Découverte : les axolotls arrêtent de vieillir après quatre ans

Les axolotls cessent de vieillir à l'âge de quatre ans, une capacité exceptionnelle qui pourrait aider les scientifiques à ralentir le processus de vieillissement chez les humains.

De Sarah Philip
Publication 22 oct. 2024, 11:58 CEST
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Les axolotls, qui se reproduisent bien en captivité, font l'objet de nombreuses recherches relatives au vieillissement et à la médecine régénérative.

PHOTOGRAPHIE DE Iva Dimova, iStock, Getty Images Plus

Le vieillissement est un processus inévitable de la vie… du moins chez les humains. Les axolotls, ces adorables amphibiens qui ont gagné une certaine notoriété dans la culture populaire, semblent en effet échapper à cette fatalité.

Grâce à un phénomène connu sous le nom de néoténie, les axolotls ne dépassent jamais leur stade larvaire et conservent ainsi une apparence juvénile tout au long de leur vie, même une fois arrivés à l’âge adulte. Cette exceptionnelle longévité physique ne se traduit pas seulement par la conservation de leurs branchies plumeuses et de leur nageoire dorsale : cette espèce de salamandre endémique du Mexique, qui est actuellement en danger critique d’extinction, connaît également très peu de maladies et de déclin physique et est dotée de la capacité de régénérer ses membres, sa queue et même ses organes.

Pour cette raison, les axolotls élevés en captivité, qui affichent une peau rose pâle caractéristique, font l’objet des recherches de nombreux biologistes, fascinés depuis longtemps par cette résistance unique aux effets du temps.

Et ce n’est pas tout. Une étude publiée en septembre a révélé l’existence d’un étrange phénomène observé dans l’organisme de ces curieuses créatures : ces dernières parviendraient à interrompre l’avancée de l’un des principaux mécanismes du vieillissement, l’horloge épigénétique, une fois arrivées à l’âge de quatre ans.

L’horloge épigénétique permet d’estimer l’âge d’un animal en évaluant les effets de certains événements de la vie, tels que le stress ou le régime alimentaire, sur ses gènes. Si un animal a subi de nombreux traumatismes, par exemple, son âge épigénétique, ou biologique, pourrait être beaucoup plus élevé que son âge réel.

Un scientifique examine la radiographie d'un axolotl au Centre de recherche et des études avancées de l'Institut polytechnique national de Mexico.

PHOTOGRAPHIE DE Alejandro Prieto, Nature Picture Library

Ces résultats pourraient constituer une avancée supplémentaire dans la recherche de thérapies anti-âge efficaces pour les humains, telles que la réduction des inflammations, d’après l’étude mise en ligne sur bioRxiv, un site internet qui publie des études non évaluées par des pairs. Le désir de lutter contre le passage du temps n’est en effet ni nouveau, ni rare : le marché des produits anti-âge a été évalué à plus de 40 milliards de dollars et devrait atteindre les 60 milliards de dollars d’ici à 2032.

En outre, comprendre le processus génétique des axolotls pourrait contribuer au développement de nouveaux médicaments destinés à régénérer des cellules, des muscles, et peut-être même des membres.

« C’est un grand pas en avant dans le domaine du vieillissement et de la régénération », se réjouit James Godwin, immunologiste au laboratoire biologique MDI dans le Maine, qui n’était pas impliqué dans la nouvelle étude. « Si nous pouvons comprendre ces mécanismes, de nombreuses possibilités pour améliorer la santé humaine pourraient s’offrir à nous. »

 

L’HORLOGE ÉPIGÉNÉTIQUE

Steve Horvath, co-auteur de l’étude et généticien pour Altos Labs en Californie, est un expert de l’un des processus clés de l’épigénétique : la méthylation de l’ADN, lorsque l’organisme ajoute ou retire des substances chimiques de l’ADN, ce qui a pour conséquence d’activer ou de désactiver des gènes.

En 2013, le scientifique a mis au point un algorithme, qu’il a baptisé « horloge épigénétique », permettant d’étudier les effets de ces marqueurs chimiques dans les tissus et de les corréler à l’âge. Cet algorithme permet de prédire l’espérance de vie d’un individu.

Pour découvrir pourquoi les axolotls sont si différents des humains, Horvath a fait équipe avec Maximina Yun, biologiste de l’Université technique de Dresde, en Allemagne, qui étudie les salamandres depuis des années. Ensemble, ils ont créé la toute première horloge épigénétique spécifique aux axolotls.

Dans le laboratoire de Yun à Dresde, l’équipe a étudié dix-huit axolotls âgés de quatre semaines à vingt-et-un ans. C’est ainsi que les scientifiques se sont aperçus qu’ils ne parvenaient à créer une horloge épigénétique fiable que pour les quatre premières années de la vie des axolotls. Après ça, les marqueurs chimiques demeuraient identiques, comme si le développement des animaux était mis en pause.

« C’est très surprenant, à tel point que j’ai du mal à y croire », confie Horvath. « Pour moi, il est fascinant de constater que, d’après les changements épigénétiques, les axolotls semblent cesser de vieillir à l’âge de quatre ans. »

 

UNE FORME DE RAJEUNISSEMENT ÉPIGÉNÉTIQUE ?

L’équipe a ensuite élaboré une double horloge épigénétique pour les axolotls et les humains, avec pour objectif de calculer le vieillissement des deux espèces en suivant la méthylation de leur ADN.

« Ce qui est nouveau ici, c’est que nous avons développé une horloge qui peut fonctionner pour les humains et les axolotls en même temps », explique Horvath. 

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    Cette double horloge a révélé que les axolotls et les humains vieillissent de la même manière, mais que, pour des raisons mystérieuses, les amphibiens sont capables d’interrompre le processus.

    La régénération pourrait être la clé de ce phénomène, car il semble y avoir, selon les scientifiques, un lien entre les capacités de régénération de l’axolotl et son absence de vieillissement.

    Dans le cadre d’une autre expérience, une analyse ADN avait révélé que les membres régénérés de l’axolotl étaient considérablement plus jeunes que le reste de son corps : en d’autres termes, lorsqu’un individu se régénère, les nouveaux tissus reviennent à un stade de développement antérieur.

    « Nous pensons que ce phénomène pourrait être lié à une forme de rajeunissement épigénétique », suggère Yun, « mais cela nécessite des recherches plus approfondies ».

     

    RALLONGER L’ESPÉRANCE DE VIE DES HUMAINS

    L’étude pourrait également ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine de la médecine régénérative. Au stade embryonnaire, après une blessure, les mammifères régénèrent les tissus endommagés plutôt que de les réparer par des cicatrices, une capacité qui disparaît avec l’âge.

    Les axolotls, en revanche, conservent cette capacité tout au long de leur vie, et si les scientifiques parvenaient à comprendre comment, cette découverte pourrait faire progresser la cicatrisation des plaies, la régénération des membres et les amputations.

    Pour Virginia Byers Kraus, professeure d’orthopédie et de pathologie à la faculté de médecine de l’Université Duke, qui n’était pas impliquée dans l’étude, « parvenir à déterminer les événements biologiques qui se produisent vers l’âge de quatre ans, lorsque l’axolotl cesse de vieillir, serait une étape cruciale pour nous permettre de reproduire ses capacités régénératrices. »

    Par ailleurs, nos cellules sénescentes, parfois appelées « cellules zombies », cessent de se diviser avec l’âge, mais restent dans notre organisme, ce qui peut entraîner des inflammations, un facteur de risque pour le développement de cancer et d’autres affections liées au vieillissement.

    De leur côté, les axolotls n’ont que très peu de ces cellules dans leur organisme, peut-être grâce à leurs capacités de régénération. En étudiant comment cette espèce d’amphibien parvient à mettre son développement en pause, les chercheurs pourraient ainsi trouver des traitements anti-âge plus efficaces pour les humains. Cela ne se fera néanmoins pas avant des années.

    En conclusion, selon Yun, cette étude « nous donne l’espoir que, si nous découvrons comment l’axolotl est capable d’arrêter l’horloge, nous pourrons peut-être le recréer dans d’autres organismes ».

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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