Quel itinéraire suivre pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle ?

Commençons par la fin : la dépouille de l’apôtre saint Jacques (ou Sant Iago en espagnol) reposerait dans une urne placée à l’intérieur d’un tombeau dans une crypte de l’imposante cathédrale médiévale de la ville qui porte son nom. Saint-Jacques-de-Compostelle s’est construite autour du lieu de sépulture du saint, dont l’emplacement aurait été indiqué à un berger par une étoile polaire près d’un millénaire après que son corps y a été acheminé par traîneau depuis Jérusalem, des anges ouvrant la voie. C’est en tout cas ce que raconte l’histoire. 

Depuis 1000 ans, des pèlerins viennent se recueillir sur ce site, point de convergence du mythe et de l’histoire, en ayant emprunté le réseau de sentiers transfrontaliers connu sous le nom des chemins de Compostelle. En 2022, 438 000 personnes (un record) ont parcouru l’intégralité d’un de ces itinéraires, certains marcheurs couvrant uniquement les 100 derniers kilomètres (200 kilomètres pour les cyclistes) nécessaires pour obtenir le certificat officiel de réalisation du pèlerinage, la Compostela, preuve de la popularité des chemins de Compostelle, qui attirent non seulement des croyants catholiques, mais aussi des randonneurs, des vététistes, des groupes ou des voyageurs en solo, qui viennent oublier leurs soucis dans les étendues sauvages de la péninsule ibérique.

Au nombre de sept, les chemins de Compostelle mènent tous à Saint-Jacques-de-Compostelle, mais ils ne traversent pas uniquement l’Espagne. Le Chemin français, qui débute au pied des Pyrénées, est le plus populaire et dispose des meilleures infrastructures, mais des itinéraires moins fréquentés sillonnent le long de la côte portugaise, dans les montagnes cantabriques et dans les plaines de Castille-et-León. 

Tous se caractérisent par leur climat, leurs paysages, leurs défis physiques et leurs cultures régionales. Il y a toutefois des constantes : chaque sentier est jalonné de ruines saintes, de sanctuaires, de monastères et d’albergues (de modestes auberges qui bordent les chemins de Compostelle depuis le Moyen-Âge). Une grande camaraderie règne entre les voyageurs et il se pourrait bien que vous partagiez une bouteille d’eau ou de vin avec des inconnus sur les ruines d’un hôpital bâti au sommet d’une colline pour les premiers pèlerins. 

Ceux qui préfèrent la solitude et la satisfaction profonde de marcher à travers des paysages naturels époustouflants à leur rythme ne seront pas en reste. Si vous ne trouvez pas Dieu (ou si vous ne vous retrouvez pas) en chemin, la promesse d’une paix et d’un calme profonds saura vous réconforter.

ITINÉRAIRE N°1 : LE CHEMIN DE LA COTE PORTUGAISE

Au départ de Porto, l’incontournable chemin portugais traverse majoritairement les terres, mais il est possible d’opter pour un sentier côtier de 275 km qui serpente le long de la côte atlantique, entre le nord du Portugal et la Galice, à la frontière du monde connu à l’époque romaine.

Jours 1 à 3

Avec sa façade de style roman et ses azulejos d’un bleu pur, la cathédrale de Porto constitue un point de départ spectaculaire. Prenez la direction de Matosinhos et longez l’océan à travers les dunes, les fleurs et les jardins maraîchers en empruntant les passerelles en bois. Admirez les dentelles dans la vieille ville navale de Vila do Conde, dégustez une assiette de cabillaud dans le port de pêche datant du 18^e siècle de Póvoa de Varzim et admirez les kitesurfers sur la côte protégée d’Esposende, avant de poursuivre votre chemin vers Marinhas, dans le nord du Portugal.

Jours 4 à 7

Cette portion du sentier quitte la mer pour suivre la rivière Neiva sur un long chemin empierré. Un magnifique point en fer imaginé par Gustav Eiffel permet aux randonneurs de traverser le fleuve Lima pour rejoindre Viana do Castelo. De là, vous pouvez prendre le funiculaire qui monte jusqu’au Templo do Sagrado Coração de Jesus (Temple du Sacré-Cœur de Jésus), qui rappelle le Sacré-Cœur de Paris. Le chemin s’enfonce ensuite dans une forêt d’eucalyptus, redescend jusqu’à l’océan, passe devant des bastions côtiers et des moulins à vent avant de rejoindre un autre fleuve, le Minho, où un ferry permet de rallier l’Espagne. A Guarda, célèbre pour son homard et les ruines d’un sanctuaire celte, s’élève sur l’autre rive. Le sentier reprend la direction de la côte à Mougás.

Jours 8 à 11

Plus haut sur la côte se dresse le monastère royal de Santa Maria de Oia, qui fut défendu des attaques de navires turques par des moines cisterciens particulièrement habiles du canon. Le sentier est ici surnommé « chemin monastique » en leur honneur. Celui-ci serpente à travers Baiona, port où rentra La Pinta en 1493 avec la nouvelle de la découverte du Nouveau-Monde. Admirez le panorama sur la mer, les parcs flottants d’élevage de moules et l’archipel brumeux des îles Cies dans l’estuaire de Vigo avant de vous enfoncer dans les terres pour rattraper le chemin portugais. Dégustez des huîtres dans le village d’Arcade, puis traversez le pont Ponte Sampaio pour rejoindre l’ancienne route romaine menant à Pontevedra.

Jours 12 à 14

Visitez le centre historique de Pontevedra avant la dernière ligne droite : il vaut le détour. Arrêtez-vous à la basilique gothique de Santa María la Mayor et aux ruines du couvent Santo Domingo avant de traverser les terres agricoles bucoliques de la Galice et de rejoindre Caldas. Détendez vos muscles endoloris dans les sources thermales et reprenez des forces avec une empanada à la lamproie, puis poursuivez votre chemin vers Padrón, le port fluvial où les disciples auraient ramené le corps de Saint Jacques. La dernière portion de ce chemin vous mène sur les pas de l’évêque Teodomiro, qui découvrit la dépouille quelque 900 ans plus tard et la transféra dans sa dernière demeure, à Saint-Jacques-de-Compostelle.

ITINÉRAIRE N°2 : LE CHEMIN ORIGINEL

Ce sentier long de 320 km serait le plus ancien des chemins de Compostelle, le premier pèlerinage y ayant été entrepris par le roi des Asturies Alphonse II vers 820 apr. J.-C. C’est aussi le plus exigeant, mais les sublimes paysages montagneux et la délicieuse cuisine locale parviennent à faire oublier aux marcheurs sa difficulté.

Jours 1 à 3

C’est à la cathédrale San Salvador, là où se dressait autrefois la basilique d’Oviedo, construite sous le roi Alphonse II, que débute le chemin. De là, il s’enfonce dans les collines (n’hésitez pas à reprendre des forces autour d’un plat mijoté local). Direction ensuite le sanctuaire Nuestra Señora del Fresno (Notre-Dame de Fresno) qui offre une vue imprenable sur la vallée, puis les remparts fortifiés de Salas, la « porte d’entrée vers l’ouest » des Asturies. Le sentier traverse ensuite une forêt de châtaigniers pour rejoindre Tineo en passant devant de vieux « hórreos » (greniers à céréales sur pilotis) et les ruines d’un hôpital pour pèlerins.

Jours 4 à 7

Poursuivrez votre chemin via Pola de Allande, où les locaux parlent encore l’éonavien (l’ancien galicien-asturien). Arrêtez-vous pour contempler le palais de Cienfuegos de Peñalba et dégustez de l’Oscos, un fromage local, à Puerto del Palo. Le sentier redescend ensuite jusqu’au barrage de Salime et traverse Grandas de Salime, la dernière étape dans les Asturies.

Jours 8 à 11

Un calme monastique règne souvent sur les sentiers qui traversent la Galice. Sur le chemin paisible qui mène à la tour de Castroverde, haute de 20 mètres et datant du 14^e siècle, vous traverserez des bois de chênes avant d’apercevoir Lugo, une ville connue pour sa gastronomie, ses vins et ses remparts datant de l’époque romaine.

Jours 12 à 14

Le long des chemins de terre bordés de châtaigniers se succèdent des ruines datant de l’époque romaine tardive, dont celles du temple de Santa Eulalia de Bóveda. Même dans les terres, les fruits de mer galiciens sauront ravir vos papilles : n’hésitez pas à goûter le poulpe grillé dans les villages comme celui de Melide. Point de convergence des chemins du nord et français, la dernière portion de l’itinéraire est plus fréquentée. L’ermitage de San Pedro bordé de chênes et le monument perché au sommet du Monte do Gozo sont des lieux appréciés des groupes qui, émerveillés, s’y arrêtent volontiers pour faire une pause. De là, vous apercevez les flèches de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, votre destination. Une vision qui émeut certains marcheurs aux larmes, qu’elles soient de soulagement ou d’humilité spirituelle.

GUIDE PRATIQUE DES CHEMINS DE COMPOSTELLE

Quelle condition physique faut-il avoir ?

Si certains itinéraires sont plus physiques que d’autres, une certaine préparation est toutefois nécessaire pour effectuer ce pèlerinage de 14 jours. Quelques mois avant le départ, commencez par faire des randonnées de plus en plus longues (jusqu’à 24 km par jour), dans l’idéal avec un sac à dos toujours plus lourd si vous comptez porter votre sac.

Dois-je porter mon sac ?

Seulement si vous le souhaitez. Il n’y a aucune honte à faire appel à Correos (l’équivalent espagnol de La Poste) ou à des entreprises privées comme Pilbeo pour s’occuper du transfert de vos bagages et ainsi n’avoir à porter qu’un sac pour la journée. Comptez entre 5 et 10 € par étape pour un service de prise en charge et de dépôt de vos sacs. Il y a fort à parier que le premier pèlerin à avoir rallié Saint-Jacques-de-Compostelle, le roi Alphonse II, ne portait pas lui-même son paquetage.

Que mettre dans votre sac ?

Prévoyez des vêtements imperméables, de la crème solaire, un chapeau, une gourde, une trousse de premiers secours et des chaussures confortables. Si vous passez la nuit en albergue (les auberges spartiates que vous trouverez le long des chemins de Compostelle), emportez un sac de couchage, une lampe frontale, des boules Quiès, un masque de sommeil et du répulsif pour insectes. N’oubliez pas non plus de prendre des pansements et des chaussettes en laine mérinos.

Où puis-je dormir ?

La plupart des albergues publics sont gérés par les municipalités locales et vous pouvez y dormir pour moins de 10 €. Attention toutefois : il n’est pas possible de réserver. Prévoyez donc pendant la haute saison de réserver un lit dans les albergues privés ou les maisons d’hôtes qui jalonnent les chemins.

Peut-on uniquement parcourir les chemins de Compostelle à pied ?

Non. Le vélo est une option populaire, mais seuls les vététistes expérimentés doivent suivre le Chemin originel. Vous pouvez aussi parcourir les chemins de Compostelle à cheval pour une expérience hors du temps. Cela demande toutefois de l’expérience et de l’organisation, alors n’hésitez pas à réserver votre place pour une randonnée organisée. Le rallye Sail The Way propose quant à lui de rallier certaines étapes du chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle à la voile.

Comment fonctionne le système d’accréditation ?

La « credencial » (passeport du pèlerin) est un document confirmant votre pèlerinage. Vous pouvez l’obtenir auprès de l’Agence française des chemins de Compostelle ou télécharger sa version mobile que vous ferez tamponner physiquement ou virtuellement dans les albergues et autres lieux signalés sur le chemin. Vous devrez la présenter à votre arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle pour récupérer votre Compostela (pour l’obtenir, vous devez prouver avoir parcouru les 100 derniers kilomètres à pied ou les 200 derniers kilomètres à vélo de n’importe lequel des chemins de Compostelle).