Le film alimentaire : une fausse bonne idée ?

Le film étirable peut sauver vos restes alimentaires, mais il pollue la planète. Quelles sont les meilleures alternatives ?

De Sarah Gibbens
Publication 26 sept. 2024, 16:24 CEST
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Le film étirable a été découvert par accident dans un laboratoire dans les années 1930. Aujourd’hui, il en existe plus d’une centaine de marques.

PHOTOGRAPHIE DE Hannah Whitaker, National Geographic

Le film transparent et lisse que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de film étirable est à l’origine une erreur de chimie, un résidu qui s’accrochait obstinément au fond d’un bécher dans un laboratoire dans les années 1930. Les militaires l’utilisaient à l’origine pour recouvrir les bottes et les avions. Aujourd’hui, les consommateurs du monde entier et les magasins d’alimentation dans lesquels ils font leurs courses ont le choix parmi plus d’une centaine de marques de cette matière extrêmement résistante à l’eau.

Le film étirable est très populaire aux États-Unis. En 2019, un groupe de recherche industrielle a constaté qu’en l’espace de six mois, près de 80 millions d’États-Uniens avaient utilisé au moins un rouleau de film plastique, et que plus de cinq millions d’États-Uniens avaient consommé plus de 10 millions de rouleaux. 

Bien que ce type d’emballage léger et bon marché nous permette de conserver nos restes alimentaires plus longtemps, il comporte son lot d’inconvénients : il contribue à la crise de la pollution plastique, est difficile à recycler et est fabriqué à partir de produits chimiques potentiellement dangereux, en particulier lorsqu’ils se décomposent dans l’environnement.

« Si l’on se reporte aux années 1950, époque à laquelle nous ne disposions pas d’un système de stockage des aliments aussi efficace qu’aujourd’hui, on comprend pourquoi le film étirable est devenu si populaire », explique Leah Bendell, écotoxicologue marine à l’université Simon Fraser, au Canada.

« Nous n’avions pas de plastique il y a 70 ans, et dans le boom de l’après-guerre, des chimistes nous ont offert le meilleur des mondes. Les pesticides, les herbicides et les plastiques en faisaient largement partie », ajoute-t-elle.

 

LA DÉCOUVERTE DU FILM ÉTIRABLE

Lorsque Ralph Wiley a découvert le chlorure de polyvinylidène (PVDC) alors qu’il travaillait dans le laboratoire de physique de Dow Chemical à Midland, dans le Michigan, il l’a surnommé « éonite », en référence à un matériau fictif et indestructible de la bande dessinée « Little Orphan Annie ».

Sa tâche consistait à créer un nouveau produit à partir d’hydrocarbures et de chlore, deux sous-produits de la fabrication du perchloroéthylène, un agent de nettoyage à sec.

Ce nouveau produit chimique était si résistant à l’eau qu’il était impossible de le retirer des parois de son flacon de distillation. Les molécules de PVDC se lient si étroitement qu’elles sont presque impénétrables par les molécules d’oxygène et d’eau. Du fait de ses propriétés, le PVDC a trouvé sa place dans l’armée puis dans les cuisines américaines sous le nom de Saran Wrap.

Dans les années 1960, la société australienne GLAD a créé sa propre version du film plastique (moins collante) à partir de polyéthylène. Le film de la marque Saran Wrap est désormais lui aussi fabriqué à partir de polyéthylène, suite aux préoccupations des consommateurs concernant les effets sur la santé de l'utilisation d'un plastique contenant du chlorure pour emballer leurs aliments.

Aujourd’hui, les consommateurs du monde entier ont à leur disposition des marques film alimentaire en PVDC, PVC et polyéthylène.

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    UNE PLAIE ENVIRONNEMENTALE

    Les films plastiques, fins et peu résistants, sont difficiles à recycler ; sans équipement spécialisé, ils obstruent les machines. Et même lorsque ce type de plastique est recyclé, il demeure plus coûteux que ses équivalents non recyclés. Par ailleurs, selon l'Organisation mondiale de la santé, le PVC et le PVDC peuvent libérer une substance chimique hautement toxique, la dioxine, lorsqu’ils finissent dans des décharges ou des incinérateurs.

    Dans les milieux marins, le film étirable contribue à aggraver la crise de la pollution plastique. De plus, contrairement aux autres plastiques, le PVC et le PVDC captent un grand nombre de bactéries et de métaux ; ces microplastiques contaminent ensuite les poissons qui les prennent pour de la nourriture.

    Alors que les défenseurs de l’environnement ont tendance à préconiser l’abandon pur et simple de ces produits plastiques, les fabricants pointent du doigt les infrastructures obsolètes.

    Scott Defife, vice-président des affaires gouvernementales de la Plastics Industry Association, affirme que les films étirables pourraient être facilement recyclés si les infrastructures de collecte des déchets n’étaient pas « déficientes ».

    « Nous voulons que le gouvernement fédéral investisse », déclare-t-il. « Il devrait considérer [le recyclage] comme un service public essentiel, au même titre que les routes et les ponts. »

    Selon la Plastics Industry Association, le film étirable constitue un moyen efficace de réduire les déchets alimentaires en conservant la fraîcheur des aliments.

    « Chacun de ces matériaux a été développé pour une raison précise », soutient Defife.

    Dans les océans, les nappes huileuses naturelles offrent des aires de reproduction à nombre de poissons. Elles sont riches en plancton et autres nutriments, et aussi, désormais, en microplastiques, selon des chercheurs de l’Administration nationale des études océaniques et atmosphériques des États-Unis (NOAA), qui ont passé des nappes de la Grande Île au filet à mailles fines. Ici, une bourse graffiti (Aluterus scriptus), âgée d’environ 50 jours et longue de 5 cm, évolue dans une soupe de plastique.
    PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager

     

    DES PRÉOCCUPATIONS SANITAIRES

    Le PVC et le PVDC se distinguent par des compositions de chlorure légèrement différentes. Le Saran Wrap contient environ 13 % de chlorure de vinyle, et les deux matériaux contiennent généralement des additifs toxiques, déclare Bendell. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux réglemente ces deux produits, de sorte que moins d’une fraction d’un pour cent de PVC et de PVDC puisse migrer dans les aliments. À ce niveau d’exposition, le risque d’intoxication par le film étirable est extrêmement faible.

    « Une assiette fabriquée en PVC ne présente probablement aucun risque », affirme Rolf Halden, spécialiste de l’environnement à l’Institut de biodesign de l’université d’État de l’Arizona. « Cependant, si nous sommes entourés de PVC et de phtalates, ceux-ci peuvent se libérer progressivement, et entraîner ainsi une exposition indésirable. »

    Comme l’explique Ramani Narayan, ingénieur chimiste à l’université d’État du Michigan, ces plastiques sont souvent mélangés à des plastifiants pour les rendre plus souples, plus flexibles et plus transparents, en particulier dans le cas des emballages alimentaires. Parmi ces plastifiants, on retrouve un groupe de molécules appelées phtalates, contenant des substances cancérigènes, bien que les films plastiques en PVC n’en contiennent plus. Il contient en revanche un plastifiant appelé DEHA, ou adipate de diéthylhexyle, dont les effets sur la santé humaine restent incertains.

    Stretch-Tite fabrique des films étirables contenant du PVC. Dans un courriel, l’entreprise soutient que son produit ne contient pas de substances chimiques cancérigènes telles que le BPA et les phtalates, et affirme que les inquiétudes concernant la sécurité des emballages plastiques ne reposent pas sur des bases scientifiques solides.

    Selon Halden, « contrairement aux agents pathogènes infectieux, les effets de l’exposition à des produits chimiques toxiques peuvent mettre des décennies à se manifester ». Il serait donc difficile d’établir un lien direct entre une augmentation des taux de cancer, par exemple, et les produits chimiques contenus dans les films étirables.

     

    DES ALTERNATIVES PLUS ÉCOLOGIQUES

    Le papier ciré était fréquemment utilisé dans les décennies qui ont précédé l’apparition du film étirable dans les rayons des supermarchés. Aujourd’hui, une forme réutilisable de papier ciré offre une alternative aux plastiques jetables.

    Bee's Wrap est fabriqué à partir d’une fine bande de coton enduite de cire d’abeille, d’huile de jojoba et de résine d’arbre. La chaleur des mains détache les liens, ce qui rend le produit plus souple et plus adhérent.

    Copropriétaire d’une start-up appelée Etee, Steve Reble dit s’être inspiré des emballages utilisés pour la confection des momies égyptiennes lorsqu’il a créé son propre emballage alimentaire réutilisable en enduisant une fine bande de coton d’une barrière cireuse.

    Bien qu’il s’agisse d’entreprises relativement récentes, Bee’s Wrap ayant été fondée en 2012 et Etee en 2017, elles ont réussi à cibler une catégorie de consommateurs à la recherche d’alternatives aux plastiques à usage unique.

    Selon Reble, les emballages alimentaires Etee ont permis d’éliminer plus de 9 millions de mètres carrés d’emballages plastiques entre 2017 et 2019. Katie Flagg, représentante de Bee’s Wrap, indique que l’entreprise a connu une croissance de 87 % en 2018.

    « Nous sommes de plus en plus conscients de la manière dont nous gérons nos ressources », explique Flagg.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en 2019 en langue anglaise. Il a depuis été mis à jour.

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