Les feux d’artifice vont-ils céder la place aux spectacles de drones ?

Les feux d’artifices peuvent nuire à notre santé, à celle des animaux et à l’environnement de manière générale. Les drones sont-ils une meilleure alternative ?

De Erin Blakemore
Publication 1 juil. 2024, 12:13 CEST
Cette statue de la Liberté a été créée à partir de plusieurs dizaines de drones à ...

Cette statue de la Liberté a été créée à partir de plusieurs dizaines de drones à l’occasion de la fête nationale des États-Unis, à New York, en 2023.

PHOTOGRAPHIE DE Dave Kotinsky, NBC, Getty Images

Pour des millions d’Américains, la fête nationale des États-Unis, qui a lieu le 4 juillet, s’achève traditionnellement par un feu d’artifice professionnel bruyant et coloré. Mais dans de nombreuses régions du pays, tout comme d’autres endroits du monde au moment d’événements festifs, les feux d'artifices cèdent de plus en plus la place à des essaims de drones synchronisés, qui créent des images animées dans le ciel nocturne.

Pourquoi les spectacles de drones ont-ils le vent en poupe ? L’on pourrait croire à première vue qu’il ne s’agit que d’une tendance tape-à-l’œil. Mais en réalité, selon certains, les feux d’artifice sont tellement nocifs pour nous, les animaux et l’environnement, qu’il est temps de mettre un terme à cette tradition pyrotechnique. Voici pourquoi vous avez de grandes chances d’assister à un spectacle de drones cette année, mais aussi pourquoi ces shows pourraient ne pas durer.

 

LES FEUX D’ARTIFICE NE METTENT PLUS LE FEU AUX POUDRES

« Lorsque nous avons commencé à étudier la question, ce qui m’a le plus surpris, c’est l’ampleur des nuisances [associées aux feux d’artifice] », raconte Bill Bateman, professeur associé à l’école des sciences moléculaires et des sciences de la vie de l’université Curtin, en Australie. Bateman et ses collègues ont récemment publié une étude dans la revue Pacific Conservation Biology qui souligne ce qu’ils appellent les effets « extrêmement dommageables » des feux d’artifice, à savoir le fait qu’ils effraient les oiseaux et les empêchent de nicher, qu’ils perturbent et angoissent d’autres animaux en raison de leurs éclats de lumières et de leurs bruits soudains, et qu’ils affectent même la reproduction des animaux.

Le problème réside en partie dans le réflexe de sursaut, une réaction du corps généralisée qui provoque une contraction rapide des muscles, un clignement des paupières et une accélération du rythme cardiaque. Ces réactions ont évolué pour aider les animaux et les humains à réagir au danger, en les rendant plus alertes et en les aidant à protéger leurs parties du corps les plus vulnérables. Selon Bateman et ses collègues, les sons et les éclats de lumière associés aux explosions des feux d’artifice déclenchent ce réflexe chez les animaux, ce qui leur induit un stress intense et peut aller jusqu’à provoquer leur mort. De jeunes grues, par exemple, ont été documentées en train de se jeter de leur nid en réponse à des bruits d'explosions, alors même qu’elles ne savaient pas voler.

Les êtres humains sont également sujets à ce réflexe de sursaut. Si notre propension à sursauter semble être en partie déterminée par notre génétique, les troubles mentaux et le trouble de stress post-traumatique sont également impliqués dans le phénomène ; il se trouve d’ailleurs que l’un des symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) est d’avoir un très fort réflexe de sursaut. Les personnes qui réagissent très mal aux feux d’artifice peuvent donc avoir plus qu’un réflexe de sursaut démesuré. La nature inattendue et imprévisible des feux d’artifice, ainsi que leur tendance à invoquer des souvenirs chez les personnes ayant survécu à des situations de combat, peuvent déclencher un sentiment permanent de danger et d’hypervigilance pouvant perdurer bien après la fête.

 

UNE TRADITION DANGEREUSE ET PARFOIS MORTELLE

De nombreuses autres raisons d’ordres sanitaires viennent renflouer les arguments en défaveur des feux d’artifice. La U.S. Consumer Product and Safety Commission a recensé 9 700 visites aux urgences et huit décès à cause de feux d’artifice rien qu’en 2023, la plupart ayant résulté d’un mauvais maniement de feux d’artifice. Bien que ces accidents soient souvent la conséquence d'une pyrotechnie d'amateurs, l’agence estime que 18 % de tous les feux d’artifice commercialisés en 2023 ne répondaient pas aux normes de sécurité, ce qui représente un danger pour les professionnels du métier eux-mêmes.

Et même les feux d’artifice encadrés par les meilleurs professionnels peuvent mal tourner, comme lors du « Big Bay Boom » de 2012 : le jour de la fête nationale des États-Unis, à San Diego, le feu d’artifice qui devait durer 18 minutes a explosé dans son intégralité en l’espace de quelques secondes. Bien qu’aucune victime n’ait été déplorée, cet événement souligne la nature imprévisible des feux d’artifice, même lorsqu’ils sont tirés par des professionnels.

Ces dangers sont d’autant plus marqués à l’ère de l’anthropocène et du réchauffement climatique. Les États-Unis continuent de subir les effets d’une sécheresse extrême tandis que les feux de forêt se multiplient et causent de plus en plus de dégâts. Or les climatologues prévoient d’autres phénomènes de ce type dans ce contexte de réchauffement climatique. Ajoutons les feux d’artifice à l'équation et l’on obtient la recette parfaite pour les feux de forêt. Car même les feux d’artifice légaux constituent une sérieuse menace pour nos forêts : selon la National Fire Protection Association, un organisme à but non lucratif qui se consacre à la prévention des incendies, les feux d’artifice ont provoqué 19 500 incendies et 105 millions de dollars de dégâts matériels aux États-Unis pour la seule année 2018. Et les dégâts ne se limitent pas aux États-Unis : fin juin, treize personnes ont été arrêtées en Grèce après qu’un superyacht a prétendument lancé un feu d’artifice ayant déclenché un incendie sur 120 hectares de forêt.

Les spectacles de drones sont moins polluants que les feux d’artifice, mais vont-ils pour autant perdurer ?

PHOTOGRAPHIE DE Crissy1982, Getty Images

Les feux d’artifice du 4 juillet coïncident avec le pic de l’été. Les météorologues spécialistes des incendies font de leur mieux pour avertir le public des journées particulièrement chaudes, venteuses et dangereuses, en émettant des alertes appelées « Red Flag Warnings » qui activent des lois fédérales et d’État interdisant le tir de feux d’artifice ces jours-là. En conséquence, les spectacles pyrotechniques sont souvent annulés ou reportés dans de nombreux États, ce qui déçoit le public et entraîne parfois des factures élevées.

Par ailleurs, les feux d’artifice sont responsables de l’émission de polluants dans l’air et du dépôt de grandes quantités de métaux lourds dans l’air, le sol et l’eau. Ces polluants peuvent avoir un impact démesuré sur les communautés à prédominance noire et hispanique qui subissent déjà fortement les effets de la pollution, en provoquant des maladies respiratoires et d’autres problèmes de santé.

« J’aime les feux d’artifice, mais j’ai vraiment l’impression qu’ils ne sont plus viables », déclare Bateman.

 

LES DRONES SONT-ILS LA SOLUTION ?

Les raisons de renoncer aux feux d’artifice semblent évidentes. Mais les spectacles de drones sont-ils pour autant la solution ? Ces spectacles sont eux aussi source de pollution lumineuse, et soulignons que la production de drones produit également de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Sans oublier que les drones peuvent entrer en collision avec des animaux sauvages dans les airs, écrivent Bateman et ses collègues, et que certaines recherches ont montré que les animaux réagissaient négativement à la présence de drones dans leur habitat.

La recherche sur l’impact des drones sur l’environnement et la faune sauvage n’en est qu’à ses débuts. En tout cas, pour l’instant, ces spectacles semblent beaucoup moins polluants. Et le fait que les drones puissent être réutilisés en fait une alternative encore plus tentante et durable quand on sait qu’il faut chaque année réinvestir dans des stocks de feux d’artifice.

Les spectacles de drones pourraient donc bien se généraliser à l’avenir. Toutefois, le phénomène pourrait ne pas survivre à une éventuelle interdiction des drones produits par Da Jiang Innovations (DJI), le principal fabricant de drones au monde. Les législateurs américains affirment que ces drones pourraient permettre à la Chine de collecter des informations sur des cibles américaines pendant les vols, bien qu'il n'ait pas encore été prouvé que la Chine le fasse réellement. Compte tenu de la position dominante de DJI sur le marché, une interdiction à l’échelle nationale pourrait clouer au sol les nombreux drones qui commencent à remplacer les feux d’artifice. Profitez donc des prochains spectacles de drones lumineux : cette nouvelle tendance festive pourrait très bien ne pas faire long feu.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic. com en langue anglaise.

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