Au Pliocène, le réchauffement climatique a fait monter le niveau de la mer de plus de 20 mètres
Selon les scientifiques, étudier les fluctuations du niveau de la mer à travers l'Histoire pourrait nous aider à comprendre les effets du changement climatique actuel, et à nous y préparer.
Le paysage aride de l’inlandsis Est Antarctique s’étend sur des milliers de kilomètres carrés.
Il y a environ cinq millions d’années, le niveau de la mer s’est élevé de 20 mètres en raison de la fonte de la calotte glaciaire du pôle Sud, provoquée par un épisode de réchauffement climatique.
Les scientifiques savent désormais que près de la moitié de l’élévation du niveau de la mer était due à la fonte d’une seule et gigantesque calotte glaciaire dans l’Antarctique oriental, que l’on croyait auparavant être stable.
« Nous estimons grâce à notre étude que l’inlandsis Est Antarctique a fait monter le niveau de la mer d’environ 10 mètres », expliquait Carys Cook, géochimiste à l’Université de Floride et autrice principale de plusieurs études sur le sujet, lors d’un entretien avec National Geographic en 2013.
« Notre étude démontre que si les niveaux de dioxyde de carbone et les températures mondiales continuent d’augmenter, l’inlandsis Est Antarctique pourrait devenir de plus en plus vulnérable à des changements massifs. »
L’étude, publiée en 2013 dans la revue Nature Geoscience, a depuis été corroborée par d’autres recherches plus récentes.
UNE FONTE MAJEURE
Les scientifiques savaient que l’inlandsis Ouest Antarctique avait fondu il y a cinq à trois millions d’années lors d’une période géologique appelée le Pliocène, et que l’inlandsis du Groenland n’existait pas à cette époque.
Ils ne s’attendaient toutefois pas à découvrir que l’inlandsis Est Antarctique avait pu fondre à ce point.
D’une superficie à peu près similaire à celle de l’Australie, cet inlandsis constitue la plus vaste masse de glace de la planète. Sa taille a fluctué depuis sa formation il y a 34 millions d’années, mais la communauté scientifique pensait qu’elle s’était stabilisée il y a de ça 14 millions d’années.
En 2013, Cook et son équipe ont analysé des carottes de boues récupérées au large des côtes de l’Antarctique, à près de 4 kilomètres sous le plancher océanique.
« Forer dans des couches de sédiments marins permet de nous donner un aperçu du climat qui régnait sur Terre il y a des millions d’années », selon Trevor Williams, coauteur de l’étude et géophysicien au Lamont-Doherty Earth Observatory à l’Université Columbia.
La boue extraite comportait une empreinte chimique unique qui a permis aux scientifiques de déterminer son emplacement initial sur le continent.
« Nous connaissons l’empreinte géochimique de ces sédiments, et pouvons donc déterminer de quelles zones côtières recouvertes de glace ils proviennent », ajoutait Williams.
Cependant, lorsque les chercheurs ont analysé la boue de l’époque du Pliocène, ils ont découvert qu’elle concordait non pas avec les sédiments de l’actuelle côte de l’inlandsis, mais avec les roches qui se trouvent actuellement sous la calotte glaciaire.
Selon Cook et son équipe, l’unique explication quant à la présence de cette boue dans les couches de sédiments marins serait que l’inlandsis aurait un jour reculé et érodé la roche.
UNE FRAGILITÉ PLUS ACCRUE QUE PRÉVU
En comprenant la fonte glaciaire survenue au Pliocène, les scientifiques pourraient évaluer et anticiper le risque d’élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique que nous traversons.
Le climat du Pliocène présentait les mêmes niveaux de dioxyde de carbone qu’aujourd'hui, et les températures mondiales étaient 2 à 3 °C plus élevées que maintenant, précisait Cook.
« Le climat de l’époque était globalement plus chaud, mais il se rapproche du climat que nous devrions atteindre d’ici la fin du siècle, d’après les prédictions. »
D’après Cook et son équipe, la fonte de l’inlandsis Est Arctique est en partie survenue car la calotte glaciaire repose sur des bassins situés en dessous du niveau de la mer.
À cause de cette disposition, la glace est en contact direct avec l’eau de mer ; lorsque l’océan s’est réchauffé pendant le Pliocène, la calotte glaciaire a ainsi été plus susceptible de fondre.
« Les scientifiques pensaient auparavant que l’inlandsis Est Antarctique était plus stable que les calottes glaciaires plus petites de l’Ouest Antarctique et du Groenland », affirmait Cook lors d’une déclaration.
« Notre étude indique que, à travers son histoire, l’inlandsis Est Antarctique a été plus sensible au changement climatique que ce que l’on pensait. »
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Cet article a initialement paru le 4 juillet 2013 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise et a été mis à jour le 3 février 2023.