Des baleines s'échouent sur la côte Est des États-Unis... et on ignore pourquoi

Les éoliennes en mer ont été blâmées pour ces récentes morts de baleines mais les scientifiques affirment qu’elles n’en sont pas responsables.

De Melissa Hobson
Publication 13 juin 2023, 16:31 CEST
Le corps sans vie d’un baleineau à bosse (Megaptera novaeangliae) mesurant un peu moins de 8 ...

Le corps sans vie d’un baleineau à bosse (Megaptera novaeangliae) mesurant un peu moins de 8 mètres de long gît sur une plage de New York. Depuis 2016, le nombre de baleines échouées sur le rivage a augmenté.

PHOTOGRAPHIE DE Mario Tama, Getty Images

Depuis 2016, quelque chose d'étrange se produit sur la côte Est des États-Unis.

De plus en plus de baleines sans vie s'échouent sur le rivage, souvent dans un état de décomposition avancée. L'augmentation du nombre de décès de baleines à bosse est telle que les scientifiques de l’Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA) ont déclaré qu'il s'agissait d'un événement inhabituel de mortalité.

La cause de ces décès fait l'objet d'un vif débat. Les opposants aux parcs éoliens en mer ont récemment affirmé que la prospection sismique, technique permettant de déterminer où placer les éoliennes, ainsi que la construction et l'exploitation de ces dernières, étaient à l'origine de ces décès.

Les scientifiques sont cependant en désaccord avec ces affirmations et craignent que le débat politique sur l'éolien en mer ne détourne l’attention des décideurs, entravant la recherche des vrais coupables et la prévention d'autres décès de baleines.

Des experts comme Rob Deaville, du Cetacean Strandings Investigation Programme (CSIP) de la Société zoologique de Londres, ne sont « pas du tout » convaincus que ces décès soient liés aux parcs éoliens.

 

ENQUÊTE SUR LA CAUSE DE LA MORT

Même si l'augmentation récente du nombre de créatures échouées sur la côte Est reste préoccupante, cela arrive chaque année à des milliers d'animaux marins malades, blessés ou perdus. Ce n'est pas la première fois que le lieu est témoin de ce type d’événement : en 1987, plus de 700 grands dauphins (Tursiops truncatus) ont été victimes d'un virus, et plus de 1 600 ont connu le même sort en 2013.

Cette fois-ci, le responsable ne semble pas être un virus. Le département des pêches de la NOAA enquête actuellement sur les 178 cas de mortalité inhabituelle de baleines à bosse signalés entre janvier 2016 et janvier 2023.

À ce stade, déclare un porte-parole de la NOAA, « il n'existe aucune preuve étayant l'hypothèse selon laquelle le bruit résultant des études de caractérisation des sites éoliens en mer pourrait potentiellement causer la mort de baleines ».

La difficulté d'obtenir des résultats concluants lors d'une nécropsie, version animale d'une autopsie, alimente la désinformation au sujet de l’éolien en mer. 

Seule près de la moitié des baleines échouées au cours des sept dernières années ont pu être examinées. La réalisation d'une nécropsie de baleine demande énormément de travail, en particulier lorsqu’elles flottent loin des côtes, qu'elles se sont échouées sur des îles reculées ou protégées, ou que le corps est en état de décomposition avancée.

Parmi les baleines examinées, environ 40 % présentaient des signes indiquant qu’elles ont été percutées par un navire ou enchevêtrées dans des engins de pêche. Les autres examens n'ont pas donné de résultats concluants.

Des personnes travaillent autour du corps sans vie d'une baleine sur une plage de New York ...

Des personnes travaillent autour du corps sans vie d'une baleine sur une plage de New York au début du mois de janvier. La baleine à bosse de près de 10 mètres de long qui s'est échouée sur le rivage y a par la suite trouvé la mort.

PHOTOGRAPHIE DE Seth Wenig, APImage

 

IMPACTS DE L'ÉOLIEN EN MER

Celles et ceux que l'énergie éolienne inquiète se demandent si le bruit généré par la prospection sismique et la construction des parcs éoliens en mer peut avoir un impact sur l'alimentation, l'accouplement et la communication des animaux marins.

Le Bureau of Ocean Energy Management (BOEM) affirme qu’il est peu probable que ces prospections, consistant à projeter un cône sonore étroit et à utiliser le signal qui rebondit pour cartographier le fond marin, soient dangereuses pour les baleines.

Avec un maximum de 220 décibels, le son produit est plus silencieux et moins nocif que celui des canons à air de 250 décibels utilisés pour la prospection pétrolière et gazière qui peuvent être entendus à plus de 3 800 kilomètres à la ronde dans l'océan. Il se peut même que ce dernier ne soit pas audible pour des espèces comme les baleines à bosse car la fréquence est hors du champ auditif présumé des mysticètes (Mysticeti), comme les baleines à bosse.

Lorsque les parcs éoliens en mer fonctionnent, « il ne semble pas y avoir beaucoup d'impact » sur les cétacés, déclare Harry Eckman, président-directeur général de World Cetacean Alliance. Le bruit « assez modéré » qu'ils génèrent « se fond probablement dans le décor [d'une] pollution sonore bien plus importante », comme le trafic maritime, ajoute-t-il.

Rob Deaville abonde dans le même sens, affirmant que si les animaux étaient dérangés, ils s'éloigneraient probablement de la zone pendant l'installation.

Des mesures réglementaires sont en place pour protéger les baleines de l'activité industrielle, comme, entre autres : des limitations de vitesse pour les navires ; la présence d'observateurs d'espèces protégées pendant la surveillance acoustique, l'installation des pieux et sur la plateforme ; des rideaux de bulles pour atténuer les ondes sonores pendant la construction ; et l’obligation d’effectuer des rapports détaillés en cas de rencontre entre un navire et une espèce protégée.

 

QU'EST-CE QUI TUE VRAIMENT LES BALEINES ? 

Harry Eckman attire l'attention sur les nombreux autres parcs éoliens en mer dans le monde qui ne sont pas liés à une augmentation du nombre d’animaux échoués. Essayer d'établir une corrélation entre les deux dans cette zone « n'a pas de sens », déclare-il.

Les scientifiques connaissent déjà « les raisons les plus probables pour lesquelles les animaux s’échouent », poursuit-il. De plus en plus de menaces humaines pèsent sur l’océan : le trafic maritime, les engins fantômes, les microplastiques, la pollution plastique et celle sonore due aux sonars, à la navigation et à la prospection pétrolière et gazière.

La pêche industrielle représente également une menace, pouvant blesser ou tuer les baleines, prises accidentelles parmi tant d'autres, ou encore en épuisant leurs sources de nourriture.

L'augmentation du nombre de baleines à bosse, dû au rétablissement de nombreuses populations grâce à l’interdiction de la chasse à la baleine par les États-Unis en 1971, augmente le risque de rencontre avec des navires.

Le changement climatique joue également un rôle. En raison du réchauffement des océans, de nombreux animaux suivent leurs proies dans de nouvelles zones. Certaines baleines se rapprochent ainsi des côtes où elles sont plus susceptibles de croiser des navires, qu'ils soient de plaisance, de commerce ou faisant partie de flottilles de pêche ciblant une même espèce de poisson.

« Nous voyons tous le monde changer autour de nous et le milieu marin ne fait pas exception à la règle », déplore Rob Deaville.

 

LE NOMBRE DE DÉCÈS DEVRAIT CONTINUER À AUGMENTER

Si les causes de certains décès sont évidentes, comme celle du cachalot (Physeter macrocephalus) retrouvé l'estomac rempli de plastique en Indonésie en 2018, ce n’est pas toujours le cas.

Lorsqu'un animal vit dans une zone fortement polluée, surexploitée et traversée par de nombreux navires, il est possible qu’une combinaison de ces facteurs entraîne sa mort. « Il est difficile d'isoler les causes individuelles », explique Rob Deaville.

Cet effet cumulatif « rend notre travail très difficile car nous ne pouvons pointer du doigt un seul et unique facteur », ajoute Harry Eckman. Il est pour lui urgent de s'attaquer aux menaces connues.

Selon lui, le problème ne peut que s'aggraver et, à moins que tout le monde ne soit tenu pour responsable, « il pourrait bien finir par être trop tard ».

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    Il peut être difficile de déterminer la cause exacte de la mort d'une baleine. Selon la NOAA, toutefois, la collision avec un navire ou l’enchevêtrement dans un engin de pêche constituent les principales menaces pesant sur les baleines.

    PHOTOGRAPHIE DE Rachel Wisniewski, Reuters, Redux

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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