La science à la rescousse du pangolin, l'animal le plus braconné au monde
Des chercheurs ont mis au point une technique simple et facile d'utilisation pour prélever des empreintes digitales sur les écailles des pangolins.
Les pangolins seraient les mammifères les plus braconnés au monde. Des chercheurs britanniques de l'Université de Portsmouth et de la Zoological Society of London (ZSL), une organisation à but non lucratif, viennent de tester avec succès une méthode permettant de prélever des empreintes digitales sur les écailles des pangolins. Pour cela, ils ont eu recours aux transferts d'empreintes en gélatine, de petites feuilles dotées d'un côté adhésif qui sont souvent utilisées par les techniciens en identification criminelle pour prélever les empreintes digitales ou d'autres preuves. Cette technique relativement simple pourrait ainsi permettre aux autorités du monde entier d'identifier les braconniers et les trafiquants qui ont manipulés les écailles des pangolins.
Au cours des dix dernières années, un million de pangolins ont été victimes du braconnage. Leurs écailles sont principalement utilisées en médecine traditionnelle asiatique tandis que leur viande est très recherchée dans la région. Les quatre espèces asiatiques de pangolins sont en danger critique d'extinction. Comme les pangolins se font rares en Asie, les braconniers se tournent désormais vers les quatre espèces du continent africain, mais ces dernières sont également menacées. Le commerce international de pangolins ou de parties de l'animal est pourtant interdit.
« Personne, à notre connaissance, n'utilise les transferts d'empreintes pour enquêter sur les crimes liés aux espèces sauvages. C'est la première fois que des empreintes digitales sont prélevées sur des écailles de pangolin », a indiqué dans un email Christian Plowman, un ancien détective de Scotland Yard et conseiller en matière d'application de la loi au ZSL. C'est autour d'un café avec Brian Chappell, son ancien chef de la Police Métropolitaine désormais maître de conférence à l'Université de Portsmouth, que les deux hommes ont eu cette idée.
« Nous tentions de trouver une méthode simple, facile d'utilisation, qui pourrait servir dans de nombreux environnements tout en présentant le moins de complications possible », a expliqué Christian Plowman.
Les gardes des réserves naturelles présents sur le terrain doivent rapidement prélever les indices pour minimiser les risques de rencontrer les braconniers susceptibles d'être encore sur place. Par conséquent, pour Brian Chappell, les kits de relevés d'empreintes digitales qui nécessitent poudre, pinceaux et adhésifs sont trop encombrants et la méthode de prélèvement des empreintes trop longue. Les deux hommes se sont donc dit « Pourquoi ne pas essayer le transfert d'empreintes en gélatine ? »
Des chercheurs de l'université ont testé la technique sur des écailles de pangolins, qu'ils ont obtenus auprès des autorités frontalières du Royaume-Uni. Les écailles ont au préalable été manipulées par plusieurs individus avant que les chercheurs n'utilisent des transferts d'empreintes en gélatine pour obtenir leurs images. Ces dernières ont ensuite été placées dans un lecteur biométrique spécialement conçu pour lire les empreintes prélevées avec ces transferts en gélatine.
Les premiers résultats étaient prometteurs : près de 90 % des transferts d'empreintes réalisées sur les écailles de différentes espèces de pangolins étaient nets. La méthode est actuellement testée sur le terrain par des gardes de réserves au Cameroun et au Kenya. Christian Plowman et Brian Chappell précisent que la technique avait déjà été utilisée par des rangers kenyans pour prélever des empreintes digitales sur des défenses d'éléphants. Quant aux chercheurs de l'Université de Portsmouth, ils ont réussi à obtenir des empreintes depuis des plumes d'oiseaux.
Jac Reed, technicienne supérieure en criminalistique à Portsmouth et ancienne technicienne en identification criminelle qui a travaillé sur le projet, a déclaré que l'atout de cette technique repose sur son « accessibilité ».
« Cette technique est aussi très importante pour lutter contre le braconnage dans les pays en développement qui n'ont peut-être pas accès à des technologies plus avancées et ne peuvent s'offrir un équipement médico-légal coûteux », a indiqué Jac Reed dans un communiqué.
« C'est une technique prometteuse pour combattre le commerce illégal de pangolins », a indiqué Paul Thomson, biologiste de conservation et co-fondateur de l'organisation à but non lucratif Save Pangolins qui n'a pas pris part au projet. Elle pourrait en effet permettre aux enquêteurs de remonter jusqu'aux braconniers ou aux intermédiaires. Toutefois, il souligne que c'est l'arrestation des chefs des réseaux de crime organisé qui est critique pour mettre un terme au braconnage. « Ces techniques avancées doivent être appliquées à chaque étape de la chaîne de la criminalité liée aux espèces sauvages », a-t-il ajouté dans un email.
Mais les trafiquants apprennent vite. Brian Chappell admet qu'en cas d'une application répandue de cette technique, ceux qui manipulent les écailles pourraient tout simplement commencer à porter des gants. En plus des bénéfices que représente cette technique pour l'enquête et la poursuite des criminels, elle démontre également que certaines techniques existantes au sein de la police judiciaire peuvent être utilisées dans le cadre de la criminalité contre les espèces sauvages.
Brian Chappell précise qu'il faut maintenir cette dynamique, pour montrer aux criminels que de plus en plus de techniques innovantes sont utilisées pour empêcher et détecter le trafic d'animaux sauvages.
Wildlife Watch est un projet d'articles d'investigation entre la National Geographic Society et les partenaires National Geographic. Ce projet s'intéresse à l'exploitation et à la criminalité liées aux espèces sauvages. N'hésitez pas à nous envoyer vos conseils et vos idées d'articles et à nous faire part de vos impressions sur ngwildlife@natgeo.com.