Akashinga : la guerre de l’ivoire
Au Zimbabwe, une unité d’élite 100 % féminine lutte contre le braconnage. Le quotidien de ces femmes rangers est raconté dans un court-métrage documentaire événement produit par James Cameron, et diffusé gratuitement sur YouTube ce mardi 30 juin à 18h30.
Petronella Chigumbura, membre des Akashinga - une unité anti-braconnage 100 % féminine - en reconnaissance dans la brousse zimbabwéenne.
Les premières lueurs du jour illuminent le sommet d’une colline offrant une vue panoramique sur la réserve faunique de Phundundu, au Zimbabwe. Des soldats s’avancent dans les hautes herbes brûlées par le soleil. Des rangers lourdement armés en mission de reconnaissance. Des armes de guerre dans des mains fines et fortes : ces soldats sont toutes des femmes.
Dans cette région du Zimbabwe, l’urbanisation exponentielle des villes et la perte d’habitat corollaire entraîne nombre de conflits Hommes-faune sauvage. Les grands prédateurs dont les proies se font rares et dont les couloirs de migration disparaissent peu à peu, ne peuvent parfois pas éviter les Hommes. Et ces derniers se retrouvent face à la faune qui les a précédés, non sans risques.
À cette cohabitation forcée s’ajoute la menace persistante du braconnage, qui fait planer sur nombre d’espèces déjà acculées par les changements environnementaux et climatiques, l’ombre d’une extinction prochaine.
Les rangers s'entraînent à manier des fusils. Si certains écologistes soutiennent que l'armement de ces femmes augmente la menace de violence, le fondateur d'Akashinga Damien Mander n'est pas du même avis. « Pour les femmes, [le fusil] est un outil. Pour les hommes, c'est un jouet », dit-il.
Le Zimbabwe abrite une faune très diverse, et notamment les « Big Five », la courte liste des espèces incontournables de la mégafaune : lions, léopards, éléphants, buffles d'Afrique et rhinocéros. Inventée à la fin du 19e siècle alors que l'Afrique était encore colonisée, cette expression fait référence aux trophées que les chasseurs considéraient comme les plus difficiles à obtenir. La chasse aux trophées, si elle est toujours pratiquée, est de moins en moins proposée, les touristes préférant majoritairement les offres de safaris.
Ces femmes rangers, les Akashinga (« les braves » en langue shona) se sont engagées pour défendre –notamment– ces mammifères emblématiques encore largement traqués pour leurs défenses, leurs peaux ou des parties de leurs corps, pour répondre essentiellement à la demande de la médecine traditionnelle chinoise.
Damien Mander, un ancien soldat des forces spéciales australiennes, a fondé cette unité anti-braconnage exclusivement féminine en 2017. Il a formé ces gardes forestières coriaces et déterminées au combat au corps à corps, au maniement des armes et aux descentes musclées. Après avoir formé des gardes pendant des années, Damien Mander en est venu à la conclusion que les femmes étaient plus aptes à désamorcer des situations violentes et étaient moins sensibles à la corruption.
Primrose Mazuru joue avec sa fille lors d'une permission. Comme beaucoup d'Akashinga, Primrose Mazuru était dans une relation abusive avant de devenir garde forestière. Avec d'autres rangers, elle reçoit maintenant des conseils pour (re)construire l'estime de soi.
De fait, ces femmes font un travail autrefois réservé aux hommes. Un travail des plus dangereux, qui implique de faire face à des hommes armés, décidés à abattre tout ce qui pourrait les empêcher de s’attaquer aux éléphants et de faire main basse sur leurs précieuses défenses.
Beaucoup d’entre elles sont des femmes que les hommes ont malmenées. Certaines sont veuves. La plupart sont mères de jeunes enfants qu’elles souhaitent élever dans un plus grand respect de la nature et de ses habitants. Toutes cherchent un moyen digne de gagner leur vie. Ces femmes en difficulté trouvent dans le programme Akashinga bien plus qu’un moyen de subsistance, un moyen d’exister.
« Je suis prête à tout sacrifier pour protéger la faune sauvage » assure Petronella Chigumbura, l’une des membres de cette unité d’élite, aujourd’hui en charge du recrutement et de la formation des rangers.
Le court-métrage documentaire « Akashinga : la guerre de l'ivoire » suit ladite formation, militaire, dure, exigeante. Les jeunes femmes apprennent à se battre, à disparaître. Leurs tresses et longs cheveux crépus sont rasés pour donner à cette armée de femmes un seul et même visage, celui de la détermination et du courage face à l’adversité.
Rendez-vous mardi 30 juin à 18.30 sur notre chaîne YouTube pour découvrir ce documentaire en avant-première. Akashinga : la guerre de l'ivoire sera disponible dès le lendemain sur MyCanal. Activez un rappel pour être informé.e de sa mise en ligne : https://bit.ly/2ZjJcIX
« Si vous devenez Akashinga, on brûlera vos maisons, on vous violera, on détruira vos familles » : voilà le mantra des braconniers, qui menacent les femmes souhaitant rejoindre l'unité d'élite. « Mais au fond de moi, quand je les vois persécuter et braconner nos animaux, j’ai envie de les arrêter et de les punir. J’aime ces éléphants comme mes enfants. Je me dois de les protéger comme mes propres enfants » explique Petronella Chigumbura.
Quand le groupe a été formé, il comptait 16 femmes rangers. Aujourd’hui il en compte une centaine. Bientôt, elles seront 240.
Alors que la sixième extinction massive a déjà commencé et qu’il reste à l’Homme très peu de temps pour inverser une trajectoire cataclysmique, ce documentaire rappelle l’importance de raconter avec force les initiatives de conservation. Celles qui, en protégeant la nature, protègent la notion même d’espoir.
« Pendant trop longtemps, nous avons été aveuglés par notre ego, refusant de voir que la plus grande force de la nature, c’est l’instinct de protection des femmes » explique Damien Mander. « Des femmes comme ça peuvent tout changer ».
On le leur souhaite ardemment.