Thaïlande : voguez en catamaran sur la mer d'Andaman

Pour explorer le sud-ouest de la Thaïlande et ses îles somptueuses, rien ne vaut la liberté offerte par une croisière à bord d'un petit voilier habitable.

De Farida Zeynalova
Publication 27 févr. 2025, 19:58 CET
Maya Bay

Sur l'île de Ko Phi Phi Ley, Maya Bay figure parmi les plus belles plages de Thaïlande.

PHOTOGRAPHIE DE Peter Orsel, Getty Images

Je n'avais pas prévu de démarrer la journée en giflant une méduse ; difficile de faire autrement sous l'eau, lorsque ces créatures rose pâle aux faux airs angéliques vous entourent par dizaines. Alors qu'elles ondulent autour de moi dans les eaux paisibles de la mer d'Andaman, ma victime accidentelle s'éloigne, impassible, sans se douter que notre rencontre fortuite a plongé mes membres dans une panique incontrôlable, comme un arbre dont les branches s'affolent au passage d'un ouragan.

Au-dessus de l'eau, en revanche, la scène est nettement plus tranquille. Tout autour de moi se dressent d'immenses colonnes de karsts recouvertes de végétation. Ces formations issues de l'érosion du calcaire sont caractéristiques de la côte ouest du sud de la Thaïlande. La falaise à ma droite est particulièrement magique et me semble presque flotter sur l'eau. Elle se jette dans un ciel bleu céruléen strié de nuages roses et violets, tel un géant fantasmagorique qui veille sur les flots alors que j'essaie de naviguer à ses pieds. Seuls les battements d'ailes des oiseaux semblables à la stridulation des criquets et le clapotis des vagues sur notre embarcation se font entendre.

Maya Bay snorkeling

La célèbre Maya Bay était fermée au public entre 2018 et 2022 pour laisser au fond marin le temps de se rétablir des dégâts infligés par les jets d'ancres en série.

PHOTOGRAPHIE DE DanitaDelimont, AWL Images

Il n'est pas encore six heures du matin et nous sommes amarrés quelque part au nord de Maya Bay, une zone protégée appartenant à la petite île inhabitée de Phi Phi Ley. Avec dix autres voyageurs, j'ai embarqué pour une croisière de sept jours organisée par Intrepid Travel à bord du Cataleya, un catamaran de 58 pieds (17,7 mètres). Nous ne sommes qu'au quatrième jour de voyage et j'ai déjà eu la chance de savourer les stalactites aux allures de glace à l'italienne des grottes de Koh Phanak, de pagayer sur les eaux cristallines des îles Hong et d'assister à un coucher de soleil à la beauté presque irréelle sur Railay Beach en compagnie d'une colonie de roussettes.

Maya Bay est sans aucun doute l'une des escales les plus attendues sur notre itinéraire, avec ses falaises spectaculaires et son incroyable plage de sable blanc. Si nous avons enfilé palmes et tubas d'aussi bon matin, sur les conseils avisés de notre capitaine, Rob Williams, c'est pour éviter la cacophonie des bateaux à moteur dont le défilé débutera d’ici une heure ou deux. Tout a changé en 2000 dans la région, lorsque le réalisateur Danny Boyle a intégré plusieurs scènes centrales filmées à Maya Bay dans son adaptation du roman d'Alex Garland, La Plage, avec Leonado Di Caprio dans le premier rôle. Le succès du film a déclenché une période de surtourisme dévastatrice. Certains jours, jusqu'à 4 000 touristes affluaient à Maya Bay en bateau et l'impact répété des ancres sur le fond marin a fini par causer des dégâts catastrophiques. Le gouvernement thaïlandais a finalement décidé d'agir en interdisant l'accès au site entre 2018 et 2022 pour permettre à l'écosystème de se régénérer.

« Je n'ai jamais vu Maya Bay aussi calme de toute ma vie », confie Rob en se laissant bercer par la houle. Le fait d'avoir notre propre bateau présente de nombreux avantages, notamment celui de décider de notre emploi du temps, ce qui explique pourquoi nous avons la chance de découvrir la baie à une heure où beaucoup attendent encore à quai. « C'est une liberté incroyable », déclare Rob qui, en 2009, a quitté un poste stressant dans l'informatique en Afrique du Sud pour prendre un nouveau départ en mer. Je lui demande si cette nouvelle vie le lasse parfois. « Tu te lasserais de respirer ? Crois-moi, chaque jour est encore mieux que le précédent. »

Sur ces sages paroles, je retourne sous l'eau avec mon tuba et je comprends immédiatement ce qu'il entend par là. En quelques secondes, nous apercevons un banc de bourses graffitis (Aluterus scriptus) qui grignote sans retenue les tentacules d'une méduse. Les eaux cristallines nous révèlent tous leurs secrets, de leur drôle de museau à la queue rappelant les nageoires d'une sirène, sans oublier les hachures bleutées dont ils tirent leur nom.

Il y a une extraordinaire profusion de vie marine ici-bas. Plus loin, nous saluons un escadron de sergents-majors aux splendides bandes jaunes et bleu foncé. Nous croisons ensuite la route d'une aiguille-crocodile argentée, puis celle d'un jeune poisson-licorne avec sa nageoire dorsale fluorescente et enfin celle d'un baliste jaune pâle qui semble porter la moustache. Rob nous montre un poisson-scorpion que j'ai du mal à discerner tant il est bien camouflé contre le fond marin, mais les aiguilles venimeuses qui lui valent son sobriquet sont bien là, prêtes à repousser le premier prédateur venu. Nous survolons également un manteau de lumière (Tridacna crocea), un mollusque à l'élégante robe bleu marine et turquoise capable de creuser le récif pour en faire sa coquille.

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    Monkey Beach

    Les résidents de Monkey Beach (la plage des singes, ndlr) émergent fréquemment des forêts qui bordent l'eau.

    PHOTOGRAPHIE DE Anna Jedynak, Getty Images

    L'impact positif de la période de régénération décrétée à Maya Bay nous saute aux yeux. D'après certaines sources, seul 8 % du récif corallien était encore vivant à la fermeture de la baie, contre 70 % il y a trente ans. Depuis 2018, les projets de restauration menés par des étudiants et des bénévoles avec la coopération d'organismes comme Ocean Quest Global et Reef Guardian Thailand ont permis de replanter près de 20 000 fragments de coraux pour reconstruire les récifs dévastés de la baie. La croissance du récif a incité toute une palette de créatures marines à réinvestir ces eaux, indique Rob, et l'écosystème a ainsi retrouvé son équilibre.

    Pour éviter que l'histoire ne se répète, les autorités thaïlandaises limitent désormais le nombre de visiteurs. Les baigneurs et leurs bateaux ne peuvent plus s'approcher du rivage et l'unique accès à la plage se fait dorénavant par un ponton installé à l'arrière de la baie. Lorsque vient l'heure du petit-déjeuner à bord, inspirée par le panorama, je demande à Rob ce que nous pouvons faire pour incarner un tourisme plus durable. « N'oubliez pas ! Observez et appréciez, ne laissez rien d'autre que vos empreintes et ne prenez rien d'autre que des photos », résume-t-il. « Si vous faites ça, tout ira bien. »

     

    LA VIE EN MER

    Il est à peine 6h45 lorsque l'hymne thaïlandais retentit à travers les enceintes de notre cher bicoque. Notre second, Thanongchai Nacovong, surnommé Do, est occupé, comme à son habitude. Cette fois, c'est à remonter l'ancre et à préparer notre départ qu'il s'affaire. La chef à bord, Kanjarin Promsi, ou Ice, se tient dans son étroite cuisine où elle apporte les dernières touches à notre petit-déjeuner : khao tom goong, une soupe riche en saveurs dans laquelle riz, crevettes, cébettes, ail et coriandre barbotent joyeusement dans un délicieux bouillon de volaille. Je me verse un café noir et prends place dans le salon du cockpit pour savourer un moment de tranquillité, en sachant que je serai bientôt appelée à la barre pour aider à sillonner la mangrove de Koh Yao Yai. Il n'est pas obligatoire de se rendre utile pendant la navigation, c'est simplement l'esprit de la vie en mer. Même si cette région du monde est des plus photogéniques, mon téléphone reste sagement cloîtré dans ma cabine.

    Quelques instants plus tard, me voilà à la barre, jumelles au cou, pour manœuvrer le catamaran sous l'œil attentif du capitaine et de son second. Le collier à l'effigie de Bouddha, l'alliance et le chapelet de Do veillent également, ainsi qu'une grande bouteille de thé thaïlandais modestement épicé. Do est thaïlandais, il a 36 ans, navigue depuis ses 18 ans et passe plus d'un tiers de l'année sur l'eau. Il aime tellement la mer, me dit-il en souriant, qu'il a bien l'intention de mener cette vie jusqu'à sa retraite.

    Nous mettons le cap sur le nord en direction de Koh Yao Yai, une île paisible et ses quelques plages bordées de palmiers. Depuis notre départ de Phuket il y a quatre jours, le paysage est resté sensiblement le même. Rob m'explique que la topographie de la région est le fruit d'un phénomène géologique survenu il y a plusieurs millions d'années « entre ici et le Myanamar ».

    Phranang Cave Beach

    À Krabi, au bout de la péninsule de Railay, Phranang Cave Beach est particulièrement renversante au coucher de soleil.

    PHOTOGRAPHIE DE Chris Mouyiaris, AWL Images

    Alors que le vent se lève à mesure que nous progressons vers le nord, Rob s'empare de la barre avec enthousiasme et les nœuds défilent sur le compteur. À l'avant du bateau, il nous montre ce qu'il appelle des chevaux de mer, les traînées blanches des vagues brisées par le vent.

    Juste avant le déjeuner, nous atteignons Ao Son Bay au nord-ouest de Koh Yao Yai. Rob nous conseille de rechausser les palmes pour découvrir ce site fabuleux avant de regagner Phuket… et il n'a pas tort. À peine glissés dans l'eau, nous découvrons une myriade de créatures allant du concombre de mer aux astéries jaune et bleu, en passant par les poissons-perroquets et les algues d'un vert éclatant qui s'accrochent aux coraux.

    De retour à bord, je prends une heure pour me détendre sur le trampoline fixé à l'avant du bateau. Je suis presque endormie lorsqu'une voix aiguë me sort de ma torpeur. Couteau à la main, Ice jaillit de la cuisine tenant dans l'autre main un bol de crème glacée à la mangue tout juste préparée. L'un de mes camarades de voyage vient d'apercevoir un rorqual de Bryde entre les eaux émeraude de Koh Yao Yai et notre prochaine escale, l'île privée de Koh Mai Thon.

    L'animal a fendu l'eau au loin, à tribord, et laisse dans son sillage une traînée soyeuse. La joie sur le visage de notre chef est contagieuse. En dix années de service à bord, ce n'est que la quatrième fois qu'elle aperçoit une baleine. Nous suivons le colosse des mers à bonne distance pendant une dizaine de minutes avant de changer de cap.

    Plus tard dans la journée, nous jetons l'ancre au large de Koh Mai Thon pour explorer la plage du même nom en paddle. Seuls trois bateaux nous tiennent compagnie. La forêt qui recouvre l'île est si dense que la plage est invisible depuis le pont du Cataleya. Un coup de rame après l'autre, nous découvrons ses balançoires, son sable blanc et ses coraux. Qui pourrait résister aux charmes de cette île ? Une chose est sûre, Clinton Washburn y a bel et bien succombé dans les années 1930, allant même jusqu'à en faire l'acquisition pour la proposer aux jeunes mariés en quête d'une destination de rêve pour leur lune de miel. Depuis, l'un des auteurs du magazine Life l'a simplement surnommée Honeymoon Island, ou l'île nuptiale, un nom qu'elle porte encore aujourd'hui.

    Après le dîner, nous regagnons le voilier pour assister au coucher de soleil. Je n'en avais jamais vu d'aussi envoûtant, un subtil mélange de nuances dorées, rouges et orangées. En guise de bande originale, les oiseaux nous offrent leur plus belle prestation depuis les nids installés au creux des roches voisines. Alors qu'il en est peut-être à sa mille et unième représentation, Rob se tourne vers moi et dit : « Tu comprends pourquoi j'aime autant ce métier ? Quelle vue ! » Aurait-il gardé le meilleur pour la fin ?

    Comment s'y rendre ?
    Plusieurs compagnies proposent des vols avec escale vers l'aéroport international de Phuket depuis la France.

    Une fois à Phuket, des lignes de bus relient la ville aux plages les plus populaires. Vous pouvez opter pour les tuks-tuks, mais leurs tarifs sont parfois abusifs. Des taxis jaune et rouge sont également disponibles dans les zones plus fréquentées. Les îles autour de Phuket sont accessibles par speedboat, ferry ou le traditionnel longtail, mais vous également réserver une croisière privée.

    Quand y aller ?
    La région de Phuket bénéficie d'un climat tropical avec des températures clémentes tout au long de l'année, comprises en 25 °C et 34 °C. La période de décembre à mars est idéale pour les sports aquatiques et la plongée, avec une mer calme et une meilleure visibilité sous l'eau. Entre mai et octobre, la région subit souvent de fortes pluies avec une mer agitée.

    Pour en savoir plus
    tourismthailand.org

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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