Corse : les spécialités culinaires à tester absolument

L’île de Beauté regorge de délicieuses spécialités, comme les préparations à base de châtaignes, la charcuterie et des miels parmi les plus complexes au monde.

De Carolyn Boyd
Publication 8 avr. 2024, 16:31 CEST
Les touristes qui se rendent en Corse doivent absolument goûter à la charcuterie, aux spécialités locales ...

Les touristes qui se rendent en Corse doivent absolument goûter à la charcuterie, aux spécialités locales à base de châtaigne et aux vins qui font la renommée de l’île de Beauté.

PHOTOGRAPHIE DE Jeremy Woodhouse, Getty Images

Située en pleine Méditerranée, à seulement 13 km de sa voisine du sud, la Sardaigne, la Corse est marquée par une forte influence italienne. Par conséquent, c’est un endroit où l’on ne plaisante pas avec la nourriture. Que vous séjourniez dans les montagnes à l’intérieur de l’île ou sur la côte, attendez-vous à déguster des produits frais et des plats locaux traditionnels, et à profiter de déjeuners en plusieurs temps. Mais ce qui fait vraiment de la Corse une destination rêvée pour les gourmets, ce sont ses spécialités, parmi lesquelles figurent notamment la charcuterie et les plats à base de châtaignes.

Peu de vignobles peuvent se targuer d’avoir leur propre commissariat. Mais le Domaine Saparale, situé dans le sud-ouest de la Corse, a une histoire pour le moins inhabituelle. Son premier propriétaire, Philippe de Rocca Serra, voyait grand lorsqu’il l’a créé en 1850. « C’était un avocat qui avait pour ambition de produire des vins corses capables de rivaliser avec les grands vins de Bordeaux », explique l’actuelle propriétaire du domaine, Julie Farinelli. « Tout le monde pensait qu’il était fou, car à l’époque, le vin d’ici n’était bu que par les locaux ».

Philippe, qui a financé son projet en exerçant le droit en Afrique du Nord, est finalement parvenu à mener à bien son projet, créant un domaine tentaculaire qui s’est transformé en hameau autosuffisant doté de son propre commissariat. « Il y avait des hébergements pour vingt gendarmes. Ces derniers protégeaient le site et la vallée environnante. Il y avait même une petite prison », ajoute Julie en montrant du doigt un bâtiment en pierres nous faisant face, où est fixé un panneau terni par le temps sur lequel on peut lire « Gendarmerie Nationale ».

Philippe a connu plusieurs décennies d’activité prospère, vendant ses vins à Paris et remportant des concours. Le domaine a commencé à décliner au début des années 1900, une situation qui empirera tout au long du siècle. En 1970, un descendant sans enfant de Philippe légua le domaine à sa femme de ménage, la mère du mari de Julie.

Depuis 1998, la famille Farinelli lui redonne lentement vie. Trois bâtiments, dont l’ancien moulin à huile, abritent désormais des gîtes de luxe, et les propriétaires ont aussi pour projet d’ouvrir un hôtel. Mais pour l’heure, c’est pour les vins qu’on s’y arrête.

Si la plupart des vins corses sont issus de six cépages (sciaccarellu, niellucciu et grenache pour les rouges ; vermentino, genovese et biancu gentile pour les blancs), le terroir change beaucoup d’une région à l’autre. Le Domaine Saparale se situe sur le terroir granitique de Sartène, qui donne à ses vins des arômes puissants et une forte personnalité.

Produisant trois cuvées principales de rouges, de blancs et de rosés, les Farinelli se sont récemment mis à vinifier un cépage délaissé, le carcaghjolu (qui ne pousse que dans le sud de la Corse) dans des amphores, ces récipients en terre cuite autrefois utilisés par les Grecs et les Romains. Ce vin millésimé et produit en petites quantités fait partie de la cuvée Oenoteca, qui comprend des vins monocépages lorsque la récolte le permet.

Ma visite du domaine s’est conclue par une dégustation en compagnie de Meghan, la sommelière du domaine, dont le clou fut un extraordinaire vin blanc de la cuvée Oenoteca. Son nez dégage des arômes fumés, boisés et légèrement fruités, et il révèle en bouche des saveurs aussi uniques que le domaine où il a été produit.

Situé dans le sud de la Corse, le Domaine Saparale produit du vin depuis 1850.

Situé dans le sud de la Corse, le Domaine Saparale produit du vin depuis 1850.

PHOTOGRAPHIE DE Domaine Saparale

 

2. PÂTISSERIE CASANOVA

Des spécialités à la châtaigne

En Corse, l’aliment incontournable est sans conteste la châtaigne. Elle figure sur tous les menus, sous la forme d’éclats caramélisés agrémentant un velouté ou de farine incorporée dans un moelleux à la châtaigne. Même la charcuterie a un goût de châtaigne ; les espèces locales de porcs se nourrissent de ce fruit dans les épaisses forêts qui recouvrent le paysage.

« La plupart des villages se situent à 800 mètres d’altitude, là où les châtaigniers poussent », explique le guide Gabriel Ottaviani. « La récolte, qui a lieu en octobre, est traditionnellement assurée par tout le village. Les gens font ensuite sécher les châtaignes sur des claies au-dessus de leur cuisine et de leur salon, avant de les trier et d’enlever leur bogue pour les réduire en farine ».

Cette farine sucrée et biscuitée, qui est d’appellation d’origine contrôlée, est l’un des produits les plus appréciés de l’île. Elle est traditionnellement utilisée pour la pulenda. Semblable à la polenta italienne, celle-ci est réalisée en mélangeant de la farine de châtaigne, de l’eau et du sel dans un cul-de-poule avec un bâton en bois (un pulendaghju) jusqu’à la formation d’une pâte qui est ensuite tranchée et frite dans le beurre. Cette spécialité est consommée en hiver dans toute la Corse et est servie avec du brocciu (un fromage très apprécié de l’île) et du figatellu (une saucisse sèche).

Bon nombre des châtaigneraies corses se trouvent dans les environs de la ville de Corte, dans les montagnes du nord de l’île. Dans ses boutiques et ses restaurants, les spécialités à base de châtaigne sont légion. Arrêtez-vous à la Pâtisserie Casanova pour acheter des gâteaux à la châtaigne et des pâtisseries appelées falculelle, une spécialité de Corte à base de jaune d’œuf, de sucre et de zeste d’orange, cuites sur des feuilles de châtaignier. Elles font la fierté du propriétaire des lieux, Edmond Casanova. « C’est mon arrière-grand-père qui les a inventées dans les années 1800 », explique-t-il. « À l’époque, les plaques de cuisson n’existaient pas, donc ils utilisaient des feuilles de châtaignier pour les mettre dans le four et les en sortir ; elles supportent bien la chaleur, sans brûler. Vous ne trouverez des falculelle qu’à Corte ».

Partez à la découverte de la campagne corse et ouvrez grand les narines pour vous délecter des incroyables senteurs du maquis, ces formations d’arbustes et de buissons qui recouvrent les flancs de coteau. De nombreuses plantes, telles que la népéta, la myrte ou encore l’immortelle, attirent les abeilles. Le miel que les insectes produisent est complexe et varié, comme j’ai pu le découvrir au Jardin des Abeilles, une ferme apicole installée sur les collines de l’intérieur des terres, à une vingtaine de minutes en voiture d’Ajaccio.

« Seuls deux types de miel détiennent une appellation d’origine contrôlée en France », indique Tiphaine Pietri, la propriétaire des lieux. « L’un d’eux est le miel de sapin des Vosges, l’autre est le miel de Corse ».

« Il y a des règles très strictes concernant les endroits où les ruches peuvent être placées. Elles doivent être éloignées des cultures, même biologiques, et proches des plantes sauvages. Il n’y a pas vraiment d’agriculture intensive ici ; les abeilles circulent dans un rayon de 3 km autour des ruches ». Au retour de la visite du jardin, où se trouve une ruche d’exposition, et du sentier qui s’enfonce dans la forêt jusqu’à une rivière déchaînée, l’heure est venue de déguster quelques-unes des six types de miel corse AOP.

La dégustation commence par le plus doux, le miel de printemps, pour lequel les abeilles collectent le nectar des fleurs de clémentinier et d’asphodèles en avril. Le miel de maquis d’été, avec sa couleur ambre, est léger, fruité et aromatique ; il ne pourrait être plus différent du miel du miellat du maquis, à la robe sombre et au goût boisé, malté et légèrement amer. Cela s’explique par le fait qu’il est obtenu à partir de nectar de chêne et d’eucalyptus, et non pas de fleurs, et qu’il est récolté l’été, lorsque le maquis est sec.

La dégustation s’achève avec le miel de la châtaigneraie, riche et caramélisé, suivi du miel de maquis d’automne, assez similaire au premier, mais moins sucré. À consommer plutôt avec du fromage qu’au petit-déjeuner.

En plus des différences évidentes qui existent entre les principaux types de miel, Tiphaine souligne que leurs saveurs peuvent aussi varier d’un pot à l’autre. « Certains visiteurs préfèrent un miel à un autre fait dans une autre vallée », explique-t-elle. « Chaque lieu abrite des plantes différentes ; chaque année aura ses propres saveurs. C’est comme pour le vin », ajoute-t-elle.

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    L’apiculteur Denis Casalta présente son miel au Jardin des Abeilles.

    L’apiculteur Denis Casalta présente son miel au Jardin des Abeilles.

    PHOTOGRAPHIE DE Hemis, Alamy Photo

    La charcuterie figure parmi les produits les plus importants de Corse. C’est grâce aux saucisses et autres viandes séchées de l’île que les montagnards parvenaient à survivre aux hivers rudes. Aujourd’hui, les visiteurs trouveront encore de la charcuterie suspendue dans les commerces de bouche, où l’odeur très forte du lonzu au goût de noisette caractéristique et de la coppa finement marbrée vient titiller les narines. Mais ne vous fiez pas à celle-ci : ces deux charcuteries sont bien meilleures en bouche.

    Dans toute l’île de Beauté, nombreux sont les producteurs à suivre, aujourd’hui encore, les méthodes ancestrales permettant de créer différents types de viandes et de saucisses séchées qui seront consommées à certaines périodes de l’année. C’est notamment le cas de Dumè Cesari, dont l’atelier de transformation dans le village de Cozzano se situe sur le sentier de la Route des Sens Authentiques de l’île.

    L’été, les cinq cent porcs de la race nustrale à la robe noire de Dumè se nourrissent dans les forêts de châtaigniers et de hêtres. L’hiver, lorsque les animaux ont dix-huit mois, l’éleveur passe à la fabrication de la charcuterie. « Nous la produisons en hiver, car autrefois, comme les réfrigérateurs n’existaient pas, ils faisaient la charcuterie les mois les plus froids de l’année », explique Dumè.

    Malgré le riche patrimoine charcutier de la Corse, les producteurs locaux ne peuvent répondre à la demande des plus de trois millions de touristes qui visitent chaque année l’île de Beauté. Ceux qui recherchent l’authenticité doivent se tourner vers la charcuterie fabriquée à base de viande de porc de la race nustrale, plutôt que de viande importée. « Rien qu’au goût, vous savez que c’est de la vraie », décrit Dumè. « La façon dont nous élevons nos porcs est unique ici ; ce qu’ils mangent est totalement naturel et on le retrouve dans le goût de la viande ».

    Dans sa chambre de maturation, il m’invite à en déguster plusieurs sortes. D’abord, le figatellu : cette saucisse à base de foie, de sang, de quelques morceaux de viande maigre, d’épices, le tout fumé au bois de hêtre, est consommée en hiver, car c’est la première charcuterie à être fabriquée. Dumè me découpe ensuite une fine tranche de prisuttu, un jambon très prisé à la couleur rouge foncé, enduit de paprika et d’autres épices. La dégustation se termine par une tranche de vuletta, qui ne présente quasi que du gras, à l’exception d’une fine bande de rouge. L’éleveur me suggère d’attendre quelques secondes avant de la mâcher. Je m’exécute : la charcuterie, à la texture veloutée et au goût de noisette, fond sur ma langue comme du beurre.

    Cet article a initialement paru dans le numéro 23 (été 2023) du magazine Food by National Geographic Traveller (Royaume-Uni).

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