Les insectes sont-ils vraiment attirés par la lumière ?

Les insectes qui s’approchent des lumières artificielles ne le font pas pour les raisons que vous croyez.

De Kiley Price
Publication 2 févr. 2024, 09:25 CET
De nombreuses théories tentent d’expliquer l’habitude qu’ont les insectes de voler près de lumières artificielles. Grâce ...

De nombreuses théories tentent d’expliquer l’habitude qu’ont les insectes de voler près de lumières artificielles. Grâce à un flash et une exposition longue, cette photographie composite montre les trajectoires d’insectes autour d’une lumière ultraviolette au Costa Rica. 

PHOTOGRAPHIE DE Sam Fabian

On vous a probablement déjà dit de ne pas allumer la lumière pour éviter d’attirer les moustiques et vous avez probablement déjà vu des insectes tourner autour d’un feu de camp ou d’un barbecue une fois la nuit tombée.

Cependant, il est possible que ce ne soit pas parce que les insectes sont attirés par la lumière qu’on observe ces comportements. Selon une nouvelle étude, publiée récemment dans la revue Nature Communications, leur tendance à s’approcher des zones plus éclairées est une réponse comportementale qui les aide à déterminer la direction qu’ils doivent prendre.

Lors d’une série d’expériences menées avec des lumières artificielles, les chercheurs ont découvert que les papillons de nuit, comme bien d’autres insectes, tournaient le dos à la source de lumière lorsqu’ils volaient, au lieu de se diriger vers elle, ce qui se produirait s’ils étaient simplement attirés par elle. 

Afin d’éviter de s'écraser au sol, les insectes doivent savoir distinguer le haut du bas, explique Yash Sondhi, entomologiste à l'université de Floride, explorateur National Geographic et coauteur de l’étude. La luminosité du ciel, même la nuit, a toujours été un bon indicateur de ce qu’était le « haut », jusqu'à l'arrivée des lumières artificielles.

Contrairement aux humains, la plupart des insectes ne sont pas dotés d’un système vestibulaire leur permettant de maintenir leur orientation spatiale. En revanche, ils disposent d'un « système qui leur permet de distinguer rapidement le clair du sombre et qui leur donne des informations sur le ciel afin de voler de manière stable », explique Sondhi. « S'ils se trompent, ils se mettent à tomber ou ils montent trop haut et décrochent. »

 

DISTINGUER LE HAUT DU BAS

Pendant des siècles, un certain nombre de théories ont été avancées pour expliquer pourquoi les insectes se tournent vers la lumière, l'une des principales étant qu'ils se fient à la lune pour se diriger et qu’ils confondent souvent les sources de lumière artificielle avec cette boussole céleste.

Néanmoins, les scientifiques ont longtemps trouvé cette explication insuffisante, car tous les insectes ailés ne tournent pas autour de la lumière comme ils le feraient s'ils l'utilisaient comme repère de navigation.

D'autres théories ont suggéré que la lumière artificielle aveuglait et désorientait les insectes, qu'ils étaient attirés par le rayonnement thermique des lumières ou qu'ils pensaient que la lumière était un moyen de s'échapper, comme un trou dans un buisson.

Sondhi et une équipe de chercheurs se sont interrogés à ce sujet dans la forêt nébuleuse de Monteverde, au Costa Rica, l’un des endroits de la planète où la biodiversité des insectes est la plus riche.

Ils ont commencé par enregistrer les mouvements des insectes dans l'obscurité totale et à l'aide de caméras infrarouges à grande vitesse, afin d'obtenir une base de référence sur la façon dont les insectes volent habituellement. Ils ont ensuite mis en place des expériences pour étudier l'influence de différentes lumières sur le comportement de vol. Tout d'abord, les chercheurs ont suspendu une ampoule à une corde entre deux arbres, comme une lampe standard qui pointerait vers le bas et que l'on pourrait voir sur un porche. Dans un autre test, ils ont retourné la lampe vers le haut en la montant sur un trépied.

Dans les deux cas, les insectes tournaient le dos à l'ampoule. Les libellules comme les papillons étaient constamment à la recherche de cet angle, ce qui les enfermait dans une orbite perpétuelle autour de l'ampoule. Cependant, quand la lumière était dirigée vers le haut, les insectes s'arrêtaient souvent ou s'écrasaient.

Des papillons de l’espèce des citrons tournent autour d’un tube UV dans l'arène de vol avec ...
Deux lampes infrarouges éclairent un tube UV à Monteverde, au Costa Rica, pour permettre aux caméras ...
Gauche: Supérieur:

Des papillons de l’espèce des citrons tournent autour d’un tube UV dans l'arène de vol avec capture de mouvement de l'Imperial College de Londres, dans le cadre d'une expérience visant à comprendre le comportement des insectes confrontés à des lumières artificielles.

PHOTOGRAPHIE DE Thomas Angus, Imperial College
Droite: Fond:

Deux lampes infrarouges éclairent un tube UV à Monteverde, au Costa Rica, pour permettre aux caméras à haute vitesse d'enregistrer les schémas de vol des insectes autour du tube sans perturber leur comportement naturel.

PHOTOGRAPHIE DE Sam Fabian

Que se passe-t-il si la lumière, plutôt que de provenir d’un point unique, est diffusée sur une zone large ? Pour répondre à cette question, les chercheurs ont tendu un grand drap blanc sur la canopée des arbres et y ont projeté une lumière UV. Si les insectes étaient réellement « attirés » par la lumière, ils voleraient vers elle, explique Sam Fabian, coauteur de l'étude et chercheur sur les insectes à l'Imperial College de Londres.

Au lieu de cela, les insectes traversaient ce couloir éclairé, volant comme ils le feraient en journée.

L'équipe a ensuite placé le drap sur le sol et l'a éclairé, ce qui a déclenché une réaction très particulière : « tous les papillons de nuit qui volaient au-dessus se sont retournés et sont tombés du ciel », explique Fabian. Cette réponse suggère que la lumière artificielle peut provoquer un décalage entre la perception qu'ont les insectes de ce qui est le « haut » et la direction réelle de la gravité.

Les scientifiques ont également réalisé plusieurs de ces expériences en laboratoire et ont obtenu des résultats similaires, bien qu'ils ne puissent pas encore exclure que d'autres facteurs pourraient contribuer à la tendance des insectes à se rassembler dans la lumière.

 

LA POLLUTION LUMINEUSE : UN PROBLÈME DE PLUS EN PLUS IMPORTANT

L’une des conditions les plus importantes du vol est de savoir dans quelle direction se trouve le haut. Selon la nouvelle étude, les insectes volants semblent dépendre de la lumière pour déduire cette information. Ils gardent la toile de fond lumineuse au-dessus de leur tête et les environnements plus sombres en dessous d'eux.

« Ce n'est pas qu'ils soient simplement attirés par la lumière. Ils font la balance entre la lumière et l'obscurité et s'attendent à ce que ce soit objectif d'une certaine manière », explique Simon Sponberg, physicien qui étudie le mouvement des animaux au Georgia Institute of Technology et qui n'a pas participé à l'étude, « mais quand ils sont confrontés à un environnement artificiel, tout est sens dessus dessous, littéralement. »

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    Les enseignes lumineuses et les gratte-ciels aux fenêtres éclairées peuvent perturber et désorienter les oiseaux, en particulier pendant la saison des migrations, et entraîner des conséquences mortelles.

    PHOTOGRAPHIE DE Jim Richardson, National Geographic Creative Images
    Droite: Fond:

    La Voie lactée est visible depuis le parc national de Big Bend, au Texas, désigné parc international de ciel étoilé et faisant partie de la plus grande réserve de ciel étoilé au monde. Ces réserves sont destinées à protéger les écosystèmes locaux, permettant par là-même d'observer les d'étoiles et de mener des recherches spatiales.

    PHOTOGRAPHIE DE Rebecca L. Latson, Getty Images

    La mauvaise nouvelle est que cet instinct comportemental pourrait être un problème pour les populations d’insectes, qui sont déjà confrontées à des déclins généralisés partout dans le monde en raison du changement climatique et de la perte d’habitat engendrés par l’activité humaine. Des données satellite ont révélé que l’utilisation de lumières artificielles était montée en flèche au cours de la décennie passée et que le monde était plus éclairé de 2 % chaque année. Selon la manière dont les lumières sont utilisées, leur éclat peut retenir les insectes dans un cercle vicieux épuisant ou les envoyer en chute libre vers leur mort.

    « L'un des aspects fondamentaux de cette étude est qu'elle nous apprend que la lumière dirigée vers le haut est vraiment particulièrement dangereuse pour les insectes », explique Sondhi. En plus de perturber leur vol, la pollution lumineuse peut nuire à leur capacité à trouver des partenaires potentiels, de la nourriture et à se défendre contre les prédateurs.

    Nous pouvons contribuer à atténuer ces effets en éteignant les lumières chaque fois que cela est possible, ou en veillant à ce qu’elles soient orientées directement vers le bas. La plupart des lampadaires de villes sont déjà orientés vers le bas, mais les ampoules utilisées diffusent la lumière dans toutes les directions. Les pouvoirs publics peuvent moderniser les luminaires en les dotant d'un écran métallique qui dirige le faisceau lumineux vers un seul point, explique Sondhi.  

    « La direction de la lumière est un facteur déterminant dans le schéma que nous avons observé. La luminosité et la couleur ne font pas tout », explique-t-il.

    Certains États sont allés plus loin en créant de vastes zones de ciel étoilé dans lesquelles la luminosité artificielle doit être réduite à un niveau spécifique. Ces efforts montrent une reconnaissance du fait que la pollution lumineuse constitue un grave prolème pour bien d'autres animaux que les insectes : elle oriente mal les bébés tortues de mer qui tentent de rejoindre l'océan, aveugle les oiseaux qui volent entre les hauts immeubles aux fenêtres brillantes et incite les coraux à se reproduire au mauvais moment. Les endroits nommés « réserves de ciel étoilé », comme le parc national de Big Bend, au Texas, et la Buffalo National River, dans l'Arkansas, sont destinés à préserver l’obscurité de la nuit pour les animaux, les plantes, les écosystèmes et les astronomes amateurs.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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