Ces araignées chassent des poissons faisant cinq fois leur taille
Ces araignées semi-aquatiques sont présentes sur tous les continents à l'exception de l'Antarctique.
Une araignée piscivore de Guyane française s'accroche à sa proie.
Pas facile la vie de petit poisson. Les prédateurs vous traquent dans les profondeurs. Les humains vous tendent des pièges avec leurs crochets. Et d'autres espèces, plus qu'on ne le croit à vrai dire, peuvent s'abattre sur vous à tout moment depuis la surface.
Sur les 109 familles d'arachnides recensées à travers le monde, 8 sont capables de capturer et de manger de petits poissons. Certaines peuvent même s'attaquer à des cibles pesant cinq fois leur poids.
Ces araignées sont très répandues sur notre planète. L'étude en question, publiée en 2014 dans la revue PLOS ONE, indique que les dolomèdes sont présentes sur tous les continents à l'exception de l'Antarctique. Elles raffolent particulièrement des étendues d'eau chaude et pauvre en oxygène, comme les zones humides de Floride, où les poissons viennent régulièrement chercher de l'eau riche en oxygène près de la surface.
Au moins 18 espèces d'araignées piscivores ont été observées en pleine action à ce jour, notamment Dolomedes triton aux États-Unis, Pardosa peudoannulata en Inde et Dolomedes plantarius au Royaume-Uni.
Ces découvertes ont été rassemblées par Martin Nyffeler de l'université de Bâle, en Suisse, et Bradley Pusey de l'université d'Australie-Occidentale, située à Albany en Australie. Les deux biologistes ont commencé par chercher des articles dans les revues scientifiques et des publications sur Internet documentant la consommation de poissons par des araignées. Ils ont ainsi recensé 89 occurrences, dont la moitié n'avaient encore jamais été publiées dans la littérature scientifique, ce qui leur a permis de dresser un portrait plus détaillé de ce comportement inhabituel.
« La prédation des poissons par les araignées a toujours été perçue comme une bizarrerie, » témoigne Marie Herberstein, spécialiste du comportement des araignées à l'université Macquarie de Sydney, en Australie, qui n'avait pas pris part à l'étude en question. « L'article de revue nous montre de façon convaincante que ce comportement est répandu, à la fois sur le plan taxonomique et géographique. C'est une belle surprise. »
COMMENT S'Y PRENNENT-ELLES ?
Les araignées piscivores s'établissent dans les milieux d'eau douce, comme les étangs ou les zones humides, où elles chassent leur repas sans utiliser de toile. Certaines peuvent même nager, plonger ou encore marcher sur la surface de l'eau.
Ces araignées semi-aquatiques « ancrent leurs pattes arrière sur une pierre ou une plante, en laissant leurs pattes avant flotter sur l'eau, » peut-on lire dans l'étude. Ensuite, les arachnides attendent leur proie. Au moindre mouvement de l'eau, ou au moindre contact avec leurs pattes, les araignées passent à l'attaque.
Si elles sont si peu regardantes, c'est parce que les araignées piscivores sont des prédatrices généralistes ; en d'autres termes, tout ce qui bouge fera l'affaire. La plupart du temps, cela implique que leur repas se compose d'insectes simplement tombés dans l'eau. De temps à autre en revanche, elles s'en prennent délibérément à des animaux plus imposants, comme les poissons.
Pour cela, les créatures peuvent compter sur un arsenal redoutable, avec leurs mâchoires capables de transpercer la peau qu'elles utilisent pour injecter un venin létal chargé de puissantes neurotoxines, des substances dévastatrices pour le système nerveux de leur cible.
Une fois le poisson mort, les araignées le traînent sur la terre ferme et lui administrent une véritable panoplie de petit chimiste afin de liquéfier ses tissus corporels, rendant ainsi la chair plus facile à consommer.
AMBITION ET DÉMESURE
Au sein du royaume animal, un prédateur est en moyenne 42 fois plus grand que sa proie. À l'inverse, il arrive que les araignées piscivores soient plus petites que leur cible.
Par exemple, selon les spéculations des auteurs, une araignée du genre Ancylometes, affichant 7 grammes sur la balance, pourrait être capable de capturer un poisson de 30 grammes.
Une source d'alimentation aussi démesurée pourrait jouer un rôle essentiel chez les femelles lors de la production d'œufs, ou pour les araignées qui n'ont pas accès à une source d'insectes suffisante.
Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : c'est une mauvaise nouvelle de plus pour les petits poissons.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.