À la Réunion, le tourisme à vélo en plein essor

De nouveaux itinéraires à vélo voient le jour à la Réunion, où les activités sportives sont légion.

De Sarah Marshall
Publication 29 août 2023, 15:47 CEST
Sur l’île de la Réunion, département le plus éloigné de la France métropolitaine, les cyclistes partent ...

Sur l’île de la Réunion, département le plus éloigné de la France métropolitaine, les cyclistes partent à la découverte de la forêt tropicale sur deux roues.

PHOTOGRAPHIE DE ANDREW LLOYD

Soutenue par d’énormes piliers, elle semble jaillir de l’océan Indien. Elle, c’est la Nouvelle Route du Littoral, une structure de béton et d’acier longue de 13 km, sur laquelle nous pédalons enveloppés dans la brume. Elle a été construite à quelques mètres des falaises abruptes et dangereuses qui longent la côte nord de la Réunion, une île située entre l’île Maurice et la côte est de Madagascar.

Ce projet de 2 milliards d’euros, soutenu par l’UE, devrait être achevé d’ici la fin de l’année et permettra de relier la ville de Saint-Pierre, au sud de l’île, à celle de Saint-Denis, au nord, en passant par l’aéroport et la ville de Saint-Paul. Sa construction est considérée comme la plus chère au monde.

Techniquement, je suis toujours en France. Relié à Paris par le vol intérieur le plus long du pays, le département d’outre-mer de la Réunion rappelle la Métropole, mais le décor est celui d’une île tropicale. Sculptés par l’activité volcanique et tectonique, d’immenses cratères parsèment le cœur de la Réunion et sa forêt tropicale. Les falaises escarpées se dressent vers le ciel et les champs de lave s’étendent jusqu’à l’océan, au point d’être parfois léchés par les vagues. Dans les cafés de l’île, on trouve des baguettes croustillantes, des croissants au beurre et des bouteilles de Bordeaux. 

Mais s’il y a bien un passe-temps populaire dont la Réunion n’a pas hérité de la métropole, c’est le cyclisme. Cela est sur le point de changer grâce au développement du tourisme à vélo.

« Cela fait un moment que nous louons des vélos et organisons des sorties cyclo, et cette activité séduit de plus en plus de voyageurs », confie Gildas Le Pessec de chez Rando Réunion Passion, le spécialiste du VTT sur l’île.

Après être venu me chercher à mon hôtel à Saint-Paul, Gildas et moi prenons de la hauteur sur les routes sinueuses pour atteindre notre point de départ, situé à 2 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur les pentes abruptes de Piton Maïdo, l’un des nombreux sommets dentelés de la Réunion.

Surplombant le Cirque de Mafate, une réserve naturelle nichée dans une caldeira (dépression volcanique), le belvédère de Maïdo est encerclé de pics verts émeraude déchiquetés, de cascades et de vallées profondes abritant quelques fermes isolées, uniquement accessibles par hélicoptère ou à pieds. Enfin, c’est ce que l’on m’a dit : ce matin-là, je ne vois qu’un épais brouillard.

Au centre de l’île, les sommets enveloppés dans les nuages s’élèvent au-dessus de petits villages comme ...

Au centre de l’île, les sommets enveloppés dans les nuages s’élèvent au-dessus de petits villages comme celui d’Hell-Bourg.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas Janisch

Contournant les limites de la réserve, le sentier du Maïdo, assez éprouvant et impressionnant, descend à travers des forêts sombres et des prairies fleuries avant de rejoindre la mer. Alors que nous approchons du point de départ, je réalise que je n’ai jamais fait de VTT auparavant. J’ai fait du vélo sur des routes criblées de nids-de-poule et des sentiers rocailleux, mais je ne connais rien de ces machines spécialisées à la suspension souple. Après cinq minutes d’explications sur les techniques de pédalage, la position du corps et le passage des vitesses, je prends nerveusement conscience que je n’ai absolument aucune idée de ce que je m’apprête à faire.

Mais Gildas me rassure : le sentier convient aux vététistes de tous les niveaux et deux jeunes enfants font partie de notre groupe de dix personnes. Il nous conseille de suivre son exemple et nous indique qu’il s’arrêtera fréquemment pour nous expliquer comment aborder à toute sécurité les portions les plus délicates.

« Ne regardez pas directement en bas », met-il en garde en jetant un œil dans ma direction. « Regardez toujours 20 mètres devant vous, sur le sentier ».

Je lève à peine la tête au cours des 30 minutes suivantes. Mais lorsque j’y parviens, c’est un paysage sublime qui s’offre à moi : des bosquets denses de cèdres du Japon à l’agréable parfum et recouverts de rosée, ainsi que des enchevêtrements de tamariniers, une essence indigène, de bromélias, de fougères et d’orchidées sauvages.

Cependant, je prends un peu trop mon temps à admirer le paysage. « Ça va nous prendre toute la journée si tu continues à cette vitesse », plaisante Gildas avant de me conseiller de desserrer un peu les freins pour accélérer le rythme (même si nous n’avons jamais eu l’impression de devoir nous dépêcher).

Nous roulons à travers les flaques d’eau, dérapons sur les pentes boueuses et traversons des tunnels de végétation si denses que je ne distingue plus le ciel. Enfin, l’horizon bleu sarcelle apparaît devant nous et nous retrouvons le macadam. J’ai l’impression d’avoir débouché une bouteille de champagne et je laisse échapper un soupir de soulagement. Bien que je n’ai jamais été aussi heureux d’être sur le plat, l’expérience fut revigorante.

 

LA VOIE LENTE

Si la Réunion s’est forgé une réputation de terrain de jeu pour les amateurs de sensations fortes, toutes les activités cyclistes ne requièrent pas des nerfs d’acier. Aurore Laurent et son compagnon de longue date Mikael Benard de chez Atmosphère Péi proposent des sorties bien plus tranquilles sur des vélos couchés. Mikael est tombé amoureux du « confort de ce petit charriot » après avoir découvert ces étranges engins à trois roues lorsqu’il vivait à Montpellier. Il a pour projet de proposer des sorties de plusieurs jours.

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    Les vélos couchés sont plus stables que les vélos classiques.

    Les vélos couchés sont plus stables que les vélos classiques.

    PHOTOGRAPHIE DE Sarah Marshall

    Les vélos couchés sont bien plus stables que les vélos classiques. Leur position de conduite redressée est aussi meilleure pour la posture. Mais leur plus gros avantage, c’est qu’on ne rate pas une miette des paysages. « C’est mon cinéma », confie Aurore. Pour elle, le vélo est « un outil de découverte du paysage ».

    Notre périple d’une demi-journée sur la Route des Laves commence à Sainte-Rose, dans le sud-est de l’île, à deux heures de voiture de mon hôtel de Saint-Paul, avant de se poursuivre le long de la route nationale 2. Nous pédalons en longeant la côte, dans l’ombre du Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs au monde. Formé il y a environ 500 000 ans, il entre en éruption environ tous les neuf mois.

    Lors des éruptions les plus spectaculaires, les coulées de lave atteignent presque l’océan, laissant derrière elles un paysage à la beauté sauvage : c’est le Grand Brûlé, une zone qui se caractérise par ses pentes boisées zébrées de cicatrices de basalte friable. Je tourne la tête pour admirer les sommets enveloppés dans les nuages, les tunnels de roche et les vagues déposant de l’écume sur la côte. Aurore a raison : c’est comme si le monde défilait sous vos yeux sur un écran géant immersif.

    Après deux heures de vélo, je me sens toujours bien en selle. J’ai désormais suffisamment confiance pour descendre les collines sans serrer les freins, utilisant le poids de mon corps pour tourner dans les virages serrés, le visage balayé par le vent. Les conducteurs, courtois, nous dépassent en nous laissant de l’espace, tandis que les piétons curieux sourient et demandent s’ils peuvent monter avec nous.

    Avant de rentrer, nous nous arrêtons à Bitasyon Bio, une ferme biologique située non loin du domicile d’Aurore à Saint-Philippe. Franck Morel a repris l’exploitation de son père, Benoît, et tire profit du sol volcanique fertile de la Réunion pour produire de la vanille, du cacao et des fruits. « Mon grand-père a été l’un des premiers à produire des ananas Victoria », explique-t-il avec fierté en faisant référence à la variété emblématique de l’île, connue pour son goût fruité. « Et mon père a été l’un des premiers à refuser d’utiliser des produits chimiques sur sa ferme ».

    Notre conversation est interrompue par la sonnerie du portable d’Aurore. Elle vient de recevoir une alerte : le Piton de la Fournaise pourrait entrer en éruption ce soir. À ma grande surprise, cette information ne semble inquiéter ni Franck ni Aurore, qui font preuve d’un sang-froid typiquement français, mêlé à une décontraction caractéristique de l’île.

    Sur cet affleurement géologiquement actif, tout le monde a appris à vivre avec la Nature.

    « Il n’y a pas d’urgence », déclare Aurore avec un sourire. « Nous avons toujours le temps à la Réunion ».

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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