Les géants du web s'engagent contre le trafic d'espèces sauvages
Lancée mercredi 7 mars dernier par les géants du web, cette alliance a pour but de réduire de 80 % le commerce illégal d'ivoire et d'autres produits issus d'animaux sur Internet à l'horizon 2020.
La vente d'ivoire et de cornes de rhinocéros sur le marché noir ne s'effectue plus seulement dans les arrières-boutiques des magasins ou en cachette dans des lieux de rencontre et tenus secrets. Le commerce illégal d'espèces sauvages investit de plus en plus Internet et il est difficile d'y mettre un terme, en raison de l'anonymat et de l'énorme quantité d'annonces d'objets à vendre. Lorsqu'une entreprise agit contre ces pratiques, les vendeurs changent tout simplement de plateforme.
Des acteurs internationaux ont décidé de s'unir pour mettre fin à ce phénomène grandissant. La Global Coalition to End Wildlife Trafficking Online (coalition internationale pour mettre fin au trafic d'animaux sur Internet), créée par le WWF, TRAFFIC et le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), regroupe des entreprises technologiques, de commerce en ligne, ainsi que des réseaux sociaux. Google, eBay, Facebook, Instagram et bien d'autres font partie de cette coalition et travailleront ensemble pour exclure les trafiquants de leur plateforme.
« Pour vendre leurs produits anonymement sur Internet, les groupes criminels et les trafiquants illégaux ont recours à la technologie, qui leur offre une protection et des débouchés plus importantes que jamais », a déclaré Crawford Allan, directeur principal du département de la criminalité liée aux espèces sauvages chez WWF et TRAFFIC, une organisation de contrôle du commerce d'animaux. « Le respect de la loi ne résoudra pas tout », a-t-il ajouté. « La solution, c'est de miser sur les entreprises elles-mêmes. Si elles suppriment les annonces avant qu'elles soient publiées, c'est gagné ».
Le commerce illégal d'espèces animales sauvages ou de produits issus d'animaux, facilité par les transactions sur Internet, menacent d'extinction de nombreuses espèces. Entre 2007 et 2014, le nombre d'éléphants de savane a chuté de 30 %. Ils sont tués pour leur ivoire, transformé en statuettes, en baguettes et en bijoux notamment. Le nombre de rhinocéros tués pour leur corne en 2017 a connu une forte augmentation par rapport aux 13 individus braconnés en 2007. Rien qu'en Afrique du Sud, plus d'un millier de rhinocéros ont été tués l'année dernière. La corne de rhinocéros est sculptée en bols dédiés à la libation, en objets ou en bijoux et est également utilisée en médecine traditionnelle. Ce ne sont pas les seuls animaux ou parties d'animaux vendus illégalement sur Internet chaque jour : il est par exemple possible d'acheter des peignes en écailles de tortue, des peaux d'animaux en danger d'extinction, ainsi que des reptiles ou des bébés tigres vivants.
Cela fait des années que les géants de l'Internet sont sous pression pour supprimer l'ivoire de leur plateforme. Le commerce international de l'ivoire est interdit depuis 1990 mais certains pays, comme le Japon, autorisent toujours au niveau national l'achat et la vente d'ivoire déclaré et obtenu légalement. L'année dernière, la Chine, qui autorisait jusqu'alors ce commerce, a finalement décidé de l'interdire.
Imaginez que vous étiez un client potentiel et que vous regardiez une annonce pour des baguettes en ivoire sur Internet, comment pouvez-vous savoir si elles proviennent d'ivoire légal ? La même question se pose pour l'entreprise ou l'autorité chargée de veiller au respect de la loi. De plus, lorsqu'une entreprise interdit la vente d'un produit en particulier, comme l'ivoire, les vendeurs contournent le problème à l'aide d'un nom de code.
Pour Giavanna Grein, agent de programme pour la criminalité liée aux espèces sauvages chez TRAFFIC et WWF, les entreprises membres de la coalition s'attaqueront à ces problèmes de différentes façons, toutes adaptées à leur propre plateforme. L'outil principal pour les aider dans cette tâche sera l'utilisation d'algorithmes. Ces derniers permettront de détecter des images et des mots clés et de signaler les publications avant même qu'elles ne paraissent sur le site.
D'après Crawford Allan, cette solution seule n'est pas suffisante. Une vérification manuelle sera toujours nécessaire, en particulier sur les réseaux sociaux. WWF forme actuellement les équipes des entreprises à évaluer chaque publication.
« Une autre solution, c'est de compter sur les utilisateurs pour devenir les yeux et les oreilles de l'entreprise », a déclaré M. Allan. « Ces cyber-observateurs de la criminalité liée aux espèces sauvages en devenir seraient capables de signaler à l'entreprise tout ce qui a échappé aux filtres automatiques ».
Giavanna Grein précise que les entreprises partageront leurs connaissances relatives aux tendances et leurs meilleures pratiques pour établir des priorités et prévenir les failles susceptibles d'apparaître sur les différents sites.
Les entreprises ont fait preuve d'une volonté de participer qui a impressionnée Mme Grein et M. Allan.
« Il est de leur devoir de faire ce qu'il faut à ce sujet, mais c'est difficile pour tout le monde de suivre le rythme imposé par l'évolution de l'Internet », a précisé Crawford Allan. « Qu'ils aient choisi d'agir pour cette cause alors qu'ils auraient pu le faire pour des milliers d'autres, ça fait vraiment plaisir. La façon dont ces entreprises ont pris à bras-le-corps ce problème est une véritable révélation ».
Les membres fondateurs de la coalition sont : Alibaba, Baidu, Baixing, eBay, Etsy, Facebook, Google, Huaxia Collection, Instagram, Kuaishou, Mall for Africa, Microsoft, Pinterest, Qyer, Ruby Lane, Shengshi Collection, Tencent, Wen Wan Tian Xia, Zhongyikupai, Zhuanzhuan et 58 Group.
Wildlife Watch est un projet de reportages d'investigation entre la National Geographic Society et les partenaires de National Geographic. Wildlife Watch s'intéresse à la criminalité liée aux espèces sauvages et à leur exploitation. Vous pouvez consulter les articles de Wildlife Watch ici et si vous souhaitez en savoir plus sur les missions non lucratives de la National Geographic Society, rendez-vous à l'adresse suivante : nationalgeographic.org. N'hésitez pas à envoyer vos conseils, idées d'articles et retours à ngwildlife@natgeo.com.