Malgré l'interdiction, la viande de chien est toujours en vente au festival de Yulin
Alors que les groupes de défense de la cause animale ont célébré la rumeur d'une interdiction, de nouvelles vidéos indiquent que les ventes se sont poursuivies.
Le tristement célèbre festival chinois à l'origine du massacre de milliers de chiens chaque année n'a pas appliqué l'interdiction de vente de viande de chien tant espérée, indignant ainsi les défenseurs de la cause animale.
« Il y a de grandes chances que l'interdiction affichée des ventes de viande de chien dans la ville de Yulin le jour du solstice d'été ne sera pas appliquée », a déclaré dans un communiqué Irene Feng, directrice responsable du bien-être des chats et chiens pour Animals Asia. « Nous sommes toutefois convaincus que le gouvernement en a eu assez et souhaite que la ville de Yulin ne soit plus associée à travers le monde à la pratique minoritaire de consommation de viande de chien. »
En mai, les organisations de défense de la cause animale Humane Society International et Duo Duo Animal Welfare Project avaient fait savoir que les fonctionnaires de Yulin envisageaient d'interdire la vente de viande de chien lors du festival de viande de chien de la ville.
Lancé en 2010, le festival a aussitôt acquis une très mauvaise réputation. En Chine et dans le monde entier, les organisations de défense des droits des animaux ont accusé l'événement du massacre de milliers de chiens et de chats, parmi lesquels de nombreux animaux de compagnie perdus ou volés.
Selon les organisations, l'interdiction devait interdire la vente de viande de chien à compter du 15 juin, soit une semaine avant le lancement du festival le 21 juin. Les contrevenants à l'interdiction auraient encouru un risque d'arrestation et des amendes pouvant aller jusqu'à 13 200 €. (National Geographic n'a pour sa part pas été en mesure de confirmer de manière indépendante les déclarations de ces organisations).
Cependant, des photos et vidéos obtenues par les défenseurs de la cause animale indiquent que se procurer de la viande de chien reste un jeu d'enfant à Yulin.
L'une des vidéos, filmée par Marc Ching de l'organisation américaine Animal Hope and Wellness Foundation, montre une promenade dans Nanqiao, l'un des marchés de viande de chien de Yulin.
Dans cette vidéo Facebook filmée en direct le 16 juin, Marc Ching parcourt les allées du marché, tandis que sa caméra balaie les stands débordant de dizaines de carcasses de chiens. Des enseignes aux couleurs vives signalent des « chiens noirs fraîchement abattus » et des « carlins élevés localement ». Et pourtant, comme le souligne le défenseur des droits des animaux, le 16 juin était censé être le deuxième jour de l'interdiction supposée.
D'autres images transmises par l'organisation Animal Hope and Wellness Foundation à National Geographic montrent un scooter chargé de chiens vivants entassés dans des cages. Dans cette vidéo, également datée du 16 juin, Marc Ching affirme que le scooter était en route pour Yulin.
« Ce qui est vraiment terrible, c'est qu'habituellement tout le monde mène une lutte et tente de faire pression sur le gouvernement afin que des mesures soient prises. Cette année, il n'y a rien eu de tout cela puisque les gens ont cru que c'était terminé », explique Marc Ching dans la vidéo Facebook. « Même lorsque nous nous sommes rendus au Congrès afin de discuter du festival et du projet de loi intitulé H.Res. 30 avec les législateurs, nombreux sont ceux qui nous ont rétorqué : "pourquoi le faire adopter alors même que le festival a fermé ses portes ?" »
H.Res. 30, un projet de loi déposé à la Chambre des représentants des États-Unis par le député Alcee Hastings (élu démocrate de Floride), ferait office de dénonciation officielle du festival de Yulin de la part des États-Unis. Le projet de loi décrit le festival comme « un spectacle d'une extrême cruauté envers les animaux » et « exhorte le Congrès national du peuple chinois à promulguer une loi contre la cruauté animale dont les dispositions interdisent tout commerce de viande de chien ».
UNE INTERDICTION QUI N'EN EST PAS UNE
Peter Li, spécialiste en matière de politique chinoise chez Humane Society International, a déclaré à National Geographic par e-mail que suite aux rumeurs d'interdiction, Humane Society International et Duo Duo Animal Welfare Project avaient reçu à plusieurs reprises la confirmation de l'avancée de l'interdiction. Il déclare désormais que l'interdiction a été récemment édulcorée, selon les dires de sources locales qui auraient parlé aux vendeurs de viande de chien.
Selon Peter Li, l'interdiction a été abandonnée le 13 juin, deux jours avant le début annoncé de l'interdiction et suite à la rencontre de plusieurs commerçants de ladite viande et cinq départements gouvernementaux de Yulin.
« Lors de cette réunion, les vendeurs ont menacé le gouvernement et se sont élevés contre l'interdiction au moyen d'arguments du type : "Si nous ne vendons pas de viande de chien pendant sept jours, nous nourrirez-vous, nous et nos familles ?" », explique le spécialiste. « Les commerçants ont réclamé des compensations pour compenser les pertes commerciales. »
En contrepartie, Peter Li affirme que le gouvernement de Yulin a accordé une concession de taille aux vendeurs. Plutôt que de faire cesser complètement toute vente de viande de chien, il a simplement suggéré aux vendeurs de ne pas exposer de viande de chien sur leurs stands pendant sept jours. Dans les commentaires qui ont fait suite le 19 juin, Peter Li a déclaré que les vendeurs avaient désormais obtenu l'autorisation de vendre mais ne pouvaient pas exposer plus de deux chiens morts par stand.
« Il s'agit d'une bien triste évolution de la part des autorités de Yulin qui se plient aux intérêts des vendeurs de viande de chien », ajoute-t-il. « Ce revirement a envoyé un très mauvais message aux vendeurs. »
D'après Peter Li, les autorités locales travaillent à empêcher l'étalage public de viande de chien. Il a transmis une vidéo à National Geographic qui semble indiquer une présence policière accrue sur le marché de Nanqiao le 16 juin, jour de la vidéo Facebook de Marc Ching.
Si les organisations de défense des animaux s'accordent visiblement sur le fait que l'interdiction ne se soit pas concrétisée, l'exactitude du récit de Peter Li ne fait pas l'unanimité. Valarie Ianniello, directrice générale de l'organisation Animal Hope and Wellness Foundation, conteste les dires de ce dernier au sujet de la réunion du 13 juin et évoque des comptes-rendus précédents trahissant une interdiction « de toute évidence fausse ».
« Cela semble plutôt s'aggraver que s'améliorer », dit-elle en signalant le prix relativement élevé de la viande de chien (environ 1,80 € pour moins de 500 grammes, selon elle) qui, d'un point de vue financier, incite fortement les commerçants à continuer.
D'après des reportages de médias chinois évoqués par Radio Free Asia et Animals Asia, le gouvernement de Yulin nie l'existence d'une telle interdiction. Cependant, Radio Free Asia rapporte que les autorités locales ont bel et bien déconseillé aux vendeurs de viande de chien d'afficher publiquement leurs marchandises.
LOIN D'ÊTRE LE SEUL
Les défenseurs de la cause animale soulignent le fait que, si le festival de Yulin constitue un exemple frappant de la cruauté de ce commerce, il est loin d'être le seul.
Selon les estimations de Humane Society International, bien que l'opinion publique en Chine se soit dressée contre la consommation de viande de chien, notamment chez les jeunes générations, environ 10 millions de chiens et 4 millions de chats sont toujours massacrés chaque année en Chine afin d'être mangés.
« L'attention internationale portée au festival de Yulin une semaine par an est en passe d'occulter le problème beaucoup plus vaste lié aux activités du commerce de la viande de chien qui ont lieu chaque jour de l'année à travers tout le pays », a déclaré Feng, directeur responsable de la défense des chats et des chiens chez Animals Asia. « C'est là le vrai problème qu'il convient de traiter au moyen d'une approche cohérente et holistique ; il ne peut être résolu en l'espace d'une semaine. »