Les oxudercinae, ces drôles de poissons qui se reproduisent hors de l'eau

Ces poissons aux yeux exorbités s'accouplent dans la boue et ajustent les niveaux d'air et d'eau nécessaires à l'éclosion des œufs.

De Patricia Edmonds
Photographies de Thomas P Peschak
Quelques dizaines d'espèces d'oxudercinae vivent dans les écosystèmes des mangroves et des zones marécageuses du monde ...
Quelques dizaines d'espèces d'oxudercinae vivent dans les écosystèmes des mangroves et des zones marécageuses du monde entier, y compris sur la côte du Koweït, où il a fallu au photographe chevronné Thomas P. Peschak (National Geographic) « de nombreuses heures, immobile dans la boue, pour photographier la parade nuptiale » de ce poisson.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic. S'abonner au magazine.

Étudier ces poissons aussi extraordinaires qu'insaisissables n'est pas une mince affaire. La littérature scientifique décrivant les différentes espèces d'oxudercinae n'en est, de fait, qu'à ses balbutiements - et ce qui est connu est pour le moins singulier. Exemple : les spécimens d'une des espèces d'oxudercinae gardent leurs yeux humides en les rétractant profondément dans leurs orbites puis en les ressortant - d'où leur nom, Boleophthalmus, qui signifie littéralement « œil projeté ».

Quand la période de reproduction arrive pour ces poissons amphibies dans les zones tropicales intertidales, le mâle s'adonne à une parade nuptiale flamboyante, jouant des nageoires et bondissant dans les airs. Si une femelle est impressionnée, elle suit le mâle jusqu'à un terrier pour procréer loin des regards indiscrets. Mais grâce à un endoscope, l'équipe d'Atsushi Ishimatsu, de l'Université japonaise de Nagasaki, a pu capturer des images de la reproduction de ces singuliers animaux.

Quand il est temps pour les oxudercinae de se reproduire, les mâles tentent d'attirer les femelles en jouant des nageoires. Ils sautent également de façon spectaculaire dans l'espoir d'attirer l'attention de partenaires à de plus grandes distances.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak

Le mâle construit tout d'abord un terrier qui lui servira de nid. Un ou plusieurs conduits mènent à une chambre qui se remplit en partie d'eau mais dont le plafond en forme de dôme laisse suffisamment d'espace pour la formation d'une poche d'air. La femelle dépose ses œufs au plafond et le mâle les féconde. Une fois la femelle partie, le mâle s'occupe des œufs pendant les quelques jours de gestation. Pour maintenir le niveau d'oxygène dont les œufs ont besoin, le mâle nage à la surface, avale de l'air, puis revient dans le terrier pour l'expirer, et ainsi de suite. Karen LM Martin, consœur d'Ishimatsu, a conclu en visionnant les images prises par le chercheur qu'un mâle pouvait prendre « environ 100 respirations » pour créer une bulle d'air.

Le futur papa parvient à garder une notion du temps et des marées et sait quand aller chercher un peu d'air pour sa progéniture en devenir. Enfin, l'eau se déverse, déclenchant l'éclosion des larves. Les juvéniles remontent du terrier et s'éloignent pour vivre leur vie.

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