Ce parc indien est le meilleur endroit sur Terre pour observer des tigres du Bengale

Jaagir Manor, en plein cœur de l’extraordinaire écosystème du Teraï, abrite en ses étendues sauvages peu connues des habitants secrets : des tigres du Bengale.

De Mark Stratton
Publication 4 oct. 2024, 18:28 CEST
Luxury collection wild tiger

L’Inde abrite approximativement 75 % des tigres sauvages de la Terre que l’on trouve souvent en train de rôder dans les prairies des parcs nationaux du pays.

PHOTOGRAPHIE DE Sourabh Bharti, Getty Images

Il fait encore nuit quand le majordome, Parvez, m’apporte du café et des viennoiseries à la cannelle ; je m’extirpe à contrecœur de mon lit à colonnes. Amith Bangre, mon guide naturaliste, attend dans le vestibule de Jaagir Manor que nous nous entassions, encore à moitié endormis, dans un véhicule décapotable. Nous partons à la recherche de tigres dans le Parc national de Dudhwa : un espace sauvage de l’Uttar Prasesh où règnent des forêts denses et des vastes prairies qui s’inscrivent dans l’écosystème du Teraï bande de plus de 1 110 km s’étirant le long de la frontière indo-népalaise. L’air des contreforts de l’Himalaya est froid et mordant, et je me terre dans mon poncho en laine, contemplatif devant l’aube qui révèle en des formes troubles les contours de fermes et de champs de canne à sucre.

« Nous avons deux façons de pister les tigres », me révèle Amith, alors que des rayons pâles filtrent dans la forêt de sals et irradient alentour. « D’abord, nous cherchons des empreintes, car les tigres se déplacent dans la forêt sur des pistes sablonneuses, et ensuite nous tendons l’oreille dans l’espoir d’entendre les cris d’alarmes d’animaux, comme les langurs. » La vision soudaine d’une empreinte fraîche, parfaitement formée et entourée de rosée, fait battre mon pouls à toute vitesse. « Il y en a un tout près », me souffle Amith. Nous patientions un moment, mais les tigres du Teraï sont insaisissables.

Nous inspectons un arbre dont de profonds sillons entaillent l’écorce, et, devancé par un réflexe inconscient, je regarde plusieurs fois par-dessus mon épaule pour être sûr que nous n’avons pas de compagnie féline. « C’est un gros mâle, soupçonne Amith. Il fait savoir à de potentiels rivaux qu’il s’agit de son territoire. »

Le Parc national de Dudhwa, qui s’étire sur plus de 1 110 km le long de la frontière indo-népalaise, se compose notamment de forêts de sals denses et élancées et de vastes prairies.

PHOTOGRAPHIE DE Dinodia Photos, Alamy

Gros mâle ou pas, ce n’est après tout qu’un gros chat, il doit être en train de s’assoupir dans les broussailles. Mais nous avons beau scruter l’ombre, rien ne bouge. Ailleurs, cependant, la forêt pétille de vie. Les langurs à fourrure épaisse font un vacarme simiesque que nulle menace léonine semble n’avoir eu besoin de provoquer, tandis que des aigles glatissent au-dessus de nos têtes et que des créatures que nous ne voyons pas se faufilent entre les feuilles séchées qui tapissent le parterre de la forêt. Chose exceptionnelle, il y a absence totale d’autres véhicules de safari ; nous n’en voyons aucun durant la journée. « Va voir un tigre à Ranthambore et il y aura vingt véhicules autour », s’amuse Amith.

De retour à Jaagir, où je mène un train de vie princier, nous planifions notre prochaine tentative d’apercevoir des tigres. Ce manoir peint en blanc a été construit dans le plus pur style art déco dans les années 1940 par des gouverneurs britanniques qui l’ont utilisé comme pavillon de chasse. Les colonnes corinthiennes qui bordent l’allée présagent de délices douillets, mais avec la flamboyance d’une excentrique tante millionnaire.

Ma suite patrimoniale – il y en a sept en tout –, est une chambre d’origine à l’ambiance victorienne et est équipée d’un gramophone. Je me dirige vers le Safari Club, salon de style colonial doté d’une table de billard et d’un bar où je sirote un whisky à l’eau gazeuse devant un feu crépitant avant de me rendre dans la salle à manger du Pavillon. Le thali du chef cuisinier pourrait faire couler un navire de guerre, et j’en viens à regretter mes excès gourmands à l’heure du souper cet après-midi, où j’ai dégusté des sandwiches au concombre servis sans croûte, comme il est de rigueur.

Alors que je poursuis ma quête du tigre, j’accumule les observations, toujours plus nombreuses, d’espèces en danger. Le Parc national de Dudhwa est une fabuleuse étendue humide de marais et de rivières. Des cerfs aboyeurs (Muntiacus muntjac) nous coupent la route en bondissant, des ours lippus (Melursus ursinus) passent adorablement de buisson en buisson d’un pas paisible et des langurs accrochés à la cime des arbres sont en train, me semble-t-il, de crier au loup. Leurs alarmes perçantes s’avèrent vaines, et j’évacue ma frustration en dégustant le contenu d’un panier en osier plein de parathas farcis à l’aloo gobi et servis sur des serviettes en lin blanc sur le capot du Land Rover. Après quoi nous passons un merveilleux après-midi sur la rivière à guetter les rares apparitions de dauphins d’eau douce et de crocodiles au museau allongé que l’on appelle gavials (Gavialis gangeticus). « Il ne reste plus que 250 gavials environ à cause de l’impact humain », déplore Amith.

Pour notre ultime expédition dans la réserve, les enquiquinants langurs sont de nouveau à l’œuvre. Mais Amith tente sa chance et cherche d’où vient leur agitation. Nous nous garons à un carrefour. Tout autour de nous, la forêt est particulièrement agitée et des plaintes retentissent sur la canopée. « Regarde, me dit Amith d’une voix rauque, elle est là, c’est une femelle. » Calme et sans peur aucune, le félin émerge d’entre les arbres. Elle est plus orange que ce à quoi je m’attendais, une couleur de braises ardentes, et elle s’avance le long du véhicule sans même modifier son pas. Nous l’observons, dans un silence stupéfait, avant qu’elle ne retourne, non sans nous avoir donné un mouvement subreptice de la queue, se fondre dans la pénombre. Les langurs se calment, mais je pousse des cris joie tout le long du chemin qui nous ramène à Jaagir.

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    Le manoir de Jaagir, peint en blanc, fut construit dans les années 1940 par des gouverneurs britanniques qui s’en servaient comme d’un pavillon.

    PHOTOGRAPHIE DE Jaagir Manor

     

    TROIS AUTRES ANIMAUX À PISTER :

    1. LES LÉOPARDS DU RAJASTHAN

    Au milieu de collines de granites apparues voilà plus d’un milliard d’années, les vents chauds portent les grognements d’un léopard. Jawai Bandh, au Rajasthan, abrite un contingent bien fourni de ces félins élégants, qui cohabitent avec les gardiens de troupeaux rabaris. Se fondant parfaitement dans le paysage, Suján Jawai est un camp de dix suites sous tentes niché dans une oasis de verdure et fait partie du groupe de luxe Suján, une entreprise familiale. Le chiffre d’affaires généré par ses camps a permis de reverser près de deux millions d’euros à des œuvres de défense de l’environnement en Inde ces deux dernières décennies. 

    En pratique : Suján Jawai propose ses suites sous tentes à partir de 750 euros pour deux personnes, repas, excursions dans la nature et transits compris.

     

    2. LES RHINOS DE L’ASSAM

    Une lente journée à descendre le redoutable Brahmapoutre sur un bateau de croisière une tasse de thé Assam à la main peut vite devenir palpitante. Les éléphants viennent boire sur les rives, des dauphins d’eau douce passent le museau à la surface et les tigres ne sont jamais loin. De la cabine climatisée du RV Sukapha, les hôtes peuvent apercevoir ici plus d’animaux sauvages que partout ailleurs en Inde. Outre la collection éblouissante d’oiseaux, le moment fort est le Parc national de Kaziranga où se trouve la plus grande concentration de rhinocéros indiens à une corne (Rhinoceros unicornis). Quand vient le soir, après une journée passée à observer la faune, hôtes et guides se retirent dans la bibliothèque-bar en bois foncé pour dénombrer les espèces aperçues – et boire un cocktail.

    En pratique : Le séjour de 14 jours avec 11 nuits sur le Brahmapoutre proposé par Naturetrek coûte 5 400€ par personne sur la base de deux personnes, vols compris.

     

    3. LES LIONS DU GUJARAT

    Légèrement plus petits que leurs homologues africains, les lions asiatiques du Gujarat (Panthera leo persica), dont la crinière est également plus clairsemée, habitent les forêts de tecks matures du Parc national de Sasan Gir. Ils sillonnaient autrefois la Grèce et la Péninsule arabique, mais la chasse a réduit leur nombre à 700 environ, et tous se trouvent désormais au sein des 260 km2 du parc. C’est donc un privilège de les voir à l’occasion des safaris biquotidiens au départ d’Aramness Gir, luxueux haveli de dix-huit suites. Créé par le défenseurs de l’environnement et photographe Jimmy Patel, cet établissement cinq étoiles s’inspire des villages gujaratis. Après un safari ou une randonnée dans la jungle, les hôtes peuvent profiter d’un spa ayurvédique ou d’un jus de mangue frais extrait d’une récolte provenant des jardins de la propriété.

    En pratique : C’est d’octobre à février que l’on profite le mieux d’Aramness Gir. Une nuitée pour deux, tout inclus, coûtera au moins 1 100 euros.

    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Traveller (UK) en langue anglaise.

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