Des poules pour réduire nos déchets et faire face à l'inflation ?
Prise de conscience environnementale ou réaction face à l’inflation, les Français sont de plus en plus nombreux à adopter des poules pondeuses.
En France, on dénombre plus de 60 races de poules. Importée pour la première fois en -2500 av. J.-C., la poule a d’abord été domestiquée en Asie du Sud-Est vers -6000 av. J.-C.
En France, l’engouement des particuliers pour les poules pondeuses s’est surtout développé ces deux dernières années. Recyclage des déchets organiques et œufs à domicile, les avantages sont multiples. Face à l’inflation et depuis la crise sanitaire, l’idée de produire ses œufs soi-même a séduit de nombreux Français.
Pour Jean-Claude Périquet, président de la Fédération française des volailles (FFV), la tendance de la poule pondeuse est à la hausse depuis près d’une dizaine d’années. « Les gens veulent avoir des œufs frais dont ils connaissent exactement la provenance. […] L’autre raison, c’est que la poule est un animal de compagnie intéressant pour les enfants qui aiment s’en occuper, ramasser les œufs, les nourrir. Si on y met de la bonne volonté, la poule s’attache aux gens. »
La question du recyclage des restes de repas est l’une des raisons principales de cet engouement, selon Jean-Claude Périquet. À l’ère de la multiplication des déchets et de l’élévation des niveaux de gaz à effet de serre, toute solution naturelle de réduction de déchets est « une bonne idée. »
La poule pondeuse est un animal omnivore, son alimentation est très adaptable. « Elle mange un peu de tout et pas que du blé. Vous pouvez leur donner des pommes de terre, de la viande, des nouilles, du pain, en faisant attention à enlever ce qui n’est pas consommé pour ne pas laisser de pourriture au sol. […] Une poule ingère en moyenne 150 grammes d’aliments par jour, elle est donc capable d’éliminer 50 kilos de déchets par an, environ » relève Jean-Claude Périquet.
Dans la commune de Givors, proche de Lyon, la collectivité a distribué gratuitement près de 200 poules aux habitants de la ville. « Le projet alimentaire territorial de la métropole de Lyon permet de faire des projections [alimentaires] par rapport aux changements liés au réchauffement climatique. […] Le questionnement est notamment lié aux averses qui deviennent plus rares, la Terre ne pourra plus nous offrir les mêmes ressources dans les dix prochaines années » explique Géraldine Specht, ancienne chargée de mission Développement Durable de la ville de Givors.
Le projet alimentaire territorial permet de faire évoluer les « mentalités et les attitudes ». Grâce à ces réflexions, la ville de Lyon a notamment mis en valeur le fait que « seulement 5 % de ce qui pousse dans les champs du territoire de la métropole est consommé sur place ; les 95 % restants partent ailleurs et potentiellement loin. Cela prouve une véritable incohérence et une aberration face au réchauffement climatique actuel » témoigne Géraldine Specht.
Specht précise qu’avec ce genre de projets, les professionnels prennent le temps de se regrouper et d’échanger pour développer de nouveaux mécanismes. L’idée étant de « se demander ce que l’on peut faire pousser qui demande moins d’eau et qui reste mangeable sur place. C’est une transition alimentaire. Le projet de don de poules est gagnant-gagnant. L’objectif est de réduire les déchets incinérés, qui sont transportés par camions. Lorsque l’on donne nos déchets directement aux poules du jardin, c’est valorisé. À la fin, on obtient un œuf, donc on a quelque chose à manger sur place. »
UNE POULE, PLUSIEURS SOLUTIONS
« Si le consommateur refusait de manger des œufs de poules élevées en cages, l’élevage en cages serait terminé, c’est certain » déplore le président de la FFV. « Les œufs de poules élevées en cages sont moins chers que les œufs bio, c’est sûr. Ça viendra tout doucement. ».
En moyenne, selon Jean-Claude Périquet, la poule a une durée de vie d’une dizaine d’années. C’est à partir de la quatrième année, si elle a pondu dans des conditions traditionnelles, qu’elle commence à moins bien pondre. « Dans le meilleur des cas, une poule ordinaire pond un œuf par jour. […] Élevée calmement, sans la pousser, si elle pond 150 œufs par an, c’est bon ! Les supers pondeuses par contre, les poules rousses élevées en batteries, au bout d’un an, elles ont fait 300 œufs. Mais leur vie n’est pas très longue, en général au bout d’une saison de ponte ils la tuent ou ils la vendent. Si elle a pondu un œuf tous les jours, elle est complètement au bout du rouleau » explique Périquet, qui élève des volailles de manière traditionnelle pour perpétuer les espèces.
Selon L214, en France, 42,6 millions de poules pondeuses sont utilisées pour produire les œufs. Plusieurs alternatives d’élevages existent. Le code 3 indiqué sur les œufs représente l’élevage en cage et concerne 36 % des poules pondeuses, soit 20,4 millions de poules. Le code 2 indiqué sur les œufs représente l’élevage au sol, sans accès à l’extérieur et concerne 19 % des poules. Enfin, les codes 1 et 0 indiqués sur les œufs concernent l’élevage au sol avec un accès à l’extérieur. Il s’agit des labels bio, labels rouges, et labels plein air qui englobent 45 % des poules pondeuses de l’hexagone.
Ces élevages alternatifs augmentent chaque année : depuis 2017, la France est passée de 36,7 % de poules pondeuses élevées en cages, à 64 % d’élevages de code 0, 1 ou 2. Pourtant, en cages, au sol ou selon certains modes de plein air, il n’y a pas de limites de densité à l’intérieur des bâtiments. Pour l’élevage en cages par exemple, CIWF France, qui œuvre pour le bien-être animal, indique qu'il n'y a « pas de limite (moyenne 50 000, peut aller jusqu’à 100 000 et plus). »
« Les poules en cages, c’est un phénomène qui est apparu surtout après la Seconde Guerre mondiale. Les gens étaient affamés en sortant de la guerre, c’était la façon la plus économique de produire et elle offrait de bonnes garanties sanitaires » explique Jean-Claude Périquet.
En-dehors de l’agriculture, les Français produisent 46 millions de tonnes de déchets organiques par an. Les déchets organiques envoyés en décharges fermentent dans des conditions non contrôlées. Ils produisent du CO2 et du méthane, un gaz à effet de serre extrêmement puissant, sans valorisation. La réduction du gaspillage alimentaire, mais aussi la valorisation des déchets organique par le compostage, l’épandage, le tri et la méthanisation permettent de transformer des matières organiques brutes en une matière valorisable.