Le baby-boom des dugongs, une excellente nouvelle pour la Grande Barrière de corail
En Australie, ces herbivores lents font leur grand retour grâce à l'abondance d'algues.
Rares sont les bonnes nouvelles lorsque l'on parle de la Grande Barrière de corail bien mal en point située en Australie, mais certains de ses animaux les plus grands semblent survivre aux difficultés.
Selon des relevés aériens récemment publiés et effectués en novembre dernier, le nombre de dugongs (un animal de la famille du lamantin) a fait un bond dans la région située au sud du récif corallien.
Il semblerait même que le mammifère marin connaisse un baby-boom. D'après le rapport de l'Autorité du parc de la Grande Barrière de corail, sur les 5 500 animaux recensés, 10 % d'entre eux étaient des bébés.
Le dernier relevé réalisé en 2011 n'avait recensé aucun bébé dugong, suite à un puissant cyclone ayant décimé les herbiers marins, péché mignon de ces herbivores.
Les prairies sous-marines ont depuis regagné du terrain le long du rivage, et avec elles, ces mammifères. Les femelles ont besoin d'une grande quantité de ces plantes nutritives pour pouvoir enfanter.
Il s'agit là d'une « excellente nouvelle pour cette espèce, classée comme vulnérable sur la liste rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature », se réjouit par e-mail Susan Sobtzick, co-auteure du rapport et écologiste spécialisée en milieux côtiers et estuariens.
LES TEMPÊTES, NÉFASTES AUX HERBIERS SOUS-MARINS
Le dugong qui fait partie, avec les trois espèces de lamantins, de l'ordre des siréniens. Il évolue dans les eaux peu profondes de l'Indo-Pacifique. La population la plus importante se trouve au nord de l'Australie, de la baie Shark à l'ouest à la baie de Moreton située à l'est.
Si à l'origine, ces animaux étaient des proies faciles pour les chasseurs (en raison de la lenteur de leurs mouvements), le développement des côtes et le déclin des prairies sous-marines sont les menaces les plus importantes auxquelles ils doivent aujourd'hui faire face. Ils courent également le risque d'être pris au piège dans des filets de pêche ou des filets anti-requins protégeant certaines plages de baignade australiennes.
Neuf mois après les ravages du cyclone Yasi en 2011, « le nombre de dugongs était au plus bas depuis le début des relevés en 1986 », explique Susan Sobtzick. Les scientifiques avaient découvert moins de 600 animaux, quand 187 mammifères étaient morts ou agonisaient, échoués le long de la côte.
D'importantes inondations dans le sillage des sédiments du cyclone rejetés dans l'océan auraient vraisemblablement détruit les algues marines.
Janet Lanyon, spécialiste des dugongs à l'université du Queensland qui n'a pas participé à la nouvelle étude, ajoute que « les herbiers sous-marins ont un apport énergétique et nutritif faible, les dugongs doivent donc en manger en grande quantité pour rester en forme ».
« Si les fortes précipitations et les inondations côtières se poursuivent, les dugongs sont voués à un sombre avenir », affirme-t-elle. « Si le changement climatique donne lieu à l'augmentation de catastrophes naturelles, les dugongs en paieront inévitablement le prix. »
Selon les experts, on ne sait pas pour l'heure si le réchauffement rapide de la mer, qui a provoqué la décoloration et la disparition d'immenses étendues de coraux dans la Grande Barrière, a des conséquences néfastes sur les dugongs.
NE PAS SE RÉJOUIR TROP VITE
La légère hausse de bébés dugongs est une « très bonne raison de sortir le champagne », déclare Tooni Mahto, militante de la première heure auprès de l'organisation à but non lucratif Australian Marine Conservation Society basée à Brisbane.
Elle appelle néanmoins à la prudence.
« Le nombre de dugongs là-bas ne représente toujours qu'environ 3 à 5 % des chiffres historiques », explique Tooni Mahto qui n'a pas participé à ce nouveau rapport.
D'après elle, les dugongs ont durement souffert du développement du sud du Queensland, notamment des filets anti-requins installés à proximité des plages, où les animaux se sont retrouvés pris au piège.
« Les dugongs ayant une vitesse de rétablissement très lente (au sens où leur portée ne comporte pas de nombreux petits), une partie de l'augmentation de la population au sud doit être due à une immigration venue du nord », ajoute-t-elle.
« Par conséquent, je ne pense pas que ces résultats indiquent une explosion du nombre de dugongs dans la région sud, mais plutôt qu'il a augmenté par rapport aux relevés précédents qui étaient désastreux. »
Les auteurs du rapport confirment que le nombre de dugongs varie en fonction des migrations des animaux, qui partent à la recherche d'herbiers marins plus luxuriants. Que le retour de ces plantes aient pu renforcer leurs rangs n'en est pas moins encourageant.
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