Avec cette salamandre, l'arche photographique de National Geographic atteint les 16 000 espèces

Vivant dans une zone humide d’à peine trente-huit kilomètres carrés dans le nord de la Californie, cet amphibien de sept centimètres est un exemple de la résilience de la faune et la flore.

De Jason Bittel
Publication 14 août 2024, 18:15 CEST
La salamandre à longs doigts, une espèce en danger d'extinction, vit dans une zone mesurant seulement ...

La salamandre à longs doigts, une espèce en danger d'extinction, vit dans une zone mesurant seulement trente-huit kilomètres carrés.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, National Geographic, Photo Ark

On entend souvent dire que chaque génération pense que c'est la fin du monde. Mais la salamandre à longs doigts (Ambystoma macrodactylum) est à deux doigts de tomber dans l'oubli depuis 1967.

C'est l'année durant laquelle l'amphibien a été catégorisé par l'Endangered Species Preservation Act (la loi de protection des espèces en danger d'extinction), qui a précédé l'Endangered Species Act de 1973 protégeant les espèces en danger.

Restreintes aux deux comtés côtiers du sud de San Francisco, ces salamandres de sept centimètres dépendent des mares saisonnières et des zones humides qui diminuent en raison du changement climatique, de l'agriculture et du développement humain. Les scientifiques pensent que l'aire de répartition de la sous-espèce ne s'étend que sur trente-huit kilomètres carrés.

Malgré cela, cette créature intrépide a miraculeusement survécu. C'est cette résilience qui lui a permis d'intégrer le projet Photo Ark de National Geographic.

« C'est une espèce très sous-estimée », déclare Joel Sartore, explorateur National Geographic, photographe et créateur de l'arche photographique, qui vise à documenter au moins 20 000 espèces vivant dans des zoos, des aquariums et des sites d'élevage en captivité dans le monde entier.

« Nous utilisons des fonds noirs et blancs non seulement pour éliminer les distractions, mais aussi pour donner à tous les animaux une voix égale », explique Sartore, qui a fondé le projet en 2006. « Cette salamandre est tout aussi grande et glorieuse qu'un tigre sur ces photos. Elles sont toutes de la même taille. »

Sartore a photographié cette salamandre à longs doigts au Southwest Fisheries Science Center de San Diego, en Californie.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, National Geographic, Photo Ark

La salamandre à longs doigts a été choisie pour pouvoir « la présenter, montrer au public à quel point cet animal est incroyable et comment il s'est accroché au fil du temps », déclare Sartore.

Bien qu'on ne sache pas combien de salamandres se trouvent dans la nature, il en reste probablement très peu.

 

ZONE HABITABLE

Ces salamandres, qui vivent pendant une décennie ou plus, ne peuvent survivre en dehors des zones humides. Pour commencer, sans eau, leurs œufs s'assèchent et meurent. De plus, lorsque ces œufs éclosent et deviennent des têtards, ils ont besoin de trouver de petits animaux aquatiques, comme les copépodes, pour se nourrir dans les étangs et marais saisonniers.

« Si les sources d'eau ne tiennent pas assez longtemps pour que les larves de salamandres puissent finir de se développer, nous perdons une génération entière de salamandres », explique Eric Palkovacs, spécialiste des environnements d'eaux douces et membre de l'équipe de l'université de California Santa Cruz travaillant pour sauver l'espèce.

Cependant, trop de pluie peut aussi s'avérer être un problème.

« Si les étangs retiennent l'eau pendant une année entière, ils risques d'être envahis par plusieurs espèces invasives, comme les ouaouarons (Lithobates catesbeianus) ou les gambusies de l'est (Gambusia holbrooki) », deux espèces qui se nourrissent de salamandres, explique Palkovacs.

« Nous avons donc besoin d'un juste milieu où ce n'est ni trop humide, ni trop sec », dit-il.

Et c'est là où le changement climatique intervient. En Californie, les précipitations deviennent plus extrêmes dans les deux sens, avec plusieurs années consécutives de sécheresse suivies de plusieurs hivers très humides, explique Palkovacs.

La difficulté ne se limite pas à cela : une fois que les têtards deviennent adultes, ils ont besoin de forêts de chênes saines, qui sont souvent défrichées pour faire place à l'agriculture et aux lotissements. L'activité humaine fragmente également l'habitat des salamandres, ce qui réduit la probabilité que les adultes se retrouvent et se reproduisent.

 

LES HUMAINS INTERVIENNENT

Selon Palkovacs, sans une intervention quelconque, même une espèce aussi résistante était vouée à l'extinction. C'est pourquoi, en 2020, des gens se sont mobilisés pour l'aider.

En partenariat avec l'U.S. Fish and Wildlife Service, Palkovacs et ses collègues ont commencé à attraper une poignée de salamandres à longs doigts adultes chaque année alors qu'elles retournaient dans leurs étangs de nidification.

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    Ces larves de salamandre sont jaunes avec des branchies externes couvertes de plumes qui contribuent capter l'oxygène.

    PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, National Geographic, Photo Ark

    Puis, les scientifiques ont déposé les amphibiens dans des bassins artificiels chargés en sédiments et en végétation sauvage sur le campus de l'Université de Santa Cruz.

    Les scientifiques ont ainsi pu aider les salamandres à se reproduire dans des conditions contrôlées, avec une quantité d'eau adéquate, tout en étant protégées des prédateurs. Mais ils ont aussi contribué à créer des croisements entre des populations qui ne sont plus connectées, ce qui pourrait permettre de leur donner davantage de diversité génétique. Cette diversité pourrait être un atout dans la nature une fois que les salamandres auront été réintroduites.

    Jusqu'à présent, l'équipe a réintroduit environ 3 500 de ces amphibiens élevés en captivité dans leurs étangs d'origine. La phase suivante, qui consiste à utiliser la génétique pour vérifier si ces réintroductions forment effectivement des populations plus robustes, est en cours.

    À l'avenir, l'objectif est de créer un cadre qui puisse être utilisé pour aider à sauver d'autres espèces de la disparition, explique Palkovacs.

     

    « NOUS SOMMES TOUS LIÉS »

    « Le fait qu'il y ait une équipe de scientifiques travaillant depuis des années pour sauver les salamandres à longs doigts, et qui s'inquiètent sincèrement pour cette espèce, m'inspire », déclare Sartore. « Ça me donne de l'espoir. »

    Il s'agit également d'une vision d'ensemble, dit-il. Après tout, la lutte contre le changement climatique pourrait empêcher l'extinction d'innombrables espèces qu'il a photographiées au cours de la vie du projet Photo Ark. Il a également assisté à la disparition de certaines d'entre elles, comme Ecnomiohyla rabborum et le lapin pygmée du Bassin Colombien.

    « Le changement climatique s'étend à tous les coins du globe et affecte une petite salamandre sur la côte, tout comme il nous affecte lors des vagues de chaleur record », déclare Sartore. « Nous sommes tous liés. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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