Ces papillons sentent avec leurs antennes et goûtent avec leurs pattes
Chez certains insectes, les organes sensoriels sont placés à des endroits pour le moins étranges, tels que l'abdomen, les pattes… et les organes génitaux.
Ce papillon de nuit de la famille des Geometridae, photographié ici dans la forêt nationale du Mont Hood dans l'État américain de l'Oregon, compte parmi les espèces de papillons de nuit disposant d'un tympan sur leur abdomen.
Les papillons passent leur vie à battre des ailes pour se déplacer dans les airs et butiner des fleurs colorées. Une vie pour le moins différente de la nôtre à bien des égards.
Leurs différences ne se limitent cependant pas à leur mode de vie. Contrairement à nous, leur organe sensoriel destiné à la gustation ne se situe pas dans leur bouche, mais sous leurs pattes.
Du point de vue des humains, cette idée n’est pas des plus plaisantes : imaginez-vous sentir le goût de tout ce que vos pieds ou vos mains touchent au cours d’une journée.
Bien qu’elle nous paraisse étrange, la position de cet organe sensoriel n’est pourtant pas la plus étonnante du monde animal. Des pattes aux antennes, en passant par les organes génitaux, voici les membres les plus surprenants avec lesquels les insectes voient, entendent, goûtent et sentent ce qui les entoure.
GOÛTER AVEC SES PIEDS
Pour le papillon, sentir le goût de tout ce qu’il touche n’a rien de dégoûtant : au contraire, cette compétence est très utile pour trouver de bonnes fleurs pour se nourrir, mais aussi pour déterminer les meilleures plantes sur lesquelles déposer ses petits.
« Ils doivent s’assurer qu’ils déposent leurs bébés sur la bonne plante », explique Katy Prudic, entomologiste à l’Université de l’Arizona. Grâce à ces récepteurs, les papillons peuvent sentir si leurs chenilles pourront se nourrir sur les différentes plantes sur lesquelles ils se posent.
Les grillons et les criquets, de leur côté, disposent de récepteurs gustatifs dans leur ovipositeur, un organe utilisé par les femelles pour déposer leurs œufs, de sorte qu’ils peuvent détecter si un sol spécifique sera ou non bon pour leur progéniture.
Les guêpes parasitoïdes peuvent réaliser un test gustatif similaire grâce à leurs antennes, qu’elles utilisent également pour tambouriner à la surface des œufs sur lesquels elles pensent pondre leurs propres œufs.
« C’est comme un coup de langue, mais avec davantage de rythme », commente Prudic.
La fausse teigne, comme celle-ci dans le Bedfordshire, au Royaume-Uni, peut entendre à une fréquence plus élevée que n'importe quel autre animal dans le monde, ce qui lui permet d'éviter les chauves-souris.
UNE OUÏE ULTRASENSIBLE
Certains papillons de nuit disposent d’une sorte d’oreille sur leur abdomen, appelée tympan, capable de « détecter l’écholocalisation des chauves-souris en train de les chasser », explique Adrian Carper, entomologiste au musée d’Histoire naturelle de l’Université du Colorado à Boulder.
Trois familles de papillons de nuit sont dotées de cette « oreille » qui les rend ultrasensibles aux ultrasons : les Geometridae, les Pyralidae et les Drepanidae.
Une espèce, la fausse teigne de la cire, est capable de capter des fréquences atteignant les 300 kHz, un record absolu dans le monde animal.
Certaines de ces espèces cessent de voler lorsqu’elles entendent des ultrasons.
Tout comme les espèces de la même famille, comme les criquets et grillons, « les sauterelles sont dotées d’oreilles situées sous leurs genoux, ce qui est amusant », selon Carper.
NUL BESOIN DE NEZ POUR SENTIR
« L’odorat aide les insectes à trouver l’amour, de la nourriture et des amis, et ce tout en évitant de se faire manger », explique Prudic. Pourtant, « ils n’ont pas de nez ».
Les insectes peuvent capter les odeurs grâce à leurs antennes, à leurs pattes et même à des récepteurs olfactifs situés sur leurs organes génitaux, selon l’entomologiste.
UNE VISION MAL PLACÉE
Chez certains insectes, les parties intimes ont une utilité insoupçonnée... et pour le moins étonnante. Les papillons de l’espèce Papilio xuthus, par exemple, peuvent voir avec leurs organes génitaux.
Kentaro Arikawa, de la Graduate University for Advanced Studies au Japon, a découvert en 1980 des cellules photoréceptrices dans les organes génitaux de Papilio xuthus, une espèce originaire de l’est de l’Asie. Dans un article publié en 2001, le scientifique explique que cette capacité à capter la lumière joue un rôle important dans la reproduction de ces insectes volants.
En effet, ces lépidoptères s’accouplant dos à dos, le mâle semble utiliser cet organe photosensible pour s’aligner avec la position de la femelle. Lorsqu’il couvrait ces photorécepteurs, Arikawa a constaté que le taux de réussite de l’accouplement diminuait considérablement, passant de 66 % à environ 28 %.
De même, lorsque ces « yeux » génitaux étaient masqués avant la ponte, les femelles avaient du mal à détecter la surface de la feuille et à y fixer leurs œufs. Lorsque leur « vue » était obstruée, leur taux de réussite chutait donc de 80 % à environ 15 %, voire moins.
Cet article a initialement paru en 2018 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.