Les scientifiques comprennent enfin les appels au secours lancés par les arbres
Une équipe de scientifiques identifie les sons produits par des arbres en proie à la sécheresse.
Lorsqu’ils sont touchés par la sécheresse, les arbres peuvent en souffrir – un processus qui engendre des sons. Les scientifiques ont peut-être trouvé la clé pour comprendre ces cris d’alarme.
Dans leur laboratoire, des scientifiques français sont parvenus à capter le son ultrasonique produit par les bulles qui se forment au sein des arbres en proie à la sécheresse. Mais les arbres produisant d’autres sons qui n’ont pas forcément de liens avec les conséquences de la sécheresse, cette équipe de scientifiques n’est pour le moment pas en mesure de distinguer les cris les plus alarmants.
« Cette expérimentation nous a permis de commencer à comprendre l’origine des événements acoustiques qui se produisent au sein des arbres, » explique Alexandre Ponomarenko, physicien à l’Université de Grenoble en France, dont l’équipe a mené les fameuses recherches.
Ayant présenté les résultats de son équipe lors d’une réunion de la Société américaine de physique à Baltimore, dans le Maryland, il ajoute que cette découverte pourrait aider les scientifiques à identifier les arbres desséchés qui ont besoin d’être hydratés de toute urgence.
Ecouter les arbres
Pour comprendre leur langage, les scientifiques français se sont appuyés sur leur connaissance des arbres et de leur absorption d’eau – ils boivent par une sorte de longue « paille ».
Dans le tronc des arbres, on trouve des tubes spécialisés, appelés xylèmes, qui capitalisent sur les forces d’attraction qui existent entre les molécules d’eau et celles entre l’eau et les cellules des plantes pour faire monter les liquides jusqu’aux plus hautes branches et feuilles de l’arbre.
De par leur taille, les arbres peuvent faire subir au liquide des xylèmes une pression intense – bien supérieure à celle de l’atmosphère autour de nous. Dans les arbres frappés par la sécheresse, cette pression accrue peut amener la colonne d’eau à se rompre, l’air dissout formant alors des bulles qui bloquent la circulation du liquide.
Ces événements sont appelés des cavitations, supportables en petit nombre – au-delà, elles deviennent mortelles pour les arbres.
Les scientifiques et les surveillants de forêts cherchent à savoir quand augmentent ces cavitations responsables de la perte des arbres.
Depuis des dizaines d’années, le monde scientifique sait qu’il est possible d’enregistrer les sons produits par les cavitations à l’aide de certains microphones. Mais puisqu’ils n’étaient pas en mesure de voir à l’intérieur des arbres observés, ils ne pouvaient être certains de l’origine des sons, qui auraient aussi bien pu provenir de craquements du bois que de la destruction des cellules des xylèmes.
Pour trouver des réponses, l’équipe a placé une fine tranche de pin dans une capsule de gel remplie de liquide afin de reproduire les conditions au sein d’un arbre vivant.
Les scientifiques ont alors fait s’évaporer l’eau du gel, simulant une sécheresse. En proie à des cavitations, le bois a montré la formation de bulles, filmées et enregistrées par les chercheurs.
Ces derniers ont ainsi pu conclure que près de la moitié des sons relevés étaient liés aux cavitations. Le reste provenait d’autres processus, comme lorsque les bulles envahissaient les cellules voisines. Plus important encore, les vagues de sons découlant de chaque événement avaient leurs propres caractéristiques. Tout ceci étant bien sûr inaudible pour les humains.
Les chercheurs pensent donc qu’ils peuvent comparer les sons émis par les arbres vivants avec ces modèles et ainsi déterminer l’origine exacte de chaque son.
Venir en aide aux arbres assoiffés
Pour Ponomarenko, ces découvertes vont permettre de concevoir un appareil portable capable de diagnostiquer les arbres en danger, à l’aide de simples microphones.
Un tel appareil pourrait s’avérer essentiel si, comme les prédisent de nombreux modèles de réchauffement climatique, les sécheresses devenaient plus fréquentes et plus sévères à l’avenir.
En fait, une étude publiée dans Nature à l’automne 2012 avance que les arbres de nombreuses régions du monde – des forêts tropicales d’Amérique du Sud aux plaines arides de l’Ouest américain – vivent déjà « sur le fil », ce qui signifie que leur taux de cavitation actuel est au maximum de ce qu’ils peuvent supporter.
La méthode de Ponomarenko pourrait faire office de premier avertissement : les arbres sont en proie à de plus en plus de cavitations.
Il imagine par exemple un appareil qui serait fixé à l’arbre et écouterait constamment les sons liés à ses besoins en eau. Si nécessaire, celui-ci serait alors en mesure d’activer un système d’arrosage d’urgence.
Pour Abe Stroock de l’Université Cornell, dont le laboratoire a conçu la capsule de gel utilisée par l’équipe française, les recherches de Ponomarenko sont prometteuses. Il estime que « les résultats ouvrent de nouvelles perspectives d’observation » des cavitations.
Il note toutefois que les échantillons de bois utilisés dans l’étude ont dû être « excisés et altérés » ; il est donc possible qu’ils ne se soient pas comporté exactement comme le bois d’un arbre vivant.
« Transposer [ces découvertes] à une plante vivante et auprès d’espèces variées représente potentiellement beaucoup de travail, » ajoute-t-il.