Favorisés par le réchauffement climatique, les ratons laveurs colonisent la planète

On retrouve ces envahisseurs voraces sur trois continents et le réchauffement climatique pourrait favoriser l'expansion plus au nord de leur aire de répartition.

De Douglas Main
Les ratons-laveurs se sont établis un peu partout, des figuiers de barbarie du Texas (ci-dessus) aux ...
Les ratons-laveurs se sont établis un peu partout, des figuiers de barbarie du Texas (ci-dessus) aux conifères des North Woods en passant par les mangroves des Caraïbes. Leur aire de répartition ne cesse de s'agrandir dans de nombreuses régions de la planète.
PHOTOGRAPHIE DE Karine Aigner, Nat Geo Image Collection

Sur la planète, il y a peu de régions inhospitalières pour les ratons laveurs et l'aire de répartition potentielle de ces envahisseurs masqués est appelée à s'étendre à de nouvelles zones avec le réchauffement climatique, selon de nouvelles recherches.

Une étude publiée par la revue Scientific Reports s'est demandée quelles étaient les conditions climatiques les plus favorables à ces mammifères nord-américains dans les régions qu'ils peuplent à l'heure actuelle. Les scientifiques ont ensuite déduit par extrapolation les zones de la planète où les variables environnementales étaient les plus propices au développement des populations de ratons laveurs avant de s'intéresser aux effets du réchauffement climatique sur ces territoires.

Les chercheurs ont identifié des conditions climatiques favorables à ces omnivores voraces et adaptables sur une grande partie de la planète et cette zone devrait s'étendre considérablement plus au nord, indique Vivien Louppe, auteur principal de l'étude et chercheur au Muséum national d'Histoire naturelle de Paris.

Un raton laveur escalade un immeuble de 25 étages

Un phénomène qui ne fera qu'appuyer la dispersion de ces animaux dont la propagation en tant qu'espèce introduite a déjà largement commencé en Europe, en Asie centrale et en Asie orientale. Les ratons laveurs sont capables de prendre le dessus sur les espèces natives et mangent par ailleurs une importante quantité de proies, ce qui les place à l'origine de dégâts environnementaux significatifs quoique très peu étudiés.

« Cette espèce peut s'adapter à une large diversité d'habitats et de conditions bioclimatiques, » explique Louppe. Ils sont aussi à l'aise dans les mangroves des Caraïbes que dans les forêts tempérées européennes ou celles plus froides et enneigées d'Amérique du Nord. Les conditions climatiques retenues dans les modèles incluaient des variables en lien avec la chaleur et l'humidité, comme la température moyenne et les précipitations annuelles ou l'amplitude journalière des températures.

Les ratons laveurs sont plutôt adaptés à un environnement fluvial. Leur nom scientifique, Procyon lotor, se traduit en latin par « avant le chien » (procyon) et « laveur » (lotor), en référence à leur tendance à « laver » leur nourriture dans les rivières après s'en être emparé. Leur nom en allemand, italien et japonais se traduit approximativement par « ours laveur. »

Introduits pour la première fois en Allemagne dans les années 1930, les ratons laveurs sont aujourd'hui présents dans plusieurs pays du continent européen, en Espagne à l'ouest, en Italie au sud et en Pologne à l'est. Quant au Japon, ils ont réussi à se frayer un chemin sur les différentes îles du pays depuis les années 1960 et on les retrouve aujourd'hui dans au moins 42 des 47 préfectures du pays. L'Iran et l'Azerbaïdjan abritent également une importante population.

L'une des raisons pour lesquelles ces mammifères sont devenus un problème au Japon est le succès dans les années 1970 du livre « Rascal » puis du dessin animé qu'il a inspiré mettant un scène un gentil petit raton laveur. Une popularité qui a entraîné l'importation de près de 1 500 animaux par mois pendant un certain temps, avant que le pays ne décide d'interdire la pratique. Il était toutefois trop tard : le raton laveur étant loin d'être un compagnon idéal, bon nombre d'entre eux ont fini par être abandonnés dans la nature.

 

CAP SUR LE NORD

Pour établir le modèle, les scientifiques ont analysé plusieurs trajectoires relatives aux émissions de dioxyde de carbone afin de déterminer l'impact de chaque scénario sur le réchauffement des températures à travers la planète.

Bien que l'équipe de scientifiques ait identifié une croissance similaire des conditions favorables aux ratons laveurs dans plusieurs trajectoires, elle a décidé de ne retenir que le cas le plus extrême, principalement en raison de l'expansion plus prononcée qu'il présentait. Baptisée RCP 8.5 pour Representative Concentration Pathway (en français, Profils représentatifs d'évolution de concentration, ndlr), cette trajectoire est celle du scénario catastrophe, bien que nous n'en soyons pas tant éloignés à l'heure actuelle, et implique une utilisation massive de pétrole dans les décennies à venir.

« RCP 8.5 a beau être le cas le plus extrême, c'est aussi malheureusement le plus réaliste et le plus probable, » souligne Louppe.

Ce qui inquiète le plus les scientifiques dans la potentielle propagation vers le nord des ratons laveurs, c'est leur impact sur les forêts nordiques, connues sous le nom de forêts boréales, ajoute Louppe.

« Les écosystèmes de ces régions sont fragiles et singuliers, » déclare-t-il, ils pourraient souffrir de l'introduction d'un nouveau prédateur.

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    C'est particulièrement le cas pour les forêts nordiques européennes et asiatiques où l'expansion des ratons laveurs serait encore plus importante, commente Suzanne MacDonald, professeure à l'université York de Toronto et spécialiste du comportement animal n'ayant pas pris part à l'étude.

    Les ratons laveurs peuvent « complètement bouleverser l'équilibre établi, quel qu'il soit, » assure MacDonald, également exploratrice National Geographic. « C'est ce que l'on constate déjà dans des pays comme le Japon. »

    Ce bouleversement s'explique par le régime de ces animaux, « ils mangent de tout : petits invertébrés, grenouilles, œufs d'oiseaux, oiseaux, petits mammifères, vraiment de tout ! » ajoute-t-elle.

    Bien que les connaissances soient encore minces sur l'impact des ratons laveurs en Europe, « ils pourraient très bien constituer une sérieuse menace pour la faune endémique de ces régions, » observe Agnieszka Perec-Matysiak, chercheure à l'université de Wrocław en Pologne.

     

    AUX CHAMPS COMME À LA VILLE

    Ces créatures s'adaptent particulièrement bien aux villes où ils mènent une vie de rêve au beau milieu des ordures (d'où leur surnom américain de « trash pandas » ou « pandas des poubelles. »)

    « Chaque nuit à Toronto, vous pouvez voir des ratons laveurs dans votre jardin, » témoigne MacDonald. « Et j'ai bien dit toutes les nuits. » Elle s'inquiète notamment de leur potentielle capacité à propager des maladies comme la rage. « Le simple fait d'y penser m'empêche de dormir. »

    Louppe précise que le modèle établi dans l'étude ne tient pas compte de certaines variables écologiques comme la présence de proie ou de prédateurs, il ne faut donc pas le considérer comme une représentation définitive des zones où ces animaux pourraient habiter.

    Cela étant dit, puisque les ratons laveurs mangent de tout, il est fort probable qu'ils puissent survivre dans la plupart de ces régions au climat favorable.

    Pendant ce temps-là, les ratons laveurs continuent d'envahir progressivement les zones non indigènes sans déclencher les alertes qui devraient l'être. « Ils sont mignons, » reconnaît MacDonald, « mais ils sont insidieux. »

    « Les gens ne se rendent pas compte de ce qu'ils font en les important, » conclut-elle. « Ils vont tout décimer sur leur passage dans les pays qui ne se préparent pas à leur arrivée. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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