Oserez-vous visiter ces hôtels hantés ?
De l’hôtel de The Shining à la maison d’hôtes hantée par un chat mort-vivant, ces chambres « doubles » ont des légendes à revendre.
L’asile Rolling Hills, qui a ouvert ses portes en 1827 dans le nord de l’État de New York. Il abriterait une foule de fantômes, tout comme les autres bâtiments, cimetières et hôtels du Haunted History Trail. Visites guidées, chambres d’hôtes reculées, week-ends dédiés au paranormal, le secteur du tourisme de l’étrange est en plein essor aux États-Unis.
Les avis postés au sujet du Shanley Hotel, à Napanoch, dans l’État de New York, sont quelque peu troublants. Des personnes ayant dernièrement passé la nuit dans cette maison d’hôtes d’architecture néo-coloniale néerlandaise construite en 1895 disent avoir entendu des bruits de pas étranges, des sifflements mystérieux, et avoir vu passer un chat zombie translucide.
Il est étonnant, dès lors, que ces mêmes hôtes attribuent d’excellentes notes à l’endroit. La raison ? Ils descendent dans cet établissement expressément pour voir (ou ressentir) des présences fantomatiques.
Le Shanley (bon sosie de la maison d’Amytiville) se trouve sur le Haunted History Trail, itinéraire sur lequel on trouve les hôtels, les musées, les cimetières et les endroits les plus sinistres de l’État de New York, notamment un asile et un parc d’attraction prétendument hantés. Lancé en 2013, celui-ci ne traversait à l’origine qu’une poignée d’endroits mais il compte désormais plus de 90 lieux effrayants.
Dans la vallée de l’Hudson, dans l’État de New York, le Shanley Hotel tire parti de sa réputation d’établissement hanté en organisant des week-ends dédiés à la chasse aux fantômes.
Ce n’est qu’une manifestation parmi tant d’autres du tourisme de l’étrange aux États-Unis ; conventions, croisières hantées, visites guidées, tout y est. Ce secteur de niche a gagné en popularité ces dix dernières années, et il est probable que la pandémie ait renforcé la tendance.
« On vit une époque vraiment difficile », affirme Patti Negri, qui est voyante. « Autrefois, quand on traversait des époques que la maladie, la famine et la guerre rendaient difficiles, les gens se tournaient vers la religion. De nos jours, tout le monde veut aller voir des fantômes. »
Pour certains, ces voyages sur le thème de la mort et du malheur ne sont rien que du tourisme macabre, pratique nouvelle et contestée. Pour d’autres, se coucher dans des mansardes où notre monde cohabite avec celui d’après est une manière comme une autre d’en savoir plus sur l’histoire et la culture. Qu’il s’agisse de Marilyn Monroe, d’un soldat de la guerre de Sécession, ou d’un animal de compagnie décédé, la présence d’un revenant ou deux sur le registre de l’hôtel peut être vu comme un agrément, au même titre qu’un spa ou qu’un peignoir confortable.
D’après un sondage réalisé par YouGov en 2019, 45 % des Américains croient à l’existence d’êtres surnaturels. « Touristes classiques et chasseurs de fantômes amateurs veulent une occasion de voir de la vraie magie, ou ce que les psychologues et les poètes appellent la sensation d’enchantement », explique James Houran, psychologue et auteur d’une étude de marché sur le tourisme de l’étrange en 2020. « Ils veulent être transportés hors de leur quotidien banal vers un endroit qui élargisse leur vision de la réalité. »
James Houran a découvert que les hôtels anciens arrivaient à se démarquer quand ils se promeuvent comme des établissements hantés. Les fantômes sont utiles pour faire des affaires, surtout pour les bâtisses historiques dont l’entretien est coûteux.
DES FANTÔMES DEVENUS MACHINES À SOUS
Le tourisme de l’étrange est un secteur qui pèserait quelque 86 millions d’euros dans le monde. D’après James Houran, la ville de Key West, en Floride, génère à elle seule plus de 17 millions d’euros grâce à cette forme de tourisme chaque année. Des villes comme la Nouvelle-Orléans, Savannah et Gettysburg comptent sur les circuits hantés qu’elles proposent pour attirer des visiteurs.
En 2005, quand le défunt Salvatore Nicosia a acquis le Shanley lors d’une vente aux enchères, l’établissement était à l’abandon et dans un état désastreux. Il y a injecté les économies d’une vie pour le restaurer ; le nouveau propriétaire se sert des revenus générés par les visites guidées terrifiantes et d’autres événements autour du paranormal pour financer son entretien, qui demande un effort continu.
À Kingston, Old Dutch Church a été construite en 1659. On dit que son cimetière serait hanté par des colons rebelles dont les maisons auraient été brûlées par les Britanniques.
Dans les ruines de l’asile Rolling Hills, près des chutes du Niagara, on peut prendre part à des visites guidées éclairées à la lampe torche et observer d’autres phénomènes étranges.
Les fantômes qui habitent ces murs nous renseignent sur les coutumes locales, et apparaissent inévitablement dans nos histoires de vacances, que nous les ayons vus ou non. Si vous êtes dans le Massachussetts, descendez donc au Concord Colonial Inn, construit vers 1716, où des soldats rebelles de la guerre d’Indépendance déambuleraient encore dans les couloirs, et où vous découvrirez que le bâtiment abritait à cette époque un hôpital militaire. Au Foster’s Hotel de Chama, au Nouveau-Mexique, les spectres d’un cow-boy et d’une auto-justicière font remonter le passé de la ville et de ce bâtiment rustique construit en 1881 ainsi que les souvenirs de la conquête de l’Ouest.
Début 2021, le Lizzie Borden Bed & Breakfast a été vendu à l’entreprise Ghost Adventure pour près de 1,7 millions d’euros, soit quatre fois plus que le prix moyen d’une résidence de ce type à Fall River, dans le Massachussetts. En 1996, les lieux du double meurtre d’Andrew et Abby Borden, les parents de Lizzie, ont été transformés en musée et en chambre d’hôtes qui jouent désormais de la réputation funeste de la scène de ce crime survenu en 1892 et non résolu à ce jour. Les nouveaux propriétaires marchent ont suivi ces traces (de sang ?).
« Du point de vue entrepreneurial, un hôtel ‘ancien et décrépit’ ne peut pas sérieusement rivaliser avec un hôtel flambant neuf et moderne – enfin, sauf s’il est hanté », écrivait James Houran dans son étude.
UNE CHAMBRE DOUBLE ?
Il se pourrait bien que les voyageurs qui passent une nuit dans une chambre prétendument hantée soient les mêmes que ceux qui préfèrent le charme historique aux chambres standardisées et les petites auberges de campagne aux complexes hôteliers. « Ces histoires vont plus loin que la simple brochure sur papier glacé et ajoutent une dimension supplémentaire à un site historique », explique Lawrence P. Horwitz, vice-président de Historic Hotels of America, annuaire du National Trust for Historice Preservation répertoriant des hôtels à caractère historique.
Certaines vieilles bâtisses comme le Shanley ne se mettent en avant qu’en tant qu’établissement hantés et des week-ends de l’étrange ou des itinéraires in situ en compagnie de chasseurs de fantômes. D’autres, comme l’Hotel Coronado près de San Diego, le Driskill, à Austin, ou le Stanley Hotel, à Estes, sont mis en avant comme des sites historiques avant tout et accessoirement comme des lieux hantés.
À Oswego, les visites guidées sur le thème de l’étrange passent devant plusieurs bâtiments du XIXe siècle.
En Pennsylvanie, à l’Hotel Bethlehem, les chasseurs de spectres peuvent loger dans la chambre 932, qui renfermeraient d’autres d’habitants. Le service inclut wifi, cafetière, clignotements de lampes, papiers qui volent et globes mystérieux.
Les légendes surnaturelles qui entourent certains hôtels sont souvent transmises par tradition orale et inspirées des morts survenues entre leurs murs ou par des hôtes célèbres qui y ont logé ou encore par des notables de la région enterrés tout près. Certaines relèvent purement de la fiction et sont « alimentées » par les gérants d’hôtels, qui font appel à des voyants ou à des chasseurs de fantômes pour confirmer (et parfois « créer ») des rumeurs d’événements étranges.
Bien que les films d’horreur (comme The Shining ou Psychose) nous dressent le portrait terrible d’hôtes en proie à des situations désespérées dans des hôtels perdus, les gérants hôteliers des petites villes trouvent pour leur part que la publicité faite par les podcasts ou les émissions dédiées à la chasse aux fantômes (comme Les Traqueurs de fantômes ou État paranormal) permettent de remplir les chambres de personnes en chair et en os. « Il ne fait aucun doute que des hôtels dont on n’avait jamais entendu parler suscitent l’intérêt de groupes s’intéressant au paranormal quand on en parle dans une émission », affirme C.R. Sander, co-producteur de My Ghost Story, sur The Biography Channel.
SOS FANTÔMES
Quand il a acheté le manoir de Burn Brae, à Glen Spey, dans l’État de New York, en 1993, Mike Fraysse n’avait pas prévu d’ouvrir un hôtel hanté. Cet ancien entraîneur olympique de cyclisme pensait transformer la résidence tentaculaire d’Anne d’Angleterre en centre de formation. « Mais il n’y pas de cyclisme par ici en hiver à cause de la neige, commente-t-il. Ma fille m’a conseillé d’ouvrir une chambre d’hôtes pour les personnes intéressées par les lieux historiques. »
À peine a-t-il ouvert son établissement que les hôtes se sont mis à se plaindre de cris de bébés, de bruits de pas ou de sensations semblables à une main glacée sur la peau. « Les gens étaient vraiment fâchés, confie-t-il. Ils croyaient qu’on leur jouait des tours. »
Pour tirer tout cela au clair, il a fait appel à South Jersey Ghost Research, une équipe d’enquêtes paranormales reconnue. « Ils sont venus pendant trois jours et ont réalisé une enquête exhaustive avec tous leurs appareils et leur équipement, ajoute-t-il. C’était ahurissant. »
Le manoir de Burn Brae, construit en 1907 à Glen Spey, dans l’État de New York, fait désormais office d’hôtel et de lieu incontournable du tourisme de l’étrange.
Les chasseurs de fantômes ont utilisé des détecteurs de mouvement, des caméras numériques, des dictaphones, et des thermomètres infrarouges, et auraient ainsi saisi plus de 180 images et bruits de fantômes. Désormais, le site web de l’hôtel fait commerce de cette présence et, d’après Mike Fraysse, « les pensionnaires sont contrariés s’ils ne font pas l’expérience de choses extraordinaires ».
Patti Negri affirme être tombée sur des esprits à l’hôtel Hollywood Roosevelt, au Cecil Hotel, qui est pour le moment fermé, mais aussi chez John Sowden (la maison du Dahlia noir) et au Shanley. Elle croit que les esprits traînent dans certains endroits en particulier car ils les connaissaient de leur vivant et qu’ils veulent simplement y demeurer.
« J’ai un jour demandé à un esprit du Roosevelt pourquoi elle se trouvait là, et le fantôme m’a répondu : "C’est un hôtel, non ?" », affirme Patti Negri.
Au cours de sa carrière, Patti Negri a exorcisé la mauvaise énergie de bureaux d’avocats, d’usines et d’agences de talents, mais on ne lui a jamais demandé de débarrasser un hôtel de ses fantômes. « Je ne pense pas que cela serait avisé, concède-t-elle. Le tourisme lié au paranormal est trop important. »
Rachel Ng vit à Hawaï et s’est récemment rendue au Volcano House Hotel dans l’espoir de tomber sur le fantôme de chien blanc qui hanterait cet établissement historique. Suivez-la sur Instagram.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.