Transports : l'avenir radieux des trains à grande vitesse en Europe

Face à la forte demande de transport ferroviaire, le développement de voies et de trains bat son plein en Europe et leur utilisation devrait doubler dans les cinq prochaines années.

De Ben Clatworthy
Publication 3 oct. 2024, 17:07 CEST

Dans l'Union européenne, le pourcentage de passagers empruntant les transports ferroviaires a augmenté de 50 % entre 2021 et 2022, favorisant le développement des réseaux ferroviaires à grande vitesse dans toute l'Europe.

PHOTOGRAPHIE DE Steven Granville

En Europe, le transport ferroviaire connaît un regain de popularité sans précédent. Une nouvelle ligne reliant Paris à Bordeaux inaugurée en 2017 a permis de réduire les temps de trajet entre les deux villes, tandis que six autres projets sont en cours pour étendre le réseau TGV, l'extension Bordeaux-Toulouse devant ouvrir en premier en 2032. Les travaux débuteront également au Portugal cette année sur la ligne à grande vitesse entre Porto et Lisbonne. Le premier segment de 143 kilomètres entre Porto-Campanhã et Soure sera construit d'ici à 2028.

L'Espagne est dotée de 4 000 kilomètres de lignes à grande vitesse, ce qui en fait le deuxième plus grand réseau ferroviaire à grande vitesse au monde, dépassé uniquement par la Chine. Deux nouvelles lignes ont ouvert ces trois dernières années alors que d'autres projets, notamment la ligne "Y basque", sont en cours. Le nombre de passagers empruntant les lignes à grande vitesse dans le pays a atteint jusqu'à 23.7 millions de personnes en 2022, soit une augmentation de 76 % par rapport à l'année précédente.

Même plus à l'est, où la connectivité ferroviaire a longtemps été insuffisante, des plans sont en cours pour une révolution ferroviaire. En République tchèque, le gouvernement a élaboré des plans pour de nouvelles lignes à grande vitesse qui relieront les principales villes et seront connectées au réseau européen plus large. Des travaux de construction de six nouvelles lignes, cinq au départ de Prague et une au départ de Brno, commenceront en 2026.

Et une nouvelle voie entre Budapest, en Hongrie, et Belgrade, la capitale de la Serbie, est en cours de construction et la première partie est déjà ouverte, de même qu'une ligne reliant l'aéroport international d'Athènes Elefthérios - Venizélos et Patras, en Grèce.

« L'accent a été mis sur les réseaux à grande vitesse », déclare Christian Wolmar, expert ferroviaire et animateur du podcast Calling All Stations. « Des investissements considérables ont été réalisés dans de nombreux pays européens, ce qui a permis d'améliorer considérablement les services rapides, même si l'inconvénient est que, par endroits, les réseaux existants ont été quelque peu négligés. »

Les autorités bruxelloises ont élaboré des plans audacieux visant à doubler l'utilisation des trains à grande vitesse d'ici 2030 et à tripler le nombre de passagers d'ici 2050. En 2022, l'Union européenne a acté le financement de 135 projets de transport à hauteur de 5.4 milliards d'euros. En juillet dernier, elle a promis 7 milliards d'euros de subventions supplémentaires, en mettant l'accent sur l'infrastructure ferroviaire pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) prévu par l'Union européenne, qui comprend les routes, le rail, le transport maritime et aérien.

D'après Wopke Hoekstra, commissaire européen chargé de l'action pour le climat et les transports, « les projets contribueront à transformer le réseau de transport européen, rendant les modes de transport plus propres, plus efficaces et plus attrayants pour les passagers et le fret, tout en améliorant la sécurité. »

Comme on peut s'y attendre, les acteurs de l'industrie soutiennent ces projets. D'après eux, la demande existe déjà. Dans l'ensemble de l'UE, le trafic ferroviaire de passagers a bondi de 50 % entre 2021 et 2022 en raison de la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 et de la réouverture des frontières. Avec 394 milliards de kilomètres parcourus, l'utilisation du réseau n'a été que de 5 % inférieure à celle de 2019.

Les chiffres devraient encore augmenter en 2024, soutenus en partie par des initiatives telles que l'interdiction de certains vols intérieurs courts en France. Les liaisons pour lesquelles le même trajet peut être effectué en moins de 2h30 en train ne peuvent plus être faits en avion, mais les vols avec correspondance ne sont pas concernés.

 

UNE DEMANDE EN PLEIN ESSOR

« La demande est actuellement supérieure à l'offre », estime Alberto Mazzola, directeur exécutif de la Communauté européenne du rail (CER), un organisme professionnel bruxellois. « C'est particulièrement le cas pour les longues distances, car les gens veulent voyager de manière durable. »

La gare de Paris Gare du Nord est la plus fréquentée d'Europe, connectant directement Paris à des villes comme Londres, Zurich, Bruxelles et Amsterdam.

PHOTOGRAPHIE DE Steve Tulley, Alamy

« Mais on a besoin d'améliorer nos infrastructures et c'est un défi dans certains pays. Même si les investissements ont été importants, nous avons besoin de plus de connectivité transfrontalière et d'une maintenance plus cohérente. »

Le manque actuel de collaboration transfrontalière est un sujet de discorde. « Je pense que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que les trains transfrontaliers pourraient être mieux reliés entre eux », souligne Mark Smith, fondateur de The Man in Seat 61, un site web de conseils sur les voyages en train. « Dans les années 1980, tous les trains allant de Paris au nord de l'Espagne franchissaient la frontière à Irún et se sont connectés aux services espagnols. Aujourd'hui, les TGV allant de Paris à Hendaye, du côté français, ne sont pas autorisés à aller en Espagne et ne peuvent donc pas franchir l'unique arrêt qui les sépare d'Irún. »

La même chose s'est produite entre la France et l'Italie, en raison du manque de coopération. « Il n'y a plus de service direct entre Nice et Milan, les passagers doivent changer à Vintimille. »

La CER souhaite également réformer le mode d'attribution des sillons, c'est-à-dire le créneau horaire et l'itinéraire attribués à un train pour son trajet, et surtout convenir des horaires beaucoup plus tôt.

« En ce moment, nous recevons un préavis d'environ quatre mois », explique Mazzola. « Nous aimerions que les horaires soient fixés un an à l'avance. Cela aiderait les chemins de fer à rivaliser avec les compagnies aériennes. »

Un désir de voyager de manière plus durable, ainsi que l'essor du réseau de trains de nuit en Europe, contribuent aussi à stimuler la demande sur l'ensemble du continent.

L'Eurostar, qui exploite des services transmanche ainsi que des services franco-belges depuis la fusion avec Thalys, a pour ambition de transporter 30 millions de passagers par an d'ici à 2030.

Le nombre de passagers sur les services au départ de Londres en 2023 a augmenté de 38 % vers Amsterdam, de 33 % vers Bruxelles et de 25 % vers Paris. L'Eurostar est par ailleurs confronté à la menace de la concurrence sur la ligne, ce qui sera une bonne nouvelle pour les tarifs, selon Smith. Evolyn, un nouvel opérateur espagnol, a annoncé l'année dernière qu'il avait conclu un accord avec Alstom, le fabricant de trains, pour faire circuler entre douze et seize trains entre Londres et Paris.

Yann Leriche, directeur général de Getlink, qui exploite le tunnel sous la Manche, a déclaré que cet accord confirmait « l'attractivité économique et technique d'Eurotunnel ainsi que l'énorme potentiel de croissance du trafic ferroviaire à grande vitesse. »

Les organisateurs de voyages en récoltent également les fruits. « La France est de loin notre plus gros vendeur par rail, car elle est la plus rapide à atteindre et possède l'un des systèmes ferroviaires les plus fiables d'Europe », explique Kylie Anderson, qui supervise le programme ferroviaire d'Inntravel. Selon elle, les trois itinéraires les plus populaires en France sont ceux qui bénéficient de liaisons directes depuis Paris ou Lille : la Dordogne, la Provence et l'Alsace.

La liaison fréquente entre Paris et Zurich, directe en 4h05, est également appréciée des Britanniques. « Certains optent pour un séjour d'une nuit à Zurich avant d'entreprendre un voyage pittoresque jusqu'à Milan, d'où l'on peut se connecter aux services à grande vitesse dans toute l'Italie », ajoute-t-elle.

Sunvil indique que près de 10 % des vacances qu'elle vend en Espagne sont désormais destinées à des personnes souhaitant prendre le train. « La promotion accrue des vacances sans vol et le développement du réseau européen à grande vitesse ces dernières années ont entraîné une augmentation de la demande », explique Rachel Jelley, directrice des ventes de la société, qui ajoute que le « programme espagnol est celui qui a le plus bénéficié des liaisons à grande vitesse ». Les voyageurs peuvent prendre l'Eurostar le matin au départ de Londres, faire une correspondance à Paris et prendre un TGV en milieu d'après-midi pour arriver à Barcelone à 21h30.

À l'avenir, ils pourront peut-être prendre l'Eurostar jusqu'à Bruxelles et prendre un train de nuit jusqu'à la capitale catalane. Du moins si European Sleeper, le nouvel opérateur de trains de nuit, parvient à ses fins. Il a inauguré un service entre la capitale belge et Berlin en 2023, avant de s'étendre à Prague en mars.

ÖBB, l'opérateur autrichien, a élargi ses lignes de trains de nuit en proposant des trains Nightjet qui sillonent l'Europe. Ils circulent désormais sur des lignes telles que Munich-Bologne, Salzbourg-Florence et Vienne-Rome. Les trains de nuit sont également de plus en plus nombreux en France depuis qu'Emmanuel Macron s'est engagé à relancer les services.

D'autres ont eu moins de succès. Midnight Trains, une jeune entreprise parisienne, avait prévu de lancer des « hôtels sur roues » de la capitale française vers l'Espagne et l'Italie à partir de l'année prochaine. Cependant, en annonçant la « mort du rêve » en juin, Adrien Aumont, co-fondateur, a déploré un secteur qui favorise les opérateurs historiques. Il a exhorté l'UE à « construire un chemin de fer capable d'accueillir de nouvelles entreprises innovantes... afin que d'autres entrepreneurs puissent réussir à créer de nouvelles utilisations et à améliorer l'expérience du voyage en train. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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