Ces catastrophes climatiques qui peuvent encore être évitées

Le dernier rapport du GIEC, s’intéresse à des menaces potentiellement irréversibles, de la montée des eaux au ralentissement de la circulation thermohaline, mais qui peuvent encore être évitées si l’on agit efficacement.

De la fumée s'échappe d'une aciérie en Chine. L'Organisation mondiale de la santé estime que neuf personnes sur dix dans le monde respirent un air mauvais pour leur santé.

PHOTOGRAPHIE DE Kevin Frayer, GETTY IMAGES
De Alejandra Borunda
Publication 13 août 2021, 09:00 CEST

Le dérèglement climatique se fait déjà sentir aux quatre coins du monde et va continuer de bouleverser les modes de vie humains pour les siècles à venir. Les chercheurs à l’origine du rapport préviennent que son effet se fera d’autant plus sentir que le réchauffement de la planète augmente.

La Terre s’est réchauffée de 1,1 degrés depuis l’ère préindustrielle et cela a causé des dommages irréparables à la planète, certaines conséquences seront inévitables. Mais des actes prompts et résolus visant à réduire les émissions (à faire en sorte que la température reste aussi bas que possible) peut permettre de minimiser drastiquement les risques de franchir des seuils critiques qui exposeraient le globe à davantage de menaces, selon un rapport important publié aujourd’hui par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

« Afin de stabiliser le climat, il faut que nous arrêtions nos émissions immédiatement, point barre », s’agace Charles Koven, co-auteur du rapport et spécialiste du climat au Lawrence Berkeley National Laboratory, en Californie.

LE POINT DE NON-RETOUR EST DE PLUS EN PLUS PALPABLE

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    La température du globe grimpe de manière plus ou moins régulière depuis des dizaines d’années, en tandem évident avec l’augmentation des gaz à effet de serre. Selon le rapport, la règle de base est simple : plus il y a de dioxyde de carbone émis, plus il fait chaud, et ce cercle vicieux se poursuit.

    Mais les chercheurs savent depuis maintenant trente ans qu’il y a des seuils dans le système climatique qui, s’ils sont franchis, pourraient rigoureusement transformer le monde que nous connaissons, et engendrer des bouleversements irréversibles à l’échelle temporelle de la vie humaine. Un recul trop important des inlandsis du Groenland et de l’Antarctique peut provoquer un rétrécissement auto-induit qui se poursuivrait même si les émissions s’arrêtaient demain.

    « Nous jouons à la roulette russe avec le climat [et] personne ne sait ce qu’il y a dans la chambre du revolver », écrivait le climatologue avant-gardiste Wally Broecker en 1987.

    Depuis cette déclaration, des tonnes de recherches ont prouvé que nombre des conséquences prévues pourraient se produire à des changements de température plus bas que prévu, et que certains effets étaient peut-être déjà apparus. Bien que les seuils exacts demeurent incertains, certains pourraient être atteints à l'intérieur même de l’éventail de 1,5 à 2°C fixé par les accords de Paris en 2015.

    Selon le nouveau rapport, le globe pourrait gagner environ 2,5°C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici à 2100, si l’on se fie au scénario le plus ambitieux, et plus de 4°C si l’on en croit le moins ambitieux.

    Même si on prend la fourchette basse de ces estimations, des changements irréversibles pourraient se produire aux quatre coins du monde : dans  les glaciers et les océans, sur la terre et dans l’atmosphère. Mais les risques s’accroissent à mesure que la mercure monte.

    « Plus nous faisons dévier le système climatique de l’état dans lequel il se trouvait ces derniers milliers d’années, plus nous avons de chances de franchir des seuils que nous arrivons mal à prévoir », explique Bob Kopp, co-auteur du rapport et climatologue à l’Université Rutgers.

    Certains de ces changements ont des conséquences très localisées. La fonte des glaciers peut par exemple affecter gravement les communautés vivant en montagne qui en ont besoin pour se procurer de l’eau. D’autres, comme la fonte des inlandsis importants, ont des impacts planétaires. Nombre d’entre eux forment leur propre cercle vicieux : par exemple, les feux de forêt ont plus de chances de se déclencher dans les conditions sèches et arides rendues fréquentes par le dérèglement climatique. Quand elles brûlent, les forêts dégagent du carbone dans l’atmosphère, aggravent le réchauffement du globe et préparent le terrain pour des incendies futurs (une configuration que nous ne connaissons que trop bien désormais).

    Ce qui est effrayant, selon Charles Koven, c’est que « nous pouvons franchir des seuils sans le savoir et nous en rendre compte seulement une fois qu’ils ont été franchis. » Cela souligne l’importance qu’il y a à faire tout notre possible pour rester loin des limites théoriques.

    Dans cet article, nous allons nous intéresser à quelques-uns des changements potentiellement irréversibles qu’il est encore temps d’éviter si nous prenons des mesures concrètes.

    Le changement climatique augmenterait l'intensité des ouragans

    « Plus nous faisons dévier le système climatique de l’état dans lequel il se trouvait ces derniers milliers d’années, plus nous avons de chances de franchir des seuils que nous arrivons mal à prévoir », explique Bob Kopp, co-auteur du rapport et climatologue à l’Université Rutgers.

    Certains de ces changements ont des conséquences très localisées. La fonte des glaciers peut par exemple affecter gravement les communautés vivant en montagne qui en ont besoin pour se procurer de l’eau. D’autres, comme la fonte des inlandsis importants, ont des impacts planétaires. Nombre d’entre eux forment leur propre cercle vicieux : par exemple, les feux de forêt ont plus de chances de se déclencher dans les conditions sèches et arides rendues fréquentes par le dérèglement climatique. Quand elles brûlent, les forêts dégagent du carbone dans l’atmosphère, aggravent le réchauffement du globe et préparent le terrain pour des incendies futurs (une configuration que nous ne connaissons que trop bien désormais).

    Ce qui est effrayant, selon Charles Koven, c’est que « nous pouvons franchir des seuils sans le savoir et nous en rendre compte seulement une fois qu’ils ont été franchis. » Cela souligne l’importance qu’il y a à faire tout notre possible pour rester loin des limites théoriques.

    Dans cet article, nous allons nous intéresser à quelques-uns des changements potentiellement irréversibles qu’il est encore temps d’éviter si nous prenons des mesures concrètes.

    IL EST ENCORE TEMPS D'EVITER A DISPARITION DRAMATIQUE DES PLUS GRANDES RESERVES GLACIAIRES DE LA TERRE 

    La fonte des glaces au Groenland et en Antarctique engendre en ce moment même une montée du niveau de la mer jamais vue depuis 3 000 ans, et menaces les milliards d’habitants des littoraux du monde entier. D’après le rapport, les émissions de gaz à effet de serre sont une condamnation à voir le niveau de la mer augmenter pendant les siècles à venir, mais la vitesse à laquelle nous allons pouvoir effectuer cette peine est encore largement sous notre contrôle, et sa gravité aussi.

    Le rapport indique aussi que le niveau de la mer pourrait ne monter que d’un demi-mètre d’ici 2100 si les émissions sont réduites drastiquement, ou bien de 60 à 90 centimètres si les émissions continuent à augmenter. Mais selon les pires scénarios (et si des points de non-retour sont atteints en Antarctique) il faudra alors faire avec 1,80 mètres.

    Les prévisions les plus sinistres ne peuvent survenir que si les inlandsis passent des seuils critiques, après quoi ce sont les lois de la physique qui présideraient à leur rétrécissement continu ; mais « on peut assurément réduire les chances que cela se produise en réduisant les émissions », explique Baylor Fox-Kemper, co-auteur du rapport et océanographe à l’Université Brown.

    L’Antarctique occidental abrite à lui seul assez de glace pour faire monter le niveau de la mer d’environ 3 mètres s’il venait à fondre, et sa géologie fait que c’est tout à fait possible, et très inquiétant. La région a une forme de bol : la roche qui se trouve sous les glaciers géants est sous le niveau de la mer. C’est l’inlandsis même qui empêche l’océan de s’y déverser, car il est accroché sur son rebord comme un opercule convexe et se prolonge dans l’eau. Mais si cet opercule se brise ou est repoussé du bord ne serait-ce qu’un peu, l’océan peut s’infiltrer par les côtés du bol, aller ronger la glace par en-dessous, et vraisemblablement accélérer la fonte de l’inlandsis.

    Il existe de forts indices qu’une fonte inévitable pourrait survenir une fois ces 1,5 à 2°C atteints, et certains chercheurs pensent que le processus est d’ores et déjà enclenché, et que la réduction des émissions est donc d’autant plus urgente.

    La situation des banquises du pôle Nord pourrait elle aussi prendre une tournure périlleuse. Selon le rapport, les banquises y sont déjà particulièrement vulnérables puisque l’Arctique se réchauffe environ deux fois plus vite que le reste du monde.

    L’inlandsis du Groenland, qui ferait monter le niveau de la mer de 7,30 mètres s’il venait à disparaître, n’a jamais rétréci aussi vite ces 350 dernières années et est en bonne voie pour dépasser les taux de fonte des 12 000 dernières années. En juillet dernier, une nappe d’eau assez large pour noyer la Floride sous 5 centimètres s’est échappée de sa surface.

    La boucle de rétroaction qui pourrait accélérer sa fonte fonctionne comme suit : l’été, les rayons impitoyables du Soleil font fondre la neige blanche et réverbérante qui s’accumule dans les glaciers, et exposent au grand jour les couches de glace plus denses et plus sombres qui se trouve en-dessous, ce qui a parfois pour effet de créer des bassins d’eau de fonte. Cette eau et cette glace plus sombres emmagasinent plus de chaleur, et accélèrent le rythme de la fonte, ce qui génère plus d’eau, et ainsi de suite dans un cercle vicieux. Ce problème de fonte pendant l’été ne peut aller qu’en s’aggravant à mesure que l’inlandsis rétrécit : en perdant de l’altitude, il se rapproche du niveau de la mer, où l’air est substantiellement plus chaud, et va toujours plus vite vers son anéantissement.

    Les océans réchauffés par le dérèglement climatique rongent eux aussi les bords de certains inlandsis, et la banquise se délite davantage sous leur effet. La glace glisse en masse vers le bas pour remplacer les morceaux partis à la dérive, ce qui délite un peu plus la banquise, etc. C’est comme quand on prend une boule dans un distributeur : les autres se précipitent vers le bas pour être la prochaine à sortir.

    Les glaciers du Groenland ne vont pas disparaître demain la veille. Selon la communauté scientifique, ils mettront plus de 1 000 ans à se désintégrer complètement, et peut-être des milliers d’années de plus si nous parvenons à réduire nos émissions rapidement. Mais une fois que le processus atteint certains seuils, ce qui pourrait se produire selon certains groupes de travail à environ 2,7°C voire moins, le péril n’est plus réversible. Cela signifie que les glaciers continueront à fondre pendant des siècles et ce même si les températures se stabilisent.

    Malgré cela, « nous ne devrions pas lever les bras au ciel », insiste Twila Moon, climatologue au National Snow and Ice Data Center dans le Colorado. « La quantité d’émissions que nous relâchons dans l’atmosphère, combien nous la laissons se réchauffer, tout ça aura un impact réel sur la vitesse du dérèglement. »

    Selon des recherches effectuées il y a peu, une limitation du réchauffement à 1,5°C permettrait de diviser par deux la montée des eaux ce siècle.

    Il existe de forts indices qu’une fonte inévitable pourrait survenir une fois ces 1,5 à 2°C atteints, et certains chercheurs pensent que le processus est d’ores et déjà enclenché, et que la réduction des émissions est donc d’autant plus urgente.

    La situation des banquises du pôle Nord pourrait elle aussi prendre une tournure périlleuse. Selon le rapport, les banquises y sont déjà particulièrement vulnérables puisque l’Arctique se réchauffe environ deux fois plus vite que le reste du monde.

    L’inlandsis du Groenland, qui ferait monter le niveau de la mer de 7,30 mètres s’il venait à disparaître, n’a jamais rétréci aussi vite ces 350 dernières années et est en bonne voie pour dépasser les taux de fonte des 12 000 dernières années. En juillet dernier, une nappe d’eau assez large pour noyer la Floride sous 5 centimètres s’est échappée de sa surface.

    La boucle de rétroaction qui pourrait accélérer sa fonte fonctionne comme suit : l’été, les rayons impitoyables du Soleil font fondre la neige blanche et réverbérante qui s’accumule dans les glaciers, et exposent au grand jour les couches de glace plus denses et plus sombres qui se trouve en-dessous, ce qui a parfois pour effet de créer des bassins d’eau de fonte. Cette eau et cette glace plus sombres emmagasinent plus de chaleur, et accélèrent le rythme de la fonte, ce qui génère plus d’eau, et ainsi de suite dans un cercle vicieux. Ce problème de fonte pendant l’été ne peut aller qu’en s’aggravant à mesure que l’inlandsis rétrécit : en perdant de l’altitude, il se rapproche du niveau de la mer, où l’air est substantiellement plus chaud, et va toujours plus vite vers son anéantissement.

    Les océans réchauffés par le dérèglement climatique rongent eux aussi les bords de certains inlandsis, et la banquise se délite davantage sous leur effet. La glace glisse en masse vers le bas pour remplacer les morceaux partis à la dérive, ce qui délite un peu plus la banquise, etc. C’est comme quand on prend une boule dans un distributeur : les autres se précipitent vers le bas pour être la prochaine à sortir.

    Les glaciers du Groenland ne vont pas disparaître demain la veille. Selon la communauté scientifique, ils mettront plus de 1 000 ans à se désintégrer complètement, et peut-être des milliers d’années de plus si nous parvenons à réduire nos émissions rapidement. Mais une fois que le processus atteint certains seuils, ce qui pourrait se produire selon certains groupes de travail à environ 2,7°C voire moins, le péril n’est plus réversible. Cela signifie que les glaciers continueront à fondre pendant des siècles et ce même si les températures se stabilisent.

    Malgré cela, « nous ne devrions pas lever les bras au ciel », insiste Twila Moon, climatologue au National Snow and Ice Data Center dans le Colorado. « La quantité d’émissions que nous relâchons dans l’atmosphère, combien nous la laissons se réchauffer, tout ça aura un impact réel sur la vitesse du dérèglement. »

    Selon des recherches effectuées il y a peu, une limitation du réchauffement à 1,5°C permettrait de diviser par deux la montée des eaux ce siècle.

    UN COURANT OCEANIQUE VITAL POURRAIT RALENTIR ET ENTRAÎNER DE GRAVES CONSEQUENCES

    Le rapport indique que le dérèglement désastreux des courants océaniques majeurs qui influent sur la météo du bassin atlantique pourrait également devenir permanent si on laisse le changement climatique se poursuivre.

    L’eau circule en permanence dans les océans du monde, et transporte dans sa course autour du globe chaleur, carbone et tant d’autres choses. Dans l’océan Atlantique, ce tapis roulant démesuré et puissant transporte la chaleur vers le nord en passant près du littoral occidental du bassin. Cette chaleur a une influence sur la météo aux Etats-Unis et en Europe, sur le niveau de la mer le long de la côte est, mais aussi sur les régimes pluviométriques en Afrique.

    Mais le dérèglement climatique a déjà commencé à ralentir ce courant atlantique. La vitesse de l’eau est en partie due à sa densité quand elle atteint le Groenland, où en général elle refroidit et plonge dans les profondeurs de l’océan comme une balle qui dévale une colline. Mais l’eau qui arrive à ce point de chute est de plus en plus chaude, et en plus, les glaciers du Groenland qui fondent y déversent de l’eau fraîche ; tout cela rend l’eau moins dense et ne lui permet pas de plonger aussi facilement, ce qui a pour effet de ralentir l’ensemble du tapis roulant océanique. Des recherches indiquent qu’il a ralenti d’environ 15 % par rapport au milieu du XXe siècle, et qu’il n’a jamais circulé aussi lentement au cours des 1 000 dernières années.

    Un effondrement encore plus total est possible. Par le passé, la circulation thermohaline s’est retrouvée au pas, et s’est peut-être même arrêtée, engendrant par là un refroidissement abrupt et une réorganisation à grande échelle de la météo et des régimes pluviométriques du bassin atlantique.

    Le dernier rapport du GIEC réaffirme qu’un ralentissement de ce type, capable de modifier les écosystèmes, est tout à fait possible, bien que peu probable avant 2100. Un déclin continu qui prendrait place durant des siècles pourrait faire se déplacer les principaux régimes pluviométriques d’Europe et d’Afrique vers le sud, mais aussi affaiblir les moussons annuelles en Afrique tropicale et en Asie, rajouter une trentaine de centimètres à la montée des eaux sur le littoral américain, et bien d’autres choses encore.

    Personne ne sait exactement où se trouve le seuil critique relatif à ces courants. « Tous les éléments pour aller dans la mauvaise direction sont réunis », tonne Paolo Cessi, océanographe à la Scripps Institution of Oceanography, en Californie. « Et si nous continuons sur ce chemin-là, on va finir par le franchir. » Mais des mesures fortes en faveur du climat peuvent toujours inverser ce déclin, prévenir les effets les plus graves, voire même permettre de les éviter.

    LE PERGELISOL POURRAIT SE DECOMPOSER

    Le continent arctique est recouvert de plus de 14,4 millions de mètres carrés de pergélisol. Ces terres regorgent de matière organique morte, inerte et sans danger tant qu’elle demeure congelée. Mais le pergélisol fond, et la matière morte se transforme en gaz à effet de serre ; notamment en méthane, ce gaz surpuissant, mais aussi en dioxyde de carbone. Ces couches renferment plus de carbone qu’il n’y en a dans l’atmosphère.

    Mais l’Arctique se réchauffe plus vite que le reste du globe. Cela accélère le dégel de son pergélisol, qui relâche son carbone au goutte à goutte dans l’atmosphère, qui à son tour se réchauffe et provoque une fonte toujours plus importante. Selon un rapport spécial publié par le GIEC en 2019, un réchauffement de 3°C intensifierait la boucle de rétroaction. Mais Charles Koven explique que ce processus se poursuivra inévitablement si les températures continuent de grimper.

    « Nous nous attendons à ce que ces processus entraînent une réaction en chaîne, qu’ils déstabilisent le système climatique et rendent d’autant plus difficile le fait d’atteindre nos objectifs en matière de climat », poursuit-il. Une réduction drastique des émissions pourrait ralentir, voire même inverser, l’émission de carbone par l’écosystème du pergélisol et ainsi prévenir les pires effets d’une réaction en chaîne.

    L’AMAZONIE POURRAIT DEVENIR UNE SAVANE

    Aujourd’hui, la forêt amazonienne fait une chose remarquable : elle produit sa propre eau.

    Les pluies venues de l’océan Atlantique balaient la partie orientale de la forêt. Les arbres s’en nourrissent puis l’expire, puis elle se condense à nouveau en nuages qui voyagent vers l’ouest avec la brise et pleuvent de nouveau et perpétuent ainsi leur cycle. Une molécule d’eau peut être recyclée cinq fois le temps de parcourir l’étendue de la forêt tropicale.

    Mais selon David Lapola, chercheur à l’Université de Campina,  la déforestation, les dégradations infligées à l’écosystème amazonien, et le dérèglement climatique perturbent ce processus. A cause de cela, les plantes tropicales laissent la place à des plantes plus à l’aise en conditions arides et cela bouleverse durablement l’ensemble de l’écosystème.

    Les espèces faites pour les milieux arides protègent davantage leur eau, respirent moins et donc en relâchent moins dans l’air, ce qui a pour effet de perturber les cycles de pluie et engendre davantage de sécheresse. Les espèces évoluant en zones sèches s’accaparent déjà des régions du sud-est de l’Amazonie.

    L’Amazonie contient 150 à 200 milliards de tonnes de carbone, soit 15 % environ du budget carbone restant pour avoir 50 % de chances de se maintenir sous les deux degrés selon le rapport du GIEC. David Lapola explique que perdre de l’eau c’est perdre une bonne partie du carbone piégé.

    On ne sait toujours pas vraiment où se trouvent les seuils critiques. Selon une étude, si 40 % de la forêt venait à disparaître ou si nous dépassions quatre degrés, il y aurait des dommages permanents et irréversibles. D’autres pensent que c’est bien trop optimiste. A cause de la déforestation effrénée (selon certaines estimations, la forêt aurait été décimée à 20%) et de l’inexorable réchauffement, c’est un horizon trop proche pour avoir l’esprit tranquille.

    « Il y a vingt ans, nous nous attendions à ce que cela se produise en 2050 ou après », rappelle David Lapola. Mais aujourd’hui, quand il regarde la réalité en face, il est évident « que nous avons été optimistes en comparaison de ce qui se produit. »

    LA LISTE EST INTERMINABLE, IL EST TEMPS D'AGIR

    Selon le rapport, ce ne sont que quelques-uns des bouleversements irréversibles qui nous attendent si la planète continue de se réchauffer. Des perturbations majeures dans les moussons ; une amplification du réchauffement des océans mais aussi leur acidification et la baisse de leur taux d’oxygène ; des augmentations de température à peine vivables pour l’humain : le dérèglement climatique ne laisse aucun endroit intact.

    Chaque dixième de degré aura un impact plus important que le dixième précédent, donc ce sont les pires effets qu’on évite en prenant des mesures fortes. Par exemple, une vague de chaleur qui se serait produite tous les cinquante ans a aujourd’hui cinq fois plus de chances de se produire ; à deux degrés, ce chiffre passe à quatorze ; mais dans un monde plus chaud de quatre degrés, il passe à quarante.

    La prévention de ces risques supplémentaires est désormais un impératif moral, affirme Tim Lenton, climatologue à l’Université d’Exeter qui tire la sonnette d’alarme depuis des années.

    « Nous devons nous comporter comme s’il y avait une urgence climatique, ironise-t-il. Les gens sont bien réveillés maintenant et se disent : ‘Mince, les scientifiques ne bluffaient pas !’, mais trente ans plus tard, voilà où nous en sommes. Ce sont les actes qui comptent à partir de maintenant. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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