Les secrets des oiseaux migrateurs
Comment fait le peuple migrateur pour couvrir d’aussi longues distances sans s’épuiser ? Réponse en quatre stratégies évolutives.
Les oiseaux migrateurs ont une existence mystérieuse : la moitié de l’année, nous perdons leur trace pour les voir réapparaître au printemps. Durant longtemps, les savants ont pensé qu’ils se transformaient, disparaissaient ou atteignaient la Lune. Aujourd’hui, les techniques modernes de suivi des animaux (puces RFID, balises GPS) lèvent le voile sur leur vie de migrants. Comment trouvent-ils la force pour voler des milliers de kilomètres ? Voici quelques-uns de leurs secrets.
VOLER SANS FAIRE D'ESCALE
En 2007, des chercheurs ont capturé plusieurs barges et les ont équipées de balises satellitaires. Le groupe a été suivi lors de sa migration vers le nord, entre mars et mai. Les batteries des transmetteurs n’étaient pas censées dépasser l’été et, comme prévu, les balises se sont éteintes l’une après l’autre. Sauf une. Le 30 août 2007, la barge nommée « E7 » a quitté l’Alaska, sa balise indiquant encore sa position. Les chercheurs ont suivi la progression de l’oiseau, par-delà Hawaii, puis les Fidji. Le 7 septembre, la barge a dépassé l’extrémité nord-ouest de la Nouvelle-Zélande. La batterie était alors à deux doigts de lâcher, mais E7 a fini par se poser dans la baie de l’océan Pacifique Firth of Thames. Une distance totale de 11 500 km parcourue en sept jours et huit nuits. Et un nouveau record : celui du plus long vol migratoire sans étape jamais enregistré à ce jour.
VOYAGER DANS LES HAUTES ALTITUDES
Les oies à tête barrée se reproduisent dans les régions montagneuses d’Asie centrale, survolant l’Himalaya pour aller hiverner dans les lacs et les estuaires du sous-continent indien. Elles sont donc capables de voler dans l’air raréfié des hautes altitudes. L’accomplissement de cet exploit est rendu possible grâce à leur hémoglobine. Sa particularité ? Les molécules qui la composent ont une plus forte affinité avec l'oxygène que celles du sang des autres oies. Des études ont également montré que leur respiration est plus efficace et qu'elles sont capables de réduire leurs pertes thermiques.
RÉGULER SON SOMMEIL
Des chercheurs allemands de l’Institut Max-Planck se sont rendus aux Galápagos pour étudier le sommeil des frégates du Pacifique. Avec leurs ailes de plus de 2 m d’envergure, celles-ci volent sur des centaines de kilomètres au-dessus de l’océan, en quête de nourriture. L’équipe a capturé des frégates dans leur nid. Elle leur a implanté des capteurs, afin de suivre leur activité cérébrale, et collé des appareils d’enregistrement de données sur la tête, avant de les relâcher. Après dix jours au-dessus du Pacifique, les frégates ont regagné leurs nids, et les chercheurs ont récupéré les appareils. Résultat ? Les frégates dormaient en volant, par courtes séquences, d’une durée moyenne de douze secondes, et le plus souvent en planant, pour un total moyen de quarante-deux minutes par jour. Soit bien moins que les douze heures quotidiennes de sommeil quand les oiseaux sont au nid. Plus fort encore : durant une bonne partie du temps où elles somnolaient en l’air, les frégates ne mettaient en sommeil que la moitié de leur cerveau, gardant l’autre éveillée.
SE DÉLESTER DE SON PROPRE POIDS
Certains oiseaux migrateurs sur longue distance, tel le bécasseau maubèche, réduisent la taille de leur gésier et d’autres organes en vue du vol. Ce qui revient quasiment à jeter par-dessus bord des charges inutiles ! Le bécasseau maubèche ressemble beaucoup à la barge. Lui aussi se reproduit dans l’extrême nord et vole des milliers de kilomètres vers le sud pour passer l’hiver. Il cherche sa nourriture sur les plages, plongeant son bec mince dans la vase pour y trouver des mollusques. Mais l’espèce semble souffrir du réchauffement climatique. Les nouvelles générations sont plus petites, avec des becs plus courts, ce qui limite l’accès aux mollusques.
Dans le numéro de mars 2018 du magazine National Geographic, notre dossier sur les incroyables aptitudes des oiseaux migrateurs.