Le tourisme du bien-être, un marché en plein essor
Ne se limitant plus aux stations thermales, le tourisme du bien-être offre de nouvelles façons d’explorer le monde grâce à une multitude d’activités.
Le yoga est l'une des nombreuses activités proposées désormais dans le tourisme orienté vers le bien-être.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le nombre de personnes soucieuses de leur santé et de leur bien-être est monté en flèche. Les études sur le sujet sont légion, et quelques-unes sont particulièrement révélatrices. C’est notamment le cas de celle réalisée par Public Health England en 2020 (soit la première année de la pandémie), dans laquelle 80 % des personnes interrogées ont indiqué vouloir vivre plus sainement en 2021. Dans une autre étude menée par Ipsos en 2021, les personnes sondées trouvaient que la santé était plus importante pour eux qu’avant la pandémie. Et cela, comme en attestent bien d’autres études, a changé notre manière de voyager.
Un peu plus d’un cinquième (21 %) des touristes dans le monde voyagent pour des raisons de santé ou de bien-être selon l’étude sur les tendances en matière de voyage réalisée en 2022 par le réseau d’agences de voyages de luxe Virtuoso, en collaboration avec YouGov. Un chiffre qui devrait croître en 2023, 29 % des voyageurs se disant intéressés par le tourisme du bien-être à l’avenir. La tendance est aux voyages favorisant la reconnexion avec ses amis, sa famille, son/sa compagnon/compagne ou ses enfants, et le bien-être du sommeil. L’étude souligne « l’essor d’applications comme Calm et Heaspace dans les produits de voyages, qui offrent aux passagers la possibilité de rentrer dans leur bulle et de méditer pendant leur vol », ainsi que le nombre croissant de retraites destinées aux insomniaques visant à les aider à retrouver le sommeil.
« Les progrès des technologies liées à la santé et au bien-être sont très rapides et cela crée de nouvelles opportunités passionnantes auxquelles nous nous intéressons, de la thérapie du sommeil à la méditation guidée, en passant par les bains dynamiques, la cryothérapie et les saunas infrarouges », explique Emlyn Brown, vice-présidente responsable du bien-être chez Accor, plus gros groupe hôtelier d’Europe, qui a publié un peu plus tôt dans l’année son programme Health to Wealth.
« Nos clients viennent nous voir avec leurs propres données sur leur santé », ajoute-t-elle au sujet de l’omniprésence des montres intelligentes et des applications de fitness. « Nous cherchons de nouvelles façons d’offrir à nos clients des expériences bien-être sur mesure tournant autour du spa, de la nutrition, du fitness et du sommeil ». Ainsi, l’hôtel Fairmont Windsor Park d’Accor abrite dans son spa la première chambre cryogénique multi-personnes du Royaume-Uni. Et dans les hôtels Pullman Paris Centre-Bercy et Pullman San Francisco Bay, des bandeaux Dreem, qui contrôlent la respiration, les ondes cérébrales, le rythme cardiaque et les phases du sommeil, sont mis à la disposition des clients.
Les destinations nature comme la Suède sont idéales pour se détendre et renouer avec soi-même.
Le tourisme du bien-être ne se limite plus aux spas et aux hôtels. « Il a évolué et s’est développé pour englober toutes les expériences bénéfiques à la santé mentale et physique des voyageurs », indique Paul Joseph, fondateur de Health and Fitness Travel, un voyagiste spécialiste des séjours bien-être. « Finies les vacances bien-être d’avant, qui consistaient à prendre l’avion et se prélasser sur un transat. Désormais, nous pouvons conseiller des retraites triées sur le volet à nos clients, qui incluent un programme bien-être sur mesure, axé sur la nutrition, l’activité physique, le coaching individuel ou les thérapies de guérison holistiques. Nous avons constaté une hausse significative des réservations après la pandémie, et ce malgré la crise du coût de la vie. »
C’est ce qu’Expedia surnomme la période de la « non normalité » du tourisme du bien-être. « Nous observons un intérêt renouvelé pour les séjours bien-être et une augmentation de la demande pour les destinations nature autres que la côte et la montagne », remarque Jon Gieselman, président d’Expedia Brands. « Il ne s’agit pas d’une nouvelle normalité, puisque les voyageurs s’intéressent à des tendances inattendues, mais plutôt d’une non-normalité ».
La société a ainsi constaté une hausse de 30 % de la demande pour les séjours bien-être entre 2021 et 2022 et a découvert que près de la moitié (46 %) des touristes internationaux étaient plus ouverts à l’idée de partir en séjour bien-être qu’auparavant. Et plus ces derniers sont décalés, mieux c’est. Le rapport sur les tendances en matière de voyage d’Expedia révèle ainsi que les activités aussi variées que la sylvothérapie, les stages culinaires, les sessions d’équilibrage des chakras, les cours de yoga avec des chiots et les thérapies par le rire étaient bien plus populaires que certaines offres de spa classiques.
Mais que signifie vraiment le terme « bien-être » aujourd’hui ? Selon le Global Wellness Institute (GWI), une organisation américaine à but non lucratif qui dépend du Global Wellness Summit (laquelle mène des activités de recherche et commerciales dans l’ensemble du secteur depuis 2007), celui-ci a plusieurs définitions. Il peut être associé à des vacances sportives et des voyages d’aventure centrés sur l’amélioration du sentiment de bien-être et de l’équilibre de vie, ainsi qu’à des retraites spirituelles et thérapies physiques. Le marché connaît un véritable essor : selon le GWI, l’économie du bien-être devrait croître de 9,9 % en moyenne par an entre 2023 et 2025 (elle génèrera alors 7 billions de dollars [6,35 billions d’euros] de recettes).
Fondée en 2018 avec pour objectif d’encadrer le secteur en croissance du tourisme du bien-être, l’organisation américaine à but non lucratif Wellness Tourism Association (WTA) définit ce dernier comme permettant au voyageur « de garder ou d’adopter un mode de vie sain, ou de le renforcer, et de maintenir ou d’accroître le sentiment de bien-être d’un individu ».
« Ce qui constitue un séjour bien-être est subjectif », analyse Justin Francis, cofondateur et PDG de Responsible Travel, une agence de voyages éthique. « Des séjours de peinture dans les Highlands écossaises ou du camping sauvage mettent autant le bien-être à l’honneur qu’une retraite végane de Pilates. Les séjours bien-être sont simplement l’occasion de recharger ses batteries, physiquement et mentalement ».
L’agence a étoffé son offre de nombreuses destinations nature depuis la pandémie, en réponse à la hausse de la demande pour ce type de vacances. Par exemple, les activités comme le kayak de rivière ont gagné en popularité et cet intérêt pour les séjours permettant aux clients de se concentrer sur leur bien-être physique a augmenté de près de 100 % au cours des cinq dernières années. « Nous sommes tous bien plus conscients des bénéfices qu’il y a à éteindre nos téléphones et à être dehors », ajoute Justin Francis.
RELAXATION ACTIVE
Nos habitudes en matière de voyage ont commencé à évoluer bien avant la pandémie. Dans un rapport publié en 2021 par McKinsey, 79 % des personnes interrogées estimaient que le bien-être était important et 42 % qu’il était une priorité absolue, mais cela faisait deux à trois ans déjà que les consommateurs de chaque marché sondé lui accordaient une plus grande place (de 27 % à 65 %). Au cours de la dernière décennie, les tapis de yoga sont devenus la norme dans les hôtels branchés et l’accès à la salle de sport est devenu un incontournable, tandis que les stations thermales connaissent une expansion considérable.
Les séjours sportifs ont eux aussi la côte, grâce à leurs bénéfices tangibles et à leurs résultats mesurables (comme le nombre de kilomètres parcourus en randonnée). Ce boom du « tourisme de l’endorphine » attire des voyageurs cherchant à se surpasser dans la nature (pensez marathons dans le désert ou trail en montagne). En Europe, les Alpes sont en quelque sorte devenues le terrain de jeu du bien-être en extérieur. Un rapport publié en 2020 par France Montagnes, une association faisant la promotion du tourisme dans les Alpes françaises, rapportait que pour 70 % des voyageurs, la montagne était synonyme de bien-être.
« Depuis plusieurs années, et plus particulièrement depuis la pandémie de COVID-19, la montagne séduit les touristes en quête d’évasion, de nature et de bien-être, à côté d’activités plus sportives », explique Jean-Luc Boch, président de l’association. Outre les incontournables pratiques sportives, figurent aussi d’autres plus inédites, axées sur la communion avec la nature. Les voyageurs peuvent ainsi apprendre à rassembler un troupeau de chèvres, prendre part à une baignade méditative dans les cascades, partir cueillir des plantes médicinales ou encore courir des marathons en pleine conscience.
Les vacances à vélo sont aussi en plein essor. Selon le Parlement européen, le nombre de cyclistes amateurs a augmenté de 30 % à 60 % au Royaume-Uni et en Europe entre 2019 et 2022 . Le surf voit lui aussi sa popularité progresser. L’Association internationale du surf, qui dénombrait environ 35 millions de surfeurs dans le monde, estimait que ce chiffre atteindrait la barre des 50 millions en 2020 (les chiffres exacts n’ont pas encore été publiés). Quoi qu’il en soit, l’engouement pour cette discipline devrait se poursuivre, notamment au Royaume-Uni, où la NHS (le système de santé publique britannique) envisage de mettre en place des « ordonnances vertes », qui préconisent la pratique du surf comme traitement chez les personnes souffrant de problèmes mentaux et physiques.
Le tourisme du bien-être ne se limite pas uniquement aux activités propices à la méditation. Nombreux sont les vacanciers à vouloir pratiquer une activité physique.
Notre état croissant d’« anxiété permanente », qu'il soit alimenté par le stress de la vie moderne, le manque d'accès à la nature, l'instabilité économique, les troubles politiques ou le changement climatique, peut être atténué par des voyages visant à nous immerger dans le monde naturel sous la forme de sylvothérapies, de baignades en eaux froides ou de randonnées en pleine conscience. Le voyage semble être une invitation au salut, en particulier pour les pèlerins, dont le nombre est en plein essor. Les agences de voyages classiques et les organisations religieuses constatent en effet une hausse de l’intérêt pour les itinéraires comme le Chemin de Compostelle, les pèlerinages étant l’occasion de se connecter à soi-même, aux autres et à la nature par la randonnée, que l’on soit croyant ou non.
Mais pour certains, la question du bien-être a toujours été indissociable du voyage. Ce n'était pas quelque chose que l’on trouvait au spa ou que l'on se faisait prescrire ; il s'agissait de se trouver soi-même dans le monde, d'établir des liens avec les autres ou de passer du temps en pleine nature. Le bien-être faisait partie intégrante du type de voyage qui se déroulait aussi lentement que le temps et l'argent le permettaient, en explorant à pied un territoire proche.
Pour beaucoup d'entre nous, le télétravail ou le travail hybride ont simplement permis de multiplier les occasions de faire ce que nous aimons. L'industrie du voyage a réagi en proposant des options presque illimitées. Le bien-être s'est même infiltré dans les séjours traditionnels sur le sable et dans les stations balnéaires. Le voyagiste On the Beach, par exemple, a dressé une liste de destinations « favorisant la sécrétion de dopamine », c'est-à-dire des lieux hauts en couleur qui favorisent le bien-être naturel en stimulant tous nos sens. Pensez aux villages bleus et blancs des îles grecques où flotte le doux parfum du thym sauvage et de l'origan, ou encore aux villages colorés sentant bon le jasmin du Maroc.
Même Tui, l'une des plus grandes agences de voyages au monde, s'y met. L'année dernière, elle a lancé un programme de séjours bien-être personnalisés baptisé « Find your happy » (Trouvez votre bonheur). En permettant de s'évader, de se ressourcer et de se libérer des normes, les voyages ont toujours été un moyen de trouver ce bonheur. Aujourd’hui, ils sont étroitement liés à la question du bien-être, si bien que nos choix sur la façon dont nous trouvons notre bonheur sont devenus plus nuancés et plus ciblés et nous plongent dans le monde extérieur pour apaiser notre monde intérieur, qu'il s'agisse de travailler avec un éleveur de chèvres à Morzine ou de courir un marathon dans le désert.
Cet article a initialement paru dans l'édition britannique du magazine National Geographic Traveller.