Afrique du Sud : vers une fin de la captivité des lions ?

Le ministère de l’environnement du pays prévoit de cesser la délivrance de permis pour élever, détenir, chasser ou interagir avec des lions élevés en captivité.

De Rachel Fobar
Photographies de Nichole Sobecki
Publication 4 mai 2021, 16:03 CEST, Mise à jour 7 mai 2021, 11:05 CEST
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En 2019, plusieurs lions de la Pienika Farm, située dans la province du Nord-Ouest, ont été découverts dans un état déplorable. Ils souffraient de gale, de malnutrition et de négligence. Jan Steinman était le propriétaire de ces animaux. À cette époque, il était membre du conseil de la South African Predator Association. Les défenseurs du bien-être animal ont déclaré qu’il ne s’agissait pas un évènement isolé. Dans le pays, plus de deux-cent-cinquante fermes de ce genre détenaient des lions mal en point.

PHOTOGRAPHIE DE Nichole Sobecki

L’Afrique du Sud a entrepris de mettre fin à l’industrie de l’élevage des lions, qui représente des millions de dollars. Elle fournit des lionceaux pour le tourisme, des lions pour servir la chasse aux trophées et des os pour la médecine traditionnelle.

Au cours d’une déclaration le 2 mai dernier, Barbara Creecy, ministre sud-africaine de l’environnement, des forêts et des pêches, a reconnu que « l’industrie des lions élevés en captivité ne contribu[ait] pas à la conservation et nui[sai]t à la réputation de l’Afrique du Sud en matière de conservation et de tourisme ».

Le gouvernement va cesser la délivrance de permis pour élever, détenir, chasser ou interagir avec des lions élevés en captivité. Les permis actuellement dispensés seront révoqués. Plusieurs facteurs auraient influencé cette décision, notamment l’opposition croissante du public à cette industrie. En outre, elle favoriserait les liens entre le commerce légal et illégal d’os de lion. Aussi, le public se voit de plus en plus alerte des risques de transmission de maladies des animaux aux humains.

On estime entre 6 000 et 8 000 le nombre de lions en captivité dans des propriétés privées au sein du pays. Toutefois, Ian Michler, directeur de Blood Lions, une organisation à but non lucratif qui vise à stopper l’industrie des lions captifs, estime ce nombre à près de douze-mille.

Près de 2 000 lions sauvages parcourent les terres sud-africaines et on estime que le continent en abrite près de vingt-mille. Au cours du dernier quart de siècle, leur population a chuté de près de moitié. Leurs habitats ont été divisés et leurs proies, telles que les antilopes, se font rares. Parallèlement, les lions se retrouvent davantage en contact avec les communautés rurales, des expériences qui se terminent tragiquement pour les deux parties. Aussi, selon Mme Creecy, le commerce légal des pièces de lions captifs pourrait être responsable d’une augmentation du braconnage des populations sauvages.

Des rapports concernant l’industrie des lions en captivité en Afrique du Sud ont prouvé que ces animaux étaient généralement détenus dans des conditions inhumaines, notamment dans des enclos surchargés, malnutris et négligés.

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Le ministère sud-africain de l’environnement, des forêts et des pêches a interdit la délivrance de futurs permis pour élever, détenir, chasser ou interagir avec des lions élevés en captivité. Cette mesure permet également de révoquer les permis d’élevage en vigueur.

PHOTOGRAPHIE DE Nichole Sobecki

L’annonce de la ministre est considérée comme une véritable victoire, tant pour les défenseurs de l’environnement que pour ceux du bien-être animal. « Des milliers de lions d’élevage naissent chaque année dans [un monde qui leur promet] une vie misérable en Afrique du Sud, au sein d’installations d’élevage », déplore Edith Kabesiime, responsable de la campagne pour la faune sauvage au sein de l’organisation à but non lucratif World Animal Protection. « Cette mesure prise par le gouvernement sud-africain est courageuse. Il s’agit des premiers pas vers engagement pour un changement durable et significatif. C’est une victoire pour la faune sauvage. »

Dans certains élevages de lions en captivité, les touristes paient pour caresser, nourrir au biberon et prendre des selfies avec des lionceaux mais aussi pour se balader aux côtés d’animaux plus âgés. Selon ses détracteurs, ce type de tourisme interactif conduit à des abus et à des pratiques d’élevage inhumaines, telles que la reproduction rapide : les lionceaux sont séparés de leur mère très tôt afin qu’ils atteignent leur maturité sexuelle plus rapidement.

Un grand nombre de lions élevés en captivité sont vendus à des établissements de chasse lorsqu’il arrive à la fin de leur vie. Selon M. Michler, ils sont abattus par des chasseurs de trophées, parfois dans le cadre de chasses closes, dans des zones délimitées par des clôtures. Les chasseurs de trophées conservent les peaux et les têtes des animaux. Les os, quant à eux, sont souvent exportés en Asie pour la médecine traditionnelle.

Un quota annuel a été fixé par l’Afrique du Sud pour l’exportation légale de squelettes de lions. Toutefois en 2018, le National Council of Societies for Prevention of Cruelty to Animals d’Afrique du Sud a intenté un procès afin de mettre fin à ces pratiques. Cette année-là, le gouvernement a pratiquement doublé le quota d’exportation fixé par le ministère, passant de 800 individus à 1 500.

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    LES RECOMMANDATIONS DES EXPERTS ACCEPTÉES

    En octobre 2019, Barbara Creecy a rassemblé un panel afin de réviser les politiques relatives à la gestion, l’élevage, la chasse et le commerce des éléphants, lions, léopards et rhinocéros d’Afrique du Sud. Dans un rapport de près de 600 pages présenté en décembre 2020, le panel a préconisé de mettre fin immédiatement aux chasses closes et aux interactions touristiques avec des lions captifs (y compris avec les lionceaux), en plus d’interdire leur détention, leur élevage et la vente de parties de leurs corps. Ils recommandent aussi la destruction des réserves d’os de lions et l’euthanasie sans cruauté de tous les lions captifs encore vivants. Il est à noter que les animaux nés en captivité et relâchés dans la nature survivent rarement car ils n’ont jamais appris à chasser et ne craignent pas les humains.

    Mme Creecy et le cabinet sud-africain ont annoncé qu’ils acceptaient ces recommandations.

    « C’est énorme », se réjouit M. Michler. « Nous pensons qu’il s’agit d’un tournant décisif dans la manière de penser. Le ministère fait passer un message plutôt clair à tout le monde [en montrant] que [ces pratiques] doivent être abandonnées progressivement. »

    C’est maintenant au parlement sud-africain de faire de ces recommandations une loi. Au vu du soutien déjà apporté par le gouvernement, « nous ne pensons pas qu’elle sera refusée par le parlement », assure M. Michler.

    La South African Predator Association, une organisation en faveur de l’élevage en captivité, a refusé de s’exprimer sur le sujet.

    Michael’t Sas-Rolfes, écologiste et économiste sud-africain qui faisait partie du panel, est en faveur de l’interdiction de l’élevage des lions en captivité mais contre celle du commerce des os de lion. Il plaide pour une « approche prudente ». Il défend un commerce d’os de lions réformé et durable, alimenté par les stocks déjà existants, par les décès des lions captifs et même, plus tard, par les populations sauvages contrôlées. Selon lui, il s’agit de l’optique à adopter jusqu’à ce que l’on sache si ce commerce peut être suspendu « sans déclencher une crise de braconnage des grands félins ». Il craint que la fermeture des marchés légaux n’entraîne un commerce illégal d’os de lion, plus difficile à surveiller et réguler. « [Cette mesure] met définitivement fin au dernier marché légal des parties de grands félins, dans le monde entier », a-t-il écrit dans un e-mail. « Reste à voir si cela a une incidence sur les prix et les tentatives de braconnage. » Une autre minorité du panel était contre l’interdiction de ces pratiques mais pour une meilleure régulation.

    D’autres affirmaient qu’en fournissant des os de lion aux pays asiatiques, l’Afrique du Sud a nourri la demande. Selon un rapport publié en 2018 par Traffic, un réseau de surveillance du commerce de faune et de flore sauvages, il existe des preuves anecdotiques qui suggèrent que la demande pour des produits à base d’os de lion a augmenté au Vietnam. Cette augmentation s’explique en partie car les os de tigres, longtemps prisés, se font rares. En effet, les populations sauvages de ces animaux ont chuté pour atteindre les trois-mille-deux-cent individus aujourd’hui. Puisque les os de tigre et de lion sont difficiles à différencier, une demande accrue pourrait amener à une intensification du braconnage pour les deux espèces.

    Neil D’Cruze, responsable de la recherche sur la faune sauvage à World Animal Protection, explique que la possibilité que ces interdictions mènent à une augmentation du commerce clandestin « constitue un problème qui ne doit pas être ignoré mais qui n’est pas non plus quelque chose qui ne peut pas être surmonté ».

    Le ministère sud-africain de l’environnement, des forêts et des pêches a également accepté une autre recommandation du panel : l’Afrique du Sud ne doit plus faire pression pour la réouverture des commerces de la corne de rhinocéros et d’ivoire.

     

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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