La Chine légalise le commerce de cornes de rhinocéros et d'os de tigre à des fins médicales
Cette décision fait craindre aux conservationnistes un revers majeur pour les populations sauvages.
En Chine, les cornes de rhinocéros et les os de tigres peuvent désormais être utilisés légalement dans la recherche médicale ou dans le cadre de la médecine traditionnelle, suite à l'annonce controversée faite ce matin par le gouvernement chinois. Selon celle-ci, les spécimens d’animaux ne peuvent être obtenus que dans les fermes d'élevage, mais les défenseurs de la nature affirment que cette mesure surprenante pourrait ouvrir la porte à une recrudescence des activités illégales et menacer des populations animales vulnérables.
Cette décision est jugée « très préoccupante » par Leigh Henry, directrice de la politique faunique chez WWF. Identifier quels animaux ont été obtenus légalement dans des fermes et non capturés à l'état sauvage serait extrêmement compliqué. Cette décision pourrait donc avoir pour conséquence, selon elle, de protéger les trafiquants. Les rhinocéros et les tigres sont tous deux menacés d'extinction à l'état sauvage et leur commerce est interdit. « Le WWF demande instamment à la Chine de maintenir l'interdiction du commerce des os de tigre et des cornes de rhinocéros, qui a joué un rôle crucial dans la conservation de ces espèces emblématiques. Cela devrait être étendu pour couvrir le commerce de toutes les pièces et produits dérivés du tigre », indique-t-elle encore.
L'action de la Chine contraste fortement avec les mesures prises par le pays pour lutter contre le braconnage au cours des dernières années. Le pays dispose depuis 25 ans d'une interdiction empêchant l'importation ou l'exportation de ces produits. Et la Fédération mondiale des sociétés de médecine chinoise - le groupe officiel qui dicte ce qui peut être utilisé en médecine traditionnelle - a également supprimé la corne de rhinocéros et les os de tigre de sa liste de produits approuvés pour une utilisation sur des patients (bien que le marché existe toujours).
Il y a deux ans, la Chine a également annoncé qu'elle fermerait son marché intérieur d'ivoire fin de 2017, ce qui lui avait valu de nombreuses éloges. Les groupes de protection de la nature ont plaidé en faveur de cette initiative car elle était nécessaire pour réduire la demande en ivoire et empêcher le braconnage des éléphants d’Afrique.
Debbie Banks, responsable de la campagne Tiger à la Environmental Investigation Agency, une organisation non-gouvernementale basée à Londres et à Washington, a déclaré que l'annonce minait la position de la Chine sur la protection de la faune. « La réputation de la Chine en tant que chef de file en matière de conservation suite à son interdiction nationale de la vente d'ivoire tombe en lambeaux », déclare-t-elle par email. « L'actualité, dit-elle, met sérieusement en péril la survie future des tigres sauvages en stimulant la demande pour des parties de leurs corps », ajoutant que cela mettait également les rhinocéros en danger en Afrique et en Asie. Cette décision est selon elle « une étourdissante démonstration de mépris de l’opinion mondiale. »
La raison pour laquelle la Chine a pris cette mesure reste incertaine. Les autorités chinoises n'ont pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires. Mais le nombre croissant de fermes de tigres en Chine et les efforts déployés pour y élever des rhinocéros pourraient être un facteur déterminant, selon des groupes environnementaux. « Nous sommes préoccupés depuis longtemps par les fermes de tigres en Chine et par le nombre croissant de fermes là-bas », indique Leigh Henry. « Les tigres en captivité coûtent extrêmement cher à nourrir et à soigner. Par conséquent, à mesure que ces chiffres grandissaient, le gouvernement chinois a fait pression pour autoriser un commerce réglementé des produits dérivés du tigre. La décision de la Chine correspond à ce que beaucoup d'entre nous craignent depuis plus de dix ans. » En 2013, la Environmental Investigation Agency avait signalé que plusieurs milliers de tigres étaient détenus dans des centaines de fermes à travers le pays. En outre, la Chine aurait également commencé à importer des rhinocéros pour des projets agricoles.
Susan Lieberman, vice-présidente en matière de politique internationale à la Wildlife Conservation Society, une organisation non gouvernementale basée à New York oeuvrant pour la conservation mondiale, estime également que le nombre croissant de fermes d'élevage pourrait être un facteur déterminant dans la décision chinoise. Selon elle, la nouvelle législation de l'utilisation des os de tigre et de la corne de rhinocéros sera une victoire majeure pour les trafiquants. Sans tests ADN de ces produits, il sera impossible de déterminer si ils proviennent d'une ferme d'élevage ou de l'habitat naturel de l'animal.
La corne de rhinocéros est faite de kératine, une protéine présente dans les ongles et les cheveux, que l'on associe à tort à un remède destiné à tout traiter, du cancer jusqu'à la goutte, lorsqu'il est consommé sous forme de poudre. Il n'y a cependant aucun bénéfice médical prouvé scientifiquement chez l’Homme. Les rares preuves apportées affirmaient que la corne de rhinocéros pouvait d'une certaine manière contribuer à réduire les excès de fièvre chez les rongeurs. Il est certain que les médicaments moins chers et plus facilement disponibles, tels que l’acétaminophène ou l’aspirine, sont bien plus efficaces, explique Lieberman. Il a été dit que les os de tigre broyés et transformés en pâte pouvaient traiter une variété de maux, y compris les rhumatismes et les maux de dos. Mais Lieberman est formel : « Il n'y a à ma connaissance aucune preuve de cela. »
Article initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.