La vie incroyablement trépidante des fourmis
Les fourmis sont des insectes sociaux appartenant à l’ordre des hyménoptères qui comptent plusieurs milliers d’individus, ce qui en fait l’insecte le plus répandu sur Terre.
Les Myrmica rubra sont communément appelées fourmis rouges. Elles sont l’une des nombreuses sous-espèces, englobées dans les 15 700 espèces de fourmis connues dans le monde entier.
Connues pour leur remarquable organisation et leur capacité à construire des colonies très sophistiquées, elles semblent ne jamais s’arrêter de travailler. Leur organisation est comparable à celles des abeilles domestiques et des guêpes. On connaît près de 15 700 espèces de fourmis partout dans le monde, excepté en Antarctique. Elles atteindraient en réalité le double, soit 31 400, selon les scientifiques.
Parfois identifiées par leur couleur noire ou rouge, elles peuvent également être jaune ou marron. Les colonies dans lesquelles elles évoluent sont de véritables sociétés composées de plusieurs castes : les reines, qui peuvent vivre jusqu’à 30 ans, les ouvrières qui ont une espérance de vie de quelques mois à trois ans, et les mâles qui ne vivent que le temps de se reproduire, soit à peine quelques semaines.
UN RÔLE PRÉPONDÉRANT POUR LES ÉCOSYSTÈMES
Attachantes, et même fascinantes, elles souffrent de la méfiance et de l’ignorance du grand public qui préfère s’en désintéresser, quand il n’essaie pas de s’en débarrasser. Ces petites bêtes à six pattes sont pourtant “d'une importance capitale pour le maintien des écosystèmes”, expliquent les myrmécologues Antoine Wystrach et Audrey Dussutour, dans un ouvrage dédié à ces ouvrières miniatures.
Lors des fortes chaleurs estivales, on peut observer des essaims de « fourmis volantes ». Il s’agit des futures reines et des mâles, sortis du nid pour se reproduire. Immédiatement après l’accouplement, toutes les fourmis femelles arrachent leurs ailes et partent à la recherche d’un endroit où fonder leur propre colonie.
Se nourrissant de déchets organiques, d’insectes et d’animaux morts, ce sont d’excellentes nettoyeuses de l’environnement et en construisant leurs galeries, elles contribuent à l’aération des sols. Elles sont source de nourriture pour les oiseaux et les petits animaux, mais de plus grands prédateurs, tels les ours, se régalent aussi des larves de fourmis charpentières débusquées au creux des arbres.
Dans L’Odyssée des fourmis, ces amoureux des Formicidae nous révèlent l’importance du rôle des différentes espèces et nous éclairent sur leur fonctionnement et leur stupéfiant mode de vie. Dotées d’un sens aigu de l’orientation elles sont capables de se déplacer sur de longues distances, et fines stratèges, parviennent à user de tactiques de diversion pour éviter leurs ennemis. Ainsi, elles peuvent traverser sans encombre les milieux les plus hostiles quand elles rapportent leur nourriture dans leur nid.
UN HABITAT SINGULIER
Sur un seul arbre d’Amazonie, cinquante espèces cohabitent en ayant chacune son fonctionnement. Certaines fourmilières comprennent une seule chambre et d’autres des milliers reliées par des galeries complexes. Il existe autant d’habitats différents qu’il y a d’espèces. Les individus qui font partie de celles des « coupeuses de feuilles », bâtissent des structures « cathédrales » immenses dans lesquelles elles construisent des petites cheminées à la surface du nid et, en orientant l’arrivée de l’air à l’intérieur de la colonie, elles parviennent à réguler la température jusqu’à 8 m de profondeur. Un climatiseur naturel ingénieux !
D’autres fourmis construisent leur habitat dans les arbres où, comme si elles tissaient avec un métier à tisser, vont utiliser de jeunes larves et plier les feuilles pour fabriquer leur nid. Plus étonnant encore, les fourmis « légionnaires » quant à elles, utilisent leur corps. En s’imbriquant les unes avec les autres, elles forment des bivouacs (boules de fourmis), construisant ainsi un habitat à l’intérieur desquels dans on va retrouver des milliers et des milliers de fourmis.
La taille des individus d’une colonie correspond à la fonction de chaque fourmi. La reine est deux à trois fois plus grande qu’une ouvrière, comme on l’observe ici avec une reine Lasius niger et son ouvrière.
Selon les espèces, les colonies ont une taille différente et la taille des individus correspond à leur rôle et leur spécificité. Les petites colonies peuvent compter une trentaine d’individus et les plus grandes (fourmis agricultrices ou fourmis légionnaires) peuvent contenir plusieurs millions d’individus au sein de la même colonie. On observe des colonies qui tiennent dans un espace aussi réduit qu’un petit gland et d’autres dans l’équivalent d’un appartement de cinq pièces.
Les portraits que nous livrent les auteurs sont étonnants et laissent entrevoir l’intelligence collective de ce « superorganisme » : les ouvrières ont une apparence qui correspond à leur fonction, les plus imposantes étant des gardiennes, « les soldates » qui protègent la colonie dans laquelle on retrouve plusieurs catégories d’individus.
Parmi eux, des éclaireuses, chargées de baliser le chemin vers la nourriture grâce aux phéromones qu’elles déposent sur le sol. Chaque colonie dégage sa propre odeur, identifiable par tous ses membres, et qui leur permet de communiquer entre elles et se protéger.
On trouve également des nageuses (leur pattes sont recouvertes d’une cire qui repousse l’eau), des haltérophiles (leur force herculéenne leur permet de soutenir une pièce de 10 centimes, l’équivalent pour elles de trois baleines bleues à bout de bras pour un humain). Ou encore des médecins, des éleveuses, des kamikazes (elles font exploser leur abdomen en libérant une substance toxique qui sera fatale à leurs adversaires), des voleuses, des planeuses (les Cephalotes atratus qui vivent dans les arbres sont pourvues de très longues pattes arrière leur permettant de planer), des droguées (à la substance sécrétée par un petit coléoptère qu’elles ingèrent), des esclaves… Certaines fourmis vont accomplir la même tâche toute leur vie, d’autres changeront de rôle en fonction de leur âge.
Les fourmis agricultrices appartenant aux espèces Formica et Myrmica (cette dernière représentée ici) élèvent les pucerons pour recueillir le miellat qu’ils excrètent.
Une troisième espèce de fourmis agricultrice la plus répandue en France, la Lasius.
Au sein des sociétés que la chercheuse Audrey Dussutour définit plutôt comme des familles, les fourmis s’occupent de leurs plus jeunes sœurs à qui elles transmettent leur savoir, nourrissent les larves, et construisent leur habitat qu’elles protègent farouchement des dangers extérieurs et des aléas climatiques. Mais leur habitat n’est pas le seul domaine dans lequel on peut observer leur intelligence. Les fourmis peuvent être éleveuses et agricultrices en créant des élevages de pucerons qu’elles abritent dans les hautes herbes pour les protéger de leurs prédateurs. En échange de cette protection, ils offrent leur excrétions : le miellat, constitué principalement de sève sucrée que les éleveuses récupèrent en tapotant leur abdomen.
AU FAIT DE LA SCIENCE
On pourrait également considérer les fourmis comme des scientifiques capables d’inventer des traitements. Elles ont développé des mécanismes de défenses naturelles à grand renfort d’hygiène (en utilisant leurs antennes et leur bouche pour se nettoyer les unes les autres) et de méthodes diverses pour se prémunir des maladies. Elles abritent des bactéries capables de « soigner » les champignons potentiellement infectés par des parasites. Quand un individu se trouve infecté par des maladies, elles vont l’isoler et tenter de le soigner. Si elles échouent, la fourmi malade va d’elle-même quitter le nid, se terrer plus loin pour mourir, épargnant ainsi la colonie.
UN CODE DE LA ROUTE TRES RESPECTÉ
Chez les fourmis, interdiction de doubler ! Dans les longues files qui mènent au nid, les fourmis en charge de la nourriture sont prioritaires. Ces récolteuses occupent le centre de la route et sur les côtés, se trouvent les fourmis qui se dirigent vers la source de nourriture. Elles fluidifient ainsi le trafic en créant un double sens logique.
Chez les fourmis, pas d’embouteillage, même sur un petit brin d’herbe. Les individus chargés de vivres retournent vers le nid par le dessus, les autres se dirigent vers la source de nourriture par en-dessous.
Organisées, disciplinées, résistantes, utiles… leur intelligence collective exceptionnelle est tout simplement fascinante et leur étude permet de mettre au jour de nouveaux aspects de leur comportement qui pourraient se révéler très inspirants.