Qu’est-ce que la nouvelle tendance du « noctourisme » ?

Le noctourisme, cette tendance récente qui consiste à explorer le monde à la nuit tombée, devrait transformer le monde des oiseaux de nuit en 2025. Lors d’un sondage réalisé par le site Internet Booking.com l’an dernier, deux-tiers des répondants (62 %), répartis à travers plus de trente-trois pays, avaient confié réfléchir à réserver des aventures nocturnes lors de leurs vacances. Cela va de l’observation du ciel, au safari où l’on dort à la belle étoile, en passant par des visites nocturnes des villes. L’agence de voyage de luxe, Wayfairer Travel a rapporté que les expéditions nocturnes avaient augmenté de 25 % en 2024. « Les réservations ont décollé l’an dernier », déclare le P-DG, Jay Stevens.

Lee Thompson, co-fondateur de l’agence Flash Pack, confie que la demande des voyageurs millenials a augmenté de 40 %. « Nous avons remarqué une demande grandissante pour des aventures sans alcool au cours des dernières années. Les touristes recherchent à présent des expériences uniques, au-delà des soirées passées dans un bar, ce qui semble avoir alimenté le noctourisme. »

Peut-être que la cause derrière cette tendance est plus évidente. Dans une ère propice au surtourisme, où peu de coins du globe demeurent inexplorés, le noctourisme offre une perspective nouvelle d’observer des sites déjà connus. Il s’agit d’une chance de redécouvrir le monde sous un nouveau jour.

LES SAFARIS NOCTURNES

Au cours d’un safari en Afrique durant la journée, on n’observe habituellement que 30 % des mammifères. Un nombre qui s’explique par le fait que 70 % d’entre eux sont des animaux nocturnes, comme le galago ou le ratel. Ce n’est donc guère surprenant qu’une hausse des demandes soit observée pour les expéditions de nuit. Dan Free, responsable général chez Wildlife Worldwide explique : « Les clients désirent de plus en plus observer des espèces qui sortent de l’ordinaire. » L’agence de voyage propose un nouveau voyage en Afrique du Sud afin d’observer des mammifères nocturnes méconnus, comme l’oryctérope du Cap ou le protèle.

Wayfairer Travel confie avoir observé une hausse de 35 % dans les demandes de safaris nocturnes en Afrique par rapport à 2023. Jay Stevens, le P-DG, suggère que les documentaires animaliers sont une source d'inspiration. Les propriétaires des logements situés dans les forêts tropicales organisent également de plus en plus de balades nocturnes pour observer la vie sauvage dans des destinations telles que Madagascar ou au Costa Rica. Pendant ce temps, ceux de l’Amazonie comme Sacha Lodge en Équateur, proposent d’ores et déjà des promenades en canoë afin de voir les yeux des caïmans refléter la lumière des lampes torches. En Europe, le spécialiste de la vie sauvage, Travelling Naturalist, met à profit ses cachettes de nuit afin de repérer les ours bruns au mois de juin, tandis que Amazing Nature Scandinavia organise des séjours de camping dans des zones de prolifération des loups pour les entendre hurler à la lune. Observer la vie sauvage dans son habitat naturel dépend de moins en moins de la lumière du jour.

LES AURORES BORÉALES

Observer les aurores boréales se trouve en général haut placé sur la liste d'envie des touristes de la nuit. Selon les chiffres les plus récents, l’industrie des aurores boréales était évaluée à 799 millions d’euros en 2023. Selon des analyses de la société Cirium, qui se spécialise dans les voyages en avion, les vols saisonniers en direction de Tromsø, la capitale norvégienne des aurores boréales, sont passés de seulement 22 en 2023 à un total de 87 en 2024. Certaines compagnies comme British Airways, EasyJet et SAS ont d’ailleurs ouvert de nouvelles voies aériennes pour s’y rendre. Il est évident que l’intérêt pour les aurores boréales grandit.

Cela est en partie dû au maximum solaire des aurores boréales en 2024 et 2025. Ces années ont été de véritables aubaines pour les chasseurs d’aurores boréales, l’activité solaire a causé une augmentation de leur fréquence et de leur intensité. Le phénomène céleste capitalise également sur une tendance récente : le noctourisme. Comme le dit Tom Kerss, chasseur d’aurores boréales en chef pour l’agence de croisière norvégienne Hurtigruten : « Rien ne se rapproche le plus de la magie dans la nature ».

Mais elles peuvent être dures à observer et certains voyageurs rentrent bredouilles si la météo ou la chance ne sont pas de leur côté. Aurora Zone, la plus vieille agence de voyage britannique à proposer des excursions pour observer les aurores boréales, propose 132 séjours différents en Scandinavie dans la zone de prédilection situé entre les 66^e et 69^e degrés Nord. La directrice des opérations Amy Hope explique que 86 % de ses clients ont eu la chance d’observer les lumières l’an passé. C’est notamment dû à la position des campements, situés loin de toute pollution lumineuse. Toutefois, comme tous les voyages, d’autres activités sont proposées afin d’éviter les risques de déception.

Certaines agences proposent une promesse d’aurores boréales, une offre qui permet aux clients de participer à un deuxième voyage si leur expédition n’a pas abouti à l’observation des lumières célestes. Pour les passagers à bord d’une croisière Hurtigruten par exemple, cela signifie sept jours de voyage offerts si les aurores n’apparaissent pas au cours des croisières de plus de onze jours. Les demandes pour leurs voyages d’astronomie, qui proposent également des explications des phénomènes par des professionnels, ont doublé entre 2023 et 2024. En janvier 2025, les réservations avaient déjà surpassé le total de l’année écoulée. Tom Kerss, à ce sujet, dit : « C’est bien simple, le bateau devient un observatoire flottant, constamment en mouvement à la recherche des ciels les plus dégagés ».

LA NUIT ÉTOILÉE

Qu’est-ce qui explique la demande en hausse de logements avec vue sur les étoiles ? Chris McIntyre la justifie par une impression de connexion. Le fondateur d’Expert Africa croit que les nuits à la belle étoile en safaris, sous des ciels somptueux, bercé par les rires des hyènes, prodiguent « un mélange de tranquillité et d’exaltation, approfondissant l’impression d’être connecté à la nature ».

Si les premiers safaris d’Afrique proposaient déjà ces séjours, les niveaux de confort ont drastiquement changé. Chris McIntyre développe : « Nous avons observé un intérêt croissant pour nos lits à la belle étoile. Il y a dix ans, un confort de luxe en extérieur, cela voulait dire un matelas en mousse et une couette. À présent, on propose des lits king size avec la meilleure literie. » Le camp de base de Samburu, au Kenya, propose, à partir de cette année, quatre lits de luxe à la belle étoile, élevés sous des canopées et chacun avec leur propre jacuzzi.

Le concept a rapidement été adopté aux Maldives. À compter de 2025, les clients de l’hôtel Milaidhoo, dans l’atoll de Baa, peuvent réserver une expérience Sleep Under the Stars (dormir sous les étoiles), un lit sur un banc de sable privé, accessible uniquement par bateau. En 2021, Suisse tourisme a lancé le concept de l’hôtel mille étoiles. Réservables via la plateforme de camping sauvage Nomady, le projet dresse la liste de cinquante séjours qui offrent des vues spectaculaires sur le ciel étoilé, de dômes en forme de géode à des matelas à bord de roulotte de chantier.

À LA RECHERCHE DES ÉTOILES

Chaque année, la pollution lumineuse augmente de 10 %, la Voie lactée est d’ailleurs cachée aux yeux d’un tiers de la population mondiale. Les étoiles sont devenues une raison de voyager, selon Robert Massey, directeur général adjoint de la Société royale d’astronomie du Royaume-Uni. « Les gens sont à la recherche d’une expérience que l’on ne trouve pas chez soi. »

La sélection de destination pour observer les étoiles de Robert Massey inclut le centre d’observation astronomique de l’Algarve, où les astronomes amateurs ont l’opportunité d’utiliser les télescopes. On retrouve, parmi les autres lieux, les paysages exempts de pollution lumineuse du Chili, de Namibie et de l'Australie, dans l’Outback. « Toutes ces régions ont des ciels extraordinairement dégagés, c’est pour cela qu’elles accueillent des observatoires », dit Robert Massey.

L’association internationale à but non-lucratif, DarkSky International, a certifié 415 000 kilomètres carrés à travers le monde en tant que Réserves internationales de ciel étoilé et Parcs de ciel étoilé. Le sanctuaire de ciel étoilé du Tāhuna Glenorchy, près de Queenstown, en Nouvelle-Zélande, est la dernière addition de 2025.

Vingt-deux réserves sont également présentes au Royaume-Uni, conduisant des agences de voyage à pleinement embrasser la tendance. Dans le Lake District, l’hôtel Another Place organise des baignades lors de pleines lunes, afin d’observer les étoiles, avec l’aide d’un expert des eaux froides. L’hôtel fournit combinaisons étanches et bouées de flottaison. À Dorset, toujours au Royaume-Uni, Fore Adevnture organise des balades en kayak de nuit dans la baie de Studland.

VISITES URBAINES ET ARCHITECTURALES DE NUIT

La solution évidente pour éviter les températures et le surtourisme de la journée, ce sont les visites de nuit. En Jordanie, l’exposition hebdomadaire Petra by Night propose des visites après les heures d’ouverture afin d’observer cette merveille du monde illuminée par des milliers de lanternes. Le Taj Mahal, en Inde, ouvre également cinq jours, au moment des pleines lunes, pour seulement 50 personnes à la fois et propose une toute nouvelle vision du site.

Le P-DG de Wayfairer, Jay Stevens, affirme que 67 % des touristes qui se rendent à Tokyo, en hausse de 30 % par rapport à 2023, sont de plus en plus à la recherche d’expériences nocturnes. « L’un des grands moteurs de ce tourisme est, selon moi, Instagram. Les utilisateurs voient des images des néons de Kabukichō ou bien les petits izakayas [des bars] à Omoide Yokocho et souhaitent les observer de leurs yeux. » Il recommande de visiter Senso-ji à la nuit tombée, afin de profiter des temples de Tokyo au moment où ils sont les plus calmes, en plus de suggérer des croisières nocturnes le long de la rivière Sumida.

Les espaces de restauration sont souvent des centres pour l’activité nocturne, surtout dans l’Asie de l’Est et en Amérique Latine, où l’on s’y rend autant pour manger que pour observer le va-et-vient de la foule. Inside Asia organise des excursions autour de la nourriture, comme la visite du marché de Gwangjang de Séoul après le coucher du soleil, ainsi que le marché de nuit de Yansan, à Taipei. Intrepid propose des voyages pour profiter du carnaval d’étals de nourriture, qui a lieu chaque nuit sur la place Jemaa el-Fnaa de Marrakech.

PLONGÉES DE NUIT ET BIOLUMINESCENCE

Il reste encore un marché inexploré : la mer, de nuit. Entre 2020 et 2024, le nombre de personnes ayant suivi des cours de plongée de nuit, certifiés par la PADI (Professional Association of Diving Instructors) n’a augmenté que de 2 %. Eric Albinsson, responsable des formations, qui a co-écrit le cours de plongée de nuit, explique qu’avoir peur est « normal » pour les débutants mais que « beaucoup trouvent l’expérience relaxante et méditative ». Il décrit l’aventure : « Vous avez l’impression d’être dans l’espace lors d’une plongée de nuit, et vous avez la chance d’observer la vie marine briller dans le noir. »

C’est également beaucoup plus accessible que l’espace : tout plongeur avec une certification de plongée « Open Water Diver », l’équivalent du Niveau 1 en France, peut prétendre à réserver une plongée de nuit. Eric Albinsson recommande de plonger avec les raies Manta, à Hawaii, au large de Kona. Joanna Charter, responsable de produits chez Regaldive insiste sur le fait que plonger de nuit peut transformer les lieux où l’on a l’habitude de plonger. « La plongée fluorescente, c’est une soirée disco. Les torches à UV exposent la biofluorescence des coraux et les récifs sont un feu d’artifice de couleurs. » L’île Bonaire est extraordinaire pour cela, sinon, Regaldive recommande de se rendre à l’hôtel Buceo Anilao, dans les Philippines.

Même on ne plongeant pas, il reste possible d’observer la bioluminescence de ses propres yeux, par exemple, lorsque le plancton émet de la lumière créant un effet lumineux que l’on confondrait avec des étoiles. Les images des plages de l’île de Mudhdhoo, aux Maldives, brillant d’une lumière bleu électrique, ont attiré les touristes vers ce que l’on surnomme la « mer des étoiles ». Ou encore, la baie des moustiques de Puerto Rico, qui est, selon le livre Guinness des records, l’endroit où l’on observe les phénomènes de bioluminescence les plus brillants.