Cette image nous rappelle à quel point il est dangereux de nourrir les animaux sauvages

En Roumanie, des passants donnent de la nourriture humaine à des ours, un comportement dangereux qui crée des tensions liées à la conservation de ces animaux sauvages dans la région.

De Erin Blakemore
Publication 23 oct. 2024, 16:56 CEST
Pouvez-vous imaginer vous trouver aussi près d'un ours affamé ? Alors qu'il était en mission en ...

Pouvez-vous imaginer vous trouver aussi près d'un ours affamé ? Alors qu'il était en mission en Roumanie, Jasper Doest, photographe pour National Geographic, a capturé cette photo d'un ours en train de regarder à l'intérieur de son véhicule. Cette rencontre met en avant les défis auxquels sont confrontés les défenseurs de l'environnement dans leurs efforts pour réhabiliter l'une des dernières étendues sauvages d'Europe alors que les conflits entre les humains et les ours se multiplient.

PHOTOGRAPHIE DE Jasper Doest

Lorsqu’il est arrivé dans les Alpes de Transylvanie pour documenter la coexistence entre les humains et les animaux sauvages dans le cadre d’un article pour National Geographic, le photojournaliste Jasper Doest pensait explorer les forêts de cette région roumaine, également connue sous le nom de Carpates méridionales.

« C’est un magnifique paysage montagneux avec des forêts denses. C’est très sauvage », décrit-il.

Cependant, plutôt que de partir à la découverte de ces vastes forêts, le photojournaliste s’est retrouvé au bord d’une route… aux côtés d’un groupe d’ours qui demandaient de la nourriture aux passants.

Bien que cette rencontre inoubliable ait donné lieu à d’incroyables clichés, elle met également en évidence les obstacles considérables auxquels les défenseurs de l’environnement sont confrontés dans leurs efforts visant à restaurer et protéger les espaces sauvages.

 

NE NOURRISSEZ PAS LES OURS

C’est lorsqu’il a rencontré une touriste qui lui a raconté avoir nourri des ours sur le bord de la route dans la zone de conservation que Doest a décidé de changer l’approche de sa mission.

« Elle a commencé à nous montrer des photos », se souvient-il. « Elles étaient incroyables, et nous avons réalisé que ce serait un excellent point de départ pour aborder le sujet de l’acceptation des efforts de conservation au sein d’une communauté. »

Un groupe d'ours demande de la nourriture à des touristes en train de parcourir la Transfăgărășan, une célèbre route de montagne qui traverse les Carpates roumaines. Il suffit de quelques repas pour que les ours commencent à dépendre de la nourriture donnée par les humains, ce qui ouvre la voie à davantage de conflits entre les ours et les humains.

PHOTOGRAPHIE DE Jasper Doest

Les touristes, séduits par les charismatiques ours bruns de la région, peuvent en effet céder à la tentation et accepter de nourrir ces animaux sauvages, une décision qui a de désastreuses répercussions.

D’ordinaire timides en présence des humains, il suffit de quelques repas pour que les ours commencent à s’habituer à la nourriture humaine et, une fois ce cap franchi, ils ne restent plus sauvages très longtemps. Ils peuvent au contraire commencer à dépendre de nous pour survivre. Les interactions avec les humains deviennent alors de plus en plus fréquentes, ce qui, à terme, peut mettre les ours en danger en faisant d’eux une menace à abattre lorsqu’ils commencent à s’approcher d’un peu trop près.

En 2023, 95 incidents ont été recensés dans la région, et cet été, une jeune femme a été tuée après une rencontre avec un ours sur un circuit de randonnée. Cette tragédie a incité les autorités roumaines à doubler leur quota annuel d’abattage d’ours, qui est ainsi passé de 220 en 2023 à 481 cette année. Lors de sa mission, Doest a également photographié une mère ourse qui avait perdu une patte arrière à la suite d’un accident de la route ou d’une rencontre avec un piège.

« Elle n’a plus qu’une solution pour élever ses petits : demander de la nourriture le long de cette route », une réalité qui met aussi bien la mère que ses petits en danger. « Les ours nourris par les humains deviennent des ours à problèmes », explique Doest.

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    Cette région subit une augmentation des conflits entre ours et humains, car les animaux, timides par nature, commencent à s'habituer aux interactions avec les humains. Cette situation finit par alimenter l'opposition des communautés locales aux efforts de réensauvagement. « Il est tout à fait logique que la communauté ne soit pas favorable à la conservation des forêts, car s'il y a plus de forêts, il y aura également plus d'ours », explique Jasper Doest.

    PHOTOGRAPHIE DE Jasper Doest

    Ce phénomène peut avoir des conséquences inattendues pour les efforts de conservation, puisqu’il augmente l’opposition des communautés locales à des initiatives de réensauvagement, comme celle de la Fondation Conservation Carpathia. « Il est tout à fait logique que la communauté ne soit pas favorable à la conservation des forêts, car s’il y a plus de forêts, il y aura également plus d’ours. »

     

    LE CLICHÉ PARFAIT

    D’abord intrigué par cette relation délicate qui unit les ours et les humains, Doest s’est finalement retrouvé directement confronté à cette situation. Alors qu’ils roulaient sur un col de montagne, le photographe et son assistant ont réalisé que les ours qu’ils voyaient sur le bord de la route attendaient que des humains leur donnent de la nourriture. « C’était infiniment triste », raconte-t-il. « Ça nous a fait nous rendre compte qu’ils avaient complètement changé de comportement. »

    Doest s’est alors arrêté pour les observer, et lorsqu’il a baissé sa vitre, un gros ours brun s’est dirigé directement vers le véhicule, s’attendant à recevoir une friandise.

    « C’est le bon moment », s’est alors dit Doest. Il a sorti son appareil et a pris six photos, cinq floues et une nette, et est parti se mettre à l’abri.

    Doest n’a ressenti les effets de l’adrénaline que plus tard, lorsqu'il a réalisé qu’il avait été très proche de l’animal et des dangers qu’il aurait pu représenter, alors même qu’il venait de capturer un cliché qui illustrait parfaitement les conflits entre les ours et les humains de la région.

    Dans les jours qui ont suivi, Doest a observé d’autres conséquences de la générosité des touristes sur l’écosystème délicat qu’ils visitaient. En les voyant donner des gourmandises aux ours, le photographe s’est rendu compte que l’histoire de la conservation dans la région concernait tout autant les humains que les animaux sauvages.

    « Il ne s’agit pas seulement du réensauvagement, mais aussi des opportunités et des difficultés qui l’accompagnent », explique-t-il. « Il s’agit de déterminer comment accepter la nature dans nos vies, et quels bénéfices nous pourrions en retirer en le faisant de la bonne manière. » Pour toutes ces raisons, ne donnez pas de nourriture aux ours, demande Doest. Ainsi, vous pourrez non seulement sauver la vie d’un animal, mais aussi encourager une communauté à poursuivre son engagement en faveur de la conservation de la vie sauvage.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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