Les blattes géantes peuvent faire pousser de gros testicules sur demande

Les blattes souffleuses de Madagascar peuvent être de bons amants ou de vaillants combattants, mais pas les deux.

De Erika Engelhaupt
Publication 20 sept. 2024, 12:04 CEST
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Comme leur nom l'indique, les blattes souffleuses de Madagascar sont capables de produire deux types de sifflement : le premier, puissant et agressif, en situation de combat ; le deuxième, un long et lent « sssssss », pour séduire une femelle.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, Nat Geo Image Collection

Une victoire de plus pour les blattes.

Comme si leur indestructibilité ne leur suffisait pas, ces insectes semblent dotés d'un autre talent caché : des testicules à taille variable. D'après une nouvelle étude, les blattes souffleuses de Madagascar ont le choix entre deux spécialisations : amants, avec de plus gros testicules, ou combattants, avec de plus grandes cornes.

Comme le suggère leur nom, ces blattes sont capables de produire un sifflement, que ce soit pour une lutte acharnée ou les bonnes grâces d'une femelle. « Effrayées, elles produisent un sifflement court, » explique Kate Durrant, biologiste à l'université de Nottingham. Dans un combat, ce sifflement est plus agressif. « Puis il y a un troisième sifflement réservé à la parade nuptiale, un long et lent "sssssss", » ajoute-t-elle.

Malgré ce pouvoir de séduction digne des plus grands chanteurs lyriques, les mâles doivent souvent en venir aux pattes pour impressionner leur potentielle partenaire. Leur spécialité ? La charge, à l'aide des deux excroissances qui leur servent de cornes.

« Après s'être mutuellement rué le derrière de coups et avoir essayé de retourner leur adversaire, l'un ou l'autre finira par jeter l'éponge et la femelle s'accouplera généralement avec le vainqueur, » indique Durrant. « C'est là qu'intervient le sifflement de séducteur. »

Après avoir remarqué un écart de taille entre les cornes de différentes espèces de blattes, Darrant et sa collègue Sophie Mowles se sont demandé si les deux espèces utilisaient des stratégies de reproduction distinctes.

« Nous avons mesuré l'agressivité de chaque espèce et ceux avec les plus grandes cornes étaient définitivement plus agressifs, » explique Durrant. « Mais en regardant de plus près l'espèce aux cornes réduites, on a remarqué qu'ils avaient des testicules nettement plus gros que les autres. »

Ce constat s'applique à la comparaison entre deux espèces, mais aussi aux mâles d'une même espèce. Et voilà qui est d'autant plus surprenant, car cela signifie que les individus mâles peuvent faire le « choix », certes inconscient, d'investir dans des cornes ou des testicules.

Il y a fort à parier que les mâles les moins bien dotés en armement choisissent de développer leurs testicules pour produire plus de sperme, suggère Darrant. Quoi qu'il en soit, favoriser la croissance des cornes ou des testicules requiert un investissement énergétique conséquent, c'est donc une question de compromis. Une blatte peut investir cette énergie dans le développement de ses cornes et ainsi augmenter ses chances de triomphe sur le champ de bataille, ou consacrer ces ressources à des testicules plus imposantes qui produisent beaucoup de sperme, afin de maximiser sa fécondité lors de l'accouplement avec une femelle. En revanche, l'insecte ne pourra pas faire les deux.

Mais alors, comment un individu mâle sait-il s'il doit investir dans de plus gros testicules pour compenser de petites cornes ? Certains insectes peuvent changer la taille des parties de leur corps pendant leur passage à l'âge adulte, une phase appelée mue imaginale, nous explique Durrant. Selon la situation de l'insecte à ce stade, les ressources corporelles peuvent être dirigées vers le développement de différentes parties du corps adulte. Par exemple, les bousiers préfèrent miser sur de grandes cornes au détriment de leurs yeux et lorsque des juvéniles perdent leurs cornes avant l'âge adulte, ils développent de plus grands yeux lors de la mue imaginale.

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    On retrouve souvent de grands testicules chez les espèces où la femelle s'accouple avec plusieurs mâles. Accroître la production de sperme augmente les chances du mâle à la loterie de la fertilité ; dans certains cas, cela peut permettre au mâle de s'accoupler avec un plus grand nombre de femelles.

    PHOTOGRAPHIE DE Steve Hamblin, Alamy

    Outre leur taille évolutive, les testicules des blattes souffleuses ne sont pas particulièrement grands par rapport à d'autres espèces. La palme des plus grands testicules au monde par rapport à la taille revient aux ophiures (Ophiocoma alexandri), des créatures marines dont les testicules peuvent atteindre 40 % de la masse corporelle, indique Karim Vahed de l'université de Derby. Cette espèce proche de l'étoile de mer doit produire beaucoup de sperme, car celui-ci est projeté dans la mer où il doit ensuite dériver jusqu'à trouver une femelle.

    Le précédent détenteur du record était une sauterelle étudiée par Vahed avec des testicules atteignant 11 % de la masse corporelle. Peut-être pouvons-nous encore lui accorder le record terrestre des testicules les plus imposants.

    On retrouve souvent de grands testicules chez les espèces où la femelle s'accouple avec plusieurs mâles, indique Vahed. Accroître la production de sperme augmente les chances du mâle à la loterie de la fertilité ; dans certains cas, cela peut permettre au mâle de s'accoupler avec un plus grand nombre de femelles.

    Selon Vahed, les blattes ne seraient pas les seules créatures à échanger défenses contre testicules. Chez certaines espèces de bousiers, par exemple, les individus massifs avec de grandes cornes ont de petits testicules. « Les mâles "mineurs", plus petits avec de plus gros testicules, semblent adopter une stratégie de reproduction différente : au lieu de protéger avec agressivité les terriers et les femelles, ils s'introduisent discrètement dans les terriers pour usurper la paternité des mâles à cornes, » raconte Vahed.

    Cela dit, tous les animaux ne sont pas capables d'un tel compromis. Une étude menée sur des ongulés comme le cerf, le bétail et les antilopes montre l'absence de corrélation entre la taille des défenses (cornes ou bois) et la masse des testicules, précise Vahed.

    Et il en va de même pour les humains, à moins qu'ils soient suffisamment stupides pour utiliser des stéroïdes afin d'améliorer leurs performances… et il est fort probable que le résultat ne leur plaise pas.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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