Abandonnés en zones de guerre, ces animaux commencent une nouvelle vie

Un sanctuaire en Jordanie accueille des animaux sauvages ayant survécu aux zones de guerre et aux trafiquants.

De MUHAMMED MUHEISEN
Publication 14 août 2023, 17:11 CEST
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Au New Hope Centre d’Amman, en Jordanie, cette tortue mâle mange de la laitue avec l’aide de Khalifa Allozi, un soigneur. Récupéré dans un zoo à Gaza en 2016, Scooter a développé des troubles musculosquelettiques qui l’ont laissé paralysé. Après huit mois de soins, il peut maintenant se déplacer grâce à une planche à roulettes.

PHOTOGRAPHIE DE Muhammed Muheisen

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Je me suis rendu maintes fois dans des lieux dévastés par les conflits et dans d’autres où celles et ceux qui avaient fui des situations catastrophiques luttaient pour commencer une nouvelle vie. 

C’est dans ce contexte que j’ai entendu parler de la clinique New Hope, qui offre une seconde chance à d’autres êtres sans défense : des animaux traumatisés et négligés, récupérés dans des zoos mal gérés, arrachés à des zones de guerre ou confisqués à des trafiquants.

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Sukkar, un ours noir d'Asie de 13 ans, est l’un des rares survivants du zoo Magic World, près d’Alep, en Syrie, où plusieurs années de guerre civile ont tué des dizaines d’animaux pris au piège. L’ours se rétablit depuis 2017 au refuge Al Ma’wa for Nature and Wildlife.

PHOTOGRAPHIE DE Muhammed Muheisen

Un jour, à New Hope, des soigneurs et un vétérinaire devaient remettre en liberté trois hyènes rayées, récupérées dans des zoos en Jordanie et à Gaza. L’équipe injecta à chacune un tranquillisant et effectua des examens médicaux complets. Elles furent ensuite relâchées dans un coin perdu du centre sud de la Jordanie. Ces hyènes ont eu de la chance. Car la plupart des animaux rescapés de zoos défaillants ou de zones de conflit n’ont nulle part où retourner. À ces apatrides, le sanctuaire Al Ma’wa offre un asile permanent.

Pablito, un lionceau, est devenu l’un de ses pensionnaires. Être enfermé dans une minuscule cage au zoo l’avait traumatisé, m’a dit son gardien. Une grande cicatrice barre d’ailleurs le museau du petit félin, stigmate de ses multiples tentatives pour ouvrir sa cage de force. Après seulement un mois à New Hope, Pablito a commencé à se rétablir. J’ai passé des heures à le regarder jouer avec des branches d’arbre et un sac en toile de jute suspendu au plafond de son enclos de 150 m² ; il entrait et sortait d’une maisonnette pour enfant et rugissait. La nuit, il s’endormait sur une litière de paille.

Plus tard, j’ai fait la connaissance de Scooter, la tortue paralysée par les mauvais traitements. Après huit mois d’hydrothérapie intensive et d’un régime riche en vitamines pour renforcer sa musculature, Scooter a commencé à bouger ses membres. À présent, elle se déplace lentement à l’aide d’une planche à roulettes.

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    Pablito, photographié ici alors qu’il n’était encore qu’un lionceau, présente un signe distinctif : une cicatrice sur le museau.

    PHOTOGRAPHIE DE Muhammed Muheisen

    Chaque semaine, ces pensionnaires consomment plus de 575 kg de viande – donnés par les supermarchés et les abattoirs – et plus de 1 800 kg de fruits et légumes. La plupart des animaux arrivent au refuge sans dossier médical, aussi les gardiens passent-ils du temps à apprendre à connaître les uns et les autres et font en sorte qu’ils disposent d’aménagements personnalisés qui conviennent à chacun. 

    Max, un lion sauvé d’un zoo de Gaza, a ainsi des cartons à déchirer. Kahrba, un autre lion, rescapé d’Alep, aime à s’amuser avec des sacs de jute remplis de paille. De temps à autre, Ballou, l’ours brun de Syrie, peut savourer sa friandise préférée : une noix de coco. Le personnel veille à ce que les visiteurs ne fassent rien qui puisse provoquer les pensionnaires, et ces mêmes visiteurs apprennent les différences entre animaux sauvages et domestiques. Car si un animal sauvage peut être apprivoisé, en apprenant à partager l’existence des hommes, et même à leur faire confiance, il faut des milliers d’années d’élevage sélectif pour qu’une espèce soit génétiquement adaptée à vivre parmi nous.

    À Al Ma'wa, j’ai ressenti une sorte d’entre-deux, dans lequel les animaux entretiennent clairement un lien avec leurs gardiens. Ils ne sont ni domestiqués, ni vraiment sauvages. Cela est devenu évident pour moi lorsque les tigres Tash et Sky ont fait leur apparition, comme surgis de nulle part, au son émis par leur gardien. Et quand Ballou a grimpé à la clôture à l’instant où le sien l’a appelé. J’ai essayé de faire de même, mais aucun animal n’y a prêté attention.

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