufres et ses chocolats, les Gantois vous recommanderont sans doute d’autres spécialités. Achetez un paquet de cuberdons, ces bonbons durs en forme de nez remplis de sirop de fruits, à la Confiserie Temmerman située dans le quartier Patershol et en activité depuis 1904. Encore plus ancienne, la boutique Tierenteyn-Verlent située dans le centre historique, où vous pourrez acheter une fameuse moutarde locale élaborée à partir d’une recette tenue secrète.
OÙ SORTIR
Voilà plus de quarante ans que Paul Rysenaer a ouvert ce pub minuscule à quelques pas du Graslei. Les tonneaux y servent de tables hautes et derrière les vitrines des armoires en bois se cachent des verres à liqueur. Allez-y pour goûter le genièvre, une eau-de-vie belge et néerlandaise parfumée aux baies de genévrier. Il y en a quelque 200 sortes sur les étagères, dont certaines ont été distillées par Paul lui-même.
Situé dans l’hôtel 1898 The Post, le bar à cocktails The Cobbler change complètement d’ambiance le soir venu.
2. The Cobbler
Entrez dans l’hôtel 1898 The Post et montez l’escalier en colimaçon pour accéder à ce bar à cocktails à l’ambiance tamisée. Cette adresse est l’une des plus tendance de la ville. Difficile de dire ce qui nous plaît le plus entre son emplacement sur le Graslei, qui donne sur l’église gothique Saint-Nicolas, ou ses concoctions signatures. Goûtez au fruité Pear Sonata, à base de vodka, de Cointreau, de cassis et de poire ou optez pour le Downstairs Harry, un mélange de rhum, de cognac, de vermouth, de Chartreuse, de sirop d’érable et de sauge.
3. Les clubs de jazz
Labellisée Ville de musique par l’UNESCO, Gand a une affinité particulière avec le jazz. Tous les ans en juillet, le festival Gent Jazz s’installe dans un ancien hôpital du 13e siècle et met à l’honneur des artistes comme Gregory Porter et Norah Jones. Mais le restant de l’année, la ville accueille des sessions de jam. Hot Club Gent, un bar intimiste, et Missy Sippy, « juke joint moderne » autoproclamé, sont d’excellentes d’adresses pour écouter un concert dans le centre historique de Gand.
COMME UN LOCAL
1. Portus Ganda
Le nom de Gand provient du mot celte « ganda », qui signifie « confluence ». La ville a été fondée à l’endroit où se rencontrent la rivière de la Lys et le fleuve de l’Escaut. Si vous souhaitez éviter la foule du Graslei et du Koreneli, suivez les canaux jusqu’à cet endroit, où se trouve désormais une marina paisible. Si vous visitez la ville aux beaux jours, faites un détour par l’abbaye Saint-Bavon, dont la forme a été reproduite avec des arbrisseaux de charme.
2. The Bakery
Ouverte en 2011 par le chef pâtissier Joost Arijs, cette chocolaterie située dans le SoGo, le quartier commerçant de Gand, a rapidement été désignée comme la meilleure de Belgique par le guide gastronomique Gault & Millau. En 2023, le chef a ouvert un peu plus loin dans la rue une boulangerie qui a attiré les curieux. Mais un an après, l’attente est toujours aussi longue le matin. Venez tôt pour avoir du choix parmi les viennoiseries croustillantes proposées.
3. Les jeudis végétariens
En 2009, Gand est devenue la première ville au monde à mettre en place une journée sans viande, une initiative qui a depuis été reprise partout dans le monde, de Los Angeles à Taipei. Participez-y chez Boon, un restaurant à la décoration scandinave chic et aérée ouvert uniquement le midi, et situé en face du Gravensteen. Les soupes, salades et parts de quiche de saison vous donneront envie d’y retourner n’importe quel jour de la semaine.
OÙ DORMIR À GAND
Vous aurez du mal à trouver un logement offrant un meilleur rapport qualité/prix que ce B&B occupant une maison de ville du 18e siècle et situé dans le quartier historique. Ses huit chambres ont toutes une cheminée d’origine et des poutres en bois apparentes. Les propriétaires ont fait appel à des artisans pour les meubler avec des lits faits sur mesure et des œuvres d’art belges.
Fidèle à sa vie antérieure de résidence seigneuriale, cet hôtel quatre étoiles éblouissant par son spectaculaire escalier et son hall en marbre de style néoclassique. Les 157 chambres, qui se trouvent dans un autre bâtiment, sont quant à elles plus minimalistes. L’hôtel possède plusieurs espaces communs, dont une bibliothèque et un petit spa niché dans l’ancienne remise, et se trouve à un jet de pierres du Graslei, si bien que vous ne vous ennuierez pas.
Avec ses peintures murales, son jardin paysager et ses bains au plafond voûté, ce palais ne fait pas dans la demi-mesure. Situé à quelques minutes à pied du centre historique, il a été transformé en maison d’hôtes dotée de quatre chambres par deux décorateurs d’intérieur, qui ont associé des objets anciens à des touches plus modernes. Faites une folie et réservez la Suite des Années 1940 qui, avec ses 70 m², relève davantage de l’appartement.
Cet article a été rédigé par la rédaction de l’édition britannique du magazine National Geographic Traveller, en langue anglaise.