Les coyotes volent les proies des pumas... à leurs risques et périls

Manger ou être mangé ? Ces carnivores de taille moyenne volent plus souvent la nourriture des grands prédateurs que l’on ne le pensait.

De Christine Peterson
Publication 12 avr. 2022, 16:52 CEST
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Enfoncé dans la neige, un coyote (Canis latrans) se tient en alerte. Il n’est pas rare que ces prédateurs rusés essaient de voler les proies capturées par les pumas (Puma concolor), au péril de leur vie.

PHOTOGRAPHIE DE Tom Murphy, Nat Geo Image Collection

Les coyotes (Canis latrans) sont bien connus pour leurs capacités d’adaptation et leur habileté à ruser. Ces atouts ont permis à ces créatures rusées de recoloniser une grande partie de leur ancien habitat et de s’étendre jusqu’aux régions dominées par les humains, dans lesquelles ils ne s’aventuraient pas auparavant.

Ces carnivores de taille moyenne, aussi appelés mésocarnivores, se méfient des Hommes. Pourtant, ils n’hésiteront pas à prendre de grands risques auprès de prédateurs non humains. Une nouvelle étude démontre que les coyotes essaient souvent de voler les proies tuées par les pumas (Puma concolor) ou de s’en nourrir, par exemple des cerfs ou des élans (Alces). Toutefois, cette prise de risque a un coût. Il n’est pas rare que les pumas mangent des coyotes.

Des chercheurs dans l'Oregon, aux États-Unis, ont récemment découvert que les pumas tuaient environ un quart de l’ensemble des coyotes présents sur l’une des zones d’étude. Une des raisons de ce phénomène pourrait être la concurrence pour les proies. L’étude a révélé que la viande d’élan constituait plus de la moitié du régime alimentaire des coyotes.

La recherche, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences fait partie d’un ensemble de récentes études exposant les risques que prennent les carnivores de taille moyenne, bien plus nombreux que ce qui avait été estimé. Au total, les grands carnivores, dont les pumas et les loups (Canis lupus) sont responsables d’un tiers des morts des mésocarnivores dans le monde. En comparaison, les proies dérobées comptent pour 30 % du régime alimentaire de ces plus petits prédateurs, qui comprennent les coyotes, les lynx roux (Lynx rufus) et les ours noirs (Ursus americanus).

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Un coyote mâche un grand os, ici le fémur d’un bison (Bison), au parc de Yellowstone. Les coyotes utilisent des techniques de charognards ou volent les proies de plus grands prédateurs pour survivre.

PHOTOGRAPHIE DE Tom Murphy, Nat Geo Image Collection

« Il est tout à fait possible que, malgré les risques, les coyotes ne puissent pas s’empêcher » de s’approcher des cerfs et autres animaux similaires fraîchement tués, suppose Laura Prugh, professeure à l’université de Washington, également auteure d’un article détaillant ces relations publié dans la revue Ecology Letters en 2020. « Néanmoins, il est également possible qu’ils soient capables d’évaluer le risque en fonction des signes attestant de la présence proche des grands carnivores ou en étant plus vigilants. »

Cette prise de risque se déroule différemment en fonction de l’écosystème et des espèces impliquées. Les articles à ce sujet soulignent systématiquement que le retrait d’un carnivore d’un environnement, ou le retour d’un autre, entraîneront généralement des conséquences difficiles à prévoir.

« La présence des chats affecte les coyotes. Les coyotes affectent la présence des chats. Les loups affectent les coyotes et les coyotes affectent les loups », résume Kevin Monteith, chercheur à l’université du Wyoming. « Toutes leurs actions sont interdépendantes. »

 

LE RAISONNEMENT D’UN CARNIVORE

Lors de l’étude des loups gris en Alaska, Laura Prugh a découvert un phénomène qu’elle appelle « l’attraction fatale ». La principale théorie stipulait que les grands prédateurs surveillaient les plus petits prédateurs. Pourtant lorsque le nombre de lièvres d’Amérique (Lepus americanus) a chuté dans sa zone d’étude, les coyotes ont commencé à davantage se nourrir des cadavres des proies des loups. La chercheuse s’est alors demandé si la présence de grands prédateurs n’était pas plutôt bénéfique pour les mésocarnivores.

Il s’avère que c’est le cas. En quelque sorte. Elle a pu démontrer que les coyotes s’attardaient dans les zones où se trouvaient des meutes de loups pour tenter de s’approprier leurs proies. Elle a aussi découvert que les risques que les coyotes soient tués par les loups augmentaient.

« Peut-être que ces zones de chasse ne constituent pas uniquement un repas gratuit. »

Pourquoi toute cette attention autour des coyotes ? Ils font partie des plus grands acteurs de la population des mésocarnivores d’Amérique du Nord. Ils sont présents de l’Alaska au Panama, et peut-être même encore plus au sud. Ils sont intelligents, se reproduisent facilement, montrent une grande capacité d’adaptation et sont souvent prêts à prendre des risques pour se nourrir.

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    Dans l’article du PNAS, les chercheurs ont posé des colliers sur des coyotes, des pumas, des ours noirs et des lynx roux. Ils ont installé des caméras de surveillance dans les zones de chasse pour observer les animaux qui s’y rendaient et suivre leurs mouvements. Les résultats ont révélé que les ours noirs évitaient les pumas et ne se rendaient pas souvent dans ces sites de chasse. Aussi, les lynx roux ne se souciaient que peu des pumas ou de leurs proies.

    Non loin de là, dans les versants truffés de sauge et de genévriers du Wyoming, les chercheurs ont découvert que les coyotes évitaient le plus souvent les régions peuplées par les pumas. Les données recueillies grâces aux colliers émetteurs ont montré que les coyotes restaient à l’écart des régions arborées et rocheuses, lesquelles aident les pumas à chasser, sauf s’ils sentaient ou détectaient la présence de nourriture, rapporte Mitchell Brunet, auteur d’un article récemment publié dans Ecology and Evolution.

    Les chercheurs du Wyoming et de l’Oregon ont constaté que même si les proies des pumas formaient une partie non négligeable de l’alimentation des coyotes, ils ne présentaient pas beaucoup plus de risques de mourir en se nourrissant dans une zone où l’attaque venait d’être commise. Selon les spécialistes, il est possible que lorsque les coyotes savent qu’ils évoluent dans un endroit risqué, ils restent davantage en alerte.

    « Les coyotes sont très vigilants » dans les zones de chasse, explique Taal Levi, professeur à l’université d’État de l’Oregon, coauteur de la récente étude publiée dans le PNAS. « Généralement, ils ne sont pas seuls. Il peut y avoir des signaux d’alarme, plusieurs yeux et oreilles à l’affût. Un groupe de coyote dispose de certains avantages pour rapidement identifier la présence d’un puma ou pour assurer sa défense. »

    La méta-analyse de Laura Prugh, portant sur deux-cent-cinquante-six études à travers le monde, a révélé de grandes similitudes. Globalement, les grands prédateurs tuent un grand nombre de prédateurs moyens mais chacune de ces relations a ses propres particularités. Les pumas tuent les coyotes et s’en nourrissent souvent. Les loups se contentent de tuer les coyotes. Parfois, ils les décapitent et enterrent leur tête dans la neige. Les ours noirs en Europe volent non seulement 40 à 60 % des proies des lynx boréaux (Lynx lynx) mais les font fuir en prime. Le taux de perte de nourriture des lynx au profit des ours est si haut que Prugh l’appelle « la taxe des ours ».

    Alors que les pumas et les loups tuent les coyotes en Amérique du Nord, ces derniers survivent également en s’organisant en groupe pour piller les proies, en étant plus attentifs et en s’adaptant à la vie en présence des humains.

    Les autres carnivores similaires n’ont pas toujours la même chance dans certaines régions d’Afrique. Chaque grand prédateur de plus, y compris les pumas, les hyènes (Hyaenidae), les léopards (Panthera pardus) et les guépards (Acinonyx jubatus), exerce une « forte pression supplémentaire » sur les mésocarnivores en « rétrécissant cet espace dépourvu d’ennemis ».

     

    ENTRE LA PEUR ET LA FAIM

    La dépendance des mésocarnivores sur les proies des grands prédateurs peut démontrer la variation de l’impact des prédateurs sur les populations de gros gibier. Son importance, elle, dépendra d’à qui vous posez la question, déclare M. Levi.

    « Si vous les détestez, vous pourriez dire qu’il faut tuer les pumas, parce qu’en plus de tuer des cerfs, ils entretiennent une grande population de coyotes qui elle aussi s’attaque aux cerfs », explique-t-il. « Vous pourriez aussi dire qu’il faut préserver les pumas parce qu’ils détournent l’attention des coyotes des cerfs en leur apportant des élans. Qu’importe le raisonnement, des incertitudes demeurent. »

    Les chercheurs veulent tout de même savoir si les mésocarnivores présentent plus de risques de mourir en rôdant autour des sites de chasse. Il est possible que les espèces comme le coyote soient simplement exposées au risque d’être tuées par des pumas ou des loups, quel que soit l’endroit où elles se trouvent.

    En revanche, les scientifiques savent que la faim est également un facteur de motivation, au même titre que la peur de la mort, et ce, même pour des espèces prédatrices comme les coyotes et les renards.

    « Si vous avez une chance sur cinq de mourir, en considérant l’estimation par nombre d’habitants, c’est très risqué », soutient M. Levi. « On pourrait donc penser que [les mésocarnivores] feraient beaucoup d’efforts pour éviter ces situations. Je suppose toutefois que ce qui importe le plus, c’est l’équilibre entre le risque d’être une proie et celui de ne pas être tué. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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