Malgré le dégoût qu'ils nous inspirent, les parasites sont indispensables à leurs écosystèmes

Virus, guêpes ou fleurs sauvages, les parasites sont les maillons essentiels d'un réseau trophique en bonne santé.

De Troy Farah
Publication 12 oct. 2021, 14:58 CEST
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Des vers plats parasites s'accrochent à la nageoire caudale d'un tilapia bleu.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, National Geographic Photo Ark

Chez la plupart d'entre nous, les parasites provoquent le dégoût. Qui se risquerait à partager son corps avec l'une de ces créatures ? La simple évocation du mot « parasite », dont la racine grecque signifie « qui mange auprès de », suffit à nous faire frissonner.

Cela dit, le parasitisme mérite une certaine reconnaissance en tant que « forme de vie au succès exceptionnel, » déclare Jimmy Bernot, biologiste de l'évolution au musée national d'histoire naturelle des États-Unis, à Washington. Animaux, plantes, champignons, bactéries ou virus… tous peuvent être des parasites, des chauves-souris vampires aux poissons-pêcheurs des abysses, chez qui les minuscules mâles s'accrochent aux femelles pour ne plus jamais les quitter.

Le parasitisme est une forme de symbiose, une relation étroite entre deux organismes. Alors que certains parasites, appelés parasitoïdes, se révèlent mortels pour leurs hôtes, la plupart ne provoquent pas de problèmes majeurs. D'autres iront même jusqu'à protéger leurs hôtes contre des parasites tiers, comme les virus qui protègent les bactéries des antibiotiques. Mauvaise nouvelle pour les adeptes de la pénicilline, bonne nouvelle pour le petit pathogène.

Les parasites glanent des nutriments de différentes façons : certains s'attaquent directement au sang ou à la peau de leur hôte, ce sont les ectoparasites. D'autres, les endoparasites, s'installent tout simplement dans l'organisme de leurs hôtes, comme le ténia ou les œstres.

Il n'existe pas d'estimation solide du nombre d'espèces parasites peuplant la planète, mais pour certains experts elles seraient bien plus nombreuses que les animaux vivant « librement » et la plupart des parasites n'auraient pas encore été découverts.

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Un homme tente de retirer une sangsue dans la zone protégée de la vallée du Danum sur l'île de Bornéo, en Malaisie.

PHOTOGRAPHIE DE Mattias Klum, Nat Geo Image Collection

Les parasites ont réussi à infiltrer les moindres recoins du vivant, il n'y a donc rien d'étonnant à ce que leur stratégie ait vu le jour il y a bien longtemps. La première trace d'une interaction hôte-parasite dans la chronique fossile est celle d'un ver dérobant la nourriture d'un brachiopode il y a plus de 515 millions d'années.

« Lorsque nous étudions des réseaux alimentaires ou écologiques, il nous arrive de découvrir que les parasites représentent plus de la moitié des liens entre les espèces, » témoigne Mackenzie Kwak, parasitologiste à l'université nationale de Singapour. « Si vous cherchez la colle qui assure la cohésion de ces écosystèmes, ce sont les parasites. »

 

DES SANGSUES, ET APRÈS ?

La sangsue est peut-être la plus célèbre des parasites. Il en existe environ 700 espèces, mais la moitié seulement se nourrit de sang. Ce type de ver vit partout sur la planète à l'exception de l'Antarctique terrestre, même les océans qui entourent le continent polaire sont peuplés de sangsues dont les tentacules ont des allures de doigts squelettiques.

Les parasites ne manquent pas d'ingéniosité. Prenons par exemple la mouche du crapaud, qui préfère vivre dans les narines des amphibiens, ou Cymothoa exigua, une créature marine qui s'accroche à la langue des poissons et le seul exemple à ce jour de parasitisme menant au remplacement complet d'un organe de l'hôte.

En plus de vivre aux dépens de leurs hôtes, les parasites ont développé des techniques visant à les stériliser, à pirater leurs systèmes immunitaires ou encore à modifier leur comportement. Ainsi, certains champignons Cordyceps transforment leurs hôtes-insectes, comme les fourmis, en véritables zombies : ils les forcent à prendre de la hauteur avant de les tuer. Pourquoi leur infliger une telle ascension finale ? Pour favoriser la dispersion des spores du champignon qui en retombant infectent de nouveaux insectes et poursuivent leur cycle infernal. 

Certains parasites volent des ressources de manière indirecte. Le coucou gris pratique par exemple le parasitisme de couvée qui consiste à profiter d'un autre organisme pour élever sa progéniture. En déposant ses œufs dans le nid d'un autre oiseau, il contraint ce dernier à nourrir des oisillons qui ne sont pas les siens.

 

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    PETIT, MAIS COSTAUD

    Malgré leur petite taille, certains parasites ont des effets colossaux sur leurs écosystèmes. Le modeste petit rhinanthe, Rhinanthus minor, est une plante parasite européenne qui enfonce ses racines dans les herbes et les vide de leur eau.

    « Pour résumer, lorsqu'il n'y a pas de petit rhinanthe dans une prairie de fleurs sauvages, elle se transforme en pelouse, » explique Kwak. « Mais en présence de petit rhinanthe, ces herbes hautement compétitives sont affaiblies et une incroyable diversité de fleurs se développe alors dans la prairie. »

    En remplaçant les herbes par des fleurs sauvages, le petit rhinanthe ouvre également la voie aux insectes pollinisateurs, qui en retour attirent les oiseaux et les amphibiens.

    « Ce parasite pose les fondations qui soutiennent l'ensemble de la prairie de fleurs sauvages et permettent à ces fleurs fragiles de faire de la résistance, » déclare Kwak.

     

    PARASITES EN SÉRIE

    On appelle hyperparasite un parasite qui parasite un autre parasite et ce phénomène est relativement fréquent. C'est notamment le cas de la guêpe parasite Hyposoter horticola, elle-même parasitée par Mesochorus cf. stigmaticus, une autre guêpe qui pond ses œufs dans les larves de la première.

    Dans de rares cas, il peut même exister des hyper-hyper-parasites, comme un champignon sur un champignon sur un champignon sur un arbre. En Nouvelle-Zélande, le champignon Rhinotrichella globulifera se nourrit des parties mortes du champignon Hypomyces c.f. aurantius, qui à son tour dévore le champignon polypore Fomes hemitephrus,, qui colonise le hêtre.

     

    LONGUE VIE AUX PARASITES 

    Malgré leur rôle crucial, les parasites sont « bizarrement négligés », indique Jessica Stephenson, professeure à l'université de Pittsburgh où elle étudie l'évolution du parasitisme.

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    Un champignon du genre Ophiocordyceps jaillit du cadavre de son hôte, une fourmi.

    PHOTOGRAPHIE DE Anand Varma, Nat Geo Image Collection

    Par exemple, les programmes de conservation ignorent bien souvent ces organismes. Les parasites sont plus vulnérables que d'autres organismes, surtout face au changement climatique. Tout d'abord, il y a les conséquences directes de la hausse des températures, qui a déjà causé par le passé plusieurs extinctions massives. Mais si un seul hôte accueillant plusieurs parasites venait à disparaître, cela pourrait mettre fin à l'existence de multiples espèces parasites en un seul coup.

    « Étant donné leur hyperdiversité, cela voudrait dire que les parasites représentent la majorité des espèces en voie de disparition, » écrivaient en 2020 Kwan et ses coauteurs dans une étude appelant à un « plan mondial de conservation des parasites. » L'article évoque différentes façons de protéger les parasites, par exemple en les listant parmi les espèces menacées. 

    « Pour chaque animal menacé, je trouve des parasites co-menacés et ce sont souvent de nouvelles espèces, » témoigne Kwak.

    Il figurait notamment parmi les premiers à s'intéresser à la tique menacée du pangolin (Amblyomma javanense), qui vit sur le pangolin javanais, un animal en danger critique d'extinction vivant en Asie du Sud-Est. Il a également donné son nom à l'un des parasites les plus rares d'Australie, Stephanocircus domrowi surnommé goblin flea (puce gobelin, ndlr), baptisé ainsi en référence à son hôte en danger critique d'extinction, le phalanger de Leadbeater ou fairy possum en anglais (oppossum féérique, ndlr).

    L'étude précise que ces efforts de conservation ne s'appliqueraient pas aux parasites de l'Homme ou du bétail, comme le ver de Guinée qui provoque une maladie invalidante dans laquelle le ver émerge de la peau du malade.

    Cependant, pour une foule d'autres cas, reprend Kwak, « ces espèces ne sont pas nécessairement néfastes pour leurs hôtes. Ce sont de simples passagers dans le long voyage de l'évolution. L'intégrité et la stabilité de l'écosystème suffisent à justifier leur protection. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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