Le "divorce" d’un couple de manchots peut affecter toute la colonie

Les taux de séparation des manchots pygmées pourrait être un nouvel indice permettant de prédire l’avenir de leur colonie face au changement climatique et à la perte de leur habitat.

De Melissa Hobson
Publication 25 févr. 2025, 14:03 CET
Les manchots pygmées (Eudyptula minor), comme ce couple dont la silhouette se dessine sous les lumières ...

Les manchots pygmées (Eudyptula minor), comme ce couple dont la silhouette se dessine sous les lumières de la ville de Melbourne, vivent dans les zones côtières d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Comme d’autres espèces, ces manchots se séparent parfois de leur partenaire. Une équipe de recherche a découvert que le nombre de séparations avait un impact sur la santé de la colonie.

PHOTOGRAPHIE DE Doug Gimesy, Nature Picture Library

Vous avez peut-être entendu dire que les manchots s’accouplaient pour la vie mais, pour les manchots pygmées, l’herbe est souvent plus verte ailleurs. Ces petits oiseaux, endémiques d’Australie et de Nouvelle-Zélande, divorcent de leur partenaire s’ils ne sont pas satisfaits du nombre de poussins issus de l’accouplement.

« Le divorce et les parties de jambes en l’air à l’hôtel du coin sont des éléments très importants de la vie [d’un manchot] », explique Rory Wilson, spécialiste des manchots qui travaille à l’université de Swansea, au pays de Galles.

Une équipe de recherche a découvert les répercussions surprenantes que pouvaient avoir les séparations chez les manchots. Le nombre de divorces a davantage d’impact sur le succès reproducteur de la colonie que des facteurs tels que la température de l’eau et les efforts nécessaires pour trouver de la nourriture.

Ce lien donne à l’équipe de recherche un indice pertinent pour prédire la santé future de la colonie et la protéger des dangers qui la guettent à mesure que les habitats des manchots se réchauffent avec le changement climatique.

 

CE QUE NOUS SAVONS DES MANCHOTS PYGMÉES

Le manchot pygmée (Eudyptula minor) est la plus petite espèce de manchots au monde, atteignant en moyenne seulement 30 centimètres de haut.

Phillip Island, au sud-ouest de Melbourne, abrite près de 30 000 de ces petits oiseaux. « Elle possède la plus grande colonie de manchots pygmées au monde », indique Richard Reina, biologiste à l’université Monash et coauteur de la nouvelle étude publiée dans la revue Ecology and Evolution examinant les répercussions surprenantes du divorce chez les manchots.

Après une journée passée à chercher de la nourriture en mer, ces petits oiseaux retournent dans leurs terriers à flanc de coteau. Certains membres de la colonie vivent dans des nids spéciaux et sont équipés d’une puce électronique, comme un chat ou un chien de compagnie, ce qui permet aux scientifiques de les scanner aisément afin de recueillir des données sur n’importe quel oiseau s’y trouvant.

« Vous avez simplement à placer un lecteur et à "biper", et ça vous dit qui est à la maison », précise Rory Wilson, qui n’a pas participé à l’étude.

Durant la saison de reproduction, de septembre à février, l’équipe de recherche consigne les informations suivantes : quels oiseaux sont en couple dans les nids, ou bien « mariés » ; quand les manchots pondent ; à quel moment les œufs éclosent ; ainsi que les taux de croissance et de survie des poussins. Elle note également si des couples se séparent ou « divorcent ».

 

LE « DIVORCE » CHEZ LES MANCHOTS

Bien que cela puisse sembler « un peu injuste », un manchot dont le ou la partenaire n’est pas à la hauteur pourrait penser : « Je vais aller chercher quelqu’un d’autre et alors les choses iront mieux », révèle Rory Wilson. Les séparations ont souvent lieu lorsque les couples ne parviennent pas à se reproduire.

Cette stratégie présente toutefois des risques. « Ce nouveau partenaire pourrait en réalité ne pas être meilleur. Il se peut qu’il soit pire », nuance Richard Reina.

Trouver un nouveau partenaire et créer des liens avec celui-ci demande également du temps qui peut être « perdu en futilités », poursuit Rory Wilson. Cela signifie que les manchots « pourraient sauter une période d’accouplement parce qu’ils n’ont pas réussi à accorder leurs violons ».

Richard Reina et ses collègues ont étudié les taux de divorce des manchots sur treize saisons de reproduction. En moyenne, près d’un couple sur quatre trouve de nouveaux partenaires chaque année mais le taux de divorce sur un an peut être, au plus bas, d’un vingtième ou, au plus haut, d’un tiers. Cette forte variabilité en termes de divortialité était « assez inopinée », selon le biologiste.

Histoire d'amour entre manchots

Les vies amoureuses complexes de ces petits oiseaux pourraient avoir des répercussions inattendues sur l’ensemble de la colonie. Une forte corrélation s’est dégagée : les années durant lesquelles le taux de divorce était plus élevé, moins de poussins étaient mis au monde, et inversement.

En ce qui concerne la prédiction du succès reproducteur futur, la divortialité constituait également une donnée plus fiable que les facteurs environnementaux ou comportementaux, tels que la température de surface de l’océan ou les comportements alimentaires.

D’autres espèces, notamment le manchot royal (Aptenodytes patagonicus), le manchot empereur (Aptenodytes forsteri) et le manchot d’Adélie (Pygoscelis adeliae), sont également connues pour divorcer mais la question de l’impact du taux de divorce sur la santé de leurs colonies reste à étudier.

 

PROTÉGER LES MANCHOTS PYGMÉES

À l’heure actuelle, la population de Phillip Island se porte bien. « Les manchots pygmées sont très doués pour se protéger des perturbations environnementales », affirme Richard Reina, car ils peuvent s’adapter quant à l’endroit où ils cherchent leur nourriture et sur quel laps de temps.

Une autre stratégie de survie consiste à abandonner leurs poussins lorsque la nourriture vient à manquer. « C’est déchirant à voir car tous ces poussins de la colonie vont mourir de faim », déplore le biologiste.

Ce geste au premier abord cruel protège néanmoins l’adulte afin qu’il puisse se reproduire de nouveau à l’avenir. « [Même] s’il abandonne le poussin [cette année-là], il y aura toujours l’année suivante et [celle] d’après », rationalise-t-il.

« Comprendre les facteurs qui ont une influence sur la reproduction est essentiel pour évaluer leur survie à long terme », assure Diane Colombelli-Négrel, éco-éthologue à l’université Flinders, en Australie, qui n’est pas non plus impliquée dans l’étude.

En s’appuyant sur les taux de divorce des manchots, les experts pourraient potentiellement prédire dans quelle mesure les prochaines saisons de reproduction pourraient ou non être couronnées de succès. Cela revêt une importance particulière car les activités humaines continuent d’avoir un impact sur l’océan.

« Le détroit de Bass, où ces manchots se nourrissent, se réchauffe beaucoup plus rapidement que la moyenne dans le monde », alerte Richard Reina. Les scientifiques craignent que les manchots ne puissent résister longtemps à ces changements environnementaux avant d’atteindre un point de basculement.

« Tout ça pour dire que leur destin dépend bien évidemment de l’environnement », ajoute Rory Wilson. « S’il n’y a pas de poissons, c’est fini. On peut oublier. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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