L'objectif zéro plastique à usage unique pourrait ne pas être atteint avant 2040
La loi prévoyait six mois de délai d’écoulement des stocks. Pourtant l'on peut encore boire un verre en terrasse servi avec une paille en plastique. Un manque de contrôles dénoncé par les associations.
Les tortues luths juvéniles trouvent sur leur chemin des bouteilles en plastique et d’autres débris alors qu’ils rampent sur la plage Matura de Trinidad pour atteindre l’océan. Nature Seekers, un groupe de conservation local, organise régulièrement des nettoyages de plages qui ont aidé les populations de tortues luths à repartir à la hausse.
En septembre 2021, la fondation WWF révélait que le coût réel du plastique était dix fois plus élevé que son coût de production. La production mondiale de plastique est devenue telle, qu’en 2019, la gestion de ce plastique aura coûté « l’équivalent du PIB de l’Inde, soit 3 700 milliards de dollars ».
Chaque année, l’Homme produit d’après l’UNEP environ 300 millions de tonnes de déchets plastiques. « Les chercheurs estiment que plus de 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites depuis le début des années 1950. Environ 60 % de ce plastique a fini soit dans une décharge, soit dans un environnement naturel ». Les océans, les écosystèmes et le vivant souffrent de cette surproduction polluante. D’ailleurs, dans un rapport publié en 2019 par WWF, il était estimé qu’une personne pouvait ingérer en moyenne 5 grammes de plastique par semaine, ce qui correspond à l’équivalent « d’une carte de crédit ».
Dans ce contexte de scénario catastrophe et suite aux nombreuses alertes des scientifiques pour freiner, voir juguler la production de plastique, différentes réglementations ont été votées par le gouvernement français.
Le code de l’environnement fixe différentes échéances pour que progressivement, le plastique à usage unique puisse disparaître du quotidien des Français. Entre 2016 et 2020, des premiers plastiques ont été interdits à la vente. À commencer par les sacs en matières plastiques, les gobelets ou encore les cotons tiges en plastique.
Le 1er janvier 2021, la liste des interdits s’est élargie aux confettis, aux pailles en plastique, aux touillettes ou encore aux boîtes à kebab en polystyrène expansé. Cette année, ce sont les emballages de sachets de thés ou tisanes en plastique ou encore les emballages plastiques de fruits et légumes qui rejoignent la liste.
Pourtant, il est toujours possible de se faire servir un kebab dans un emballage en plastique à usage unique ou de siroter un jus au moyen d’une paille en plastique en terrasse. Comme le dénonce Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer pour Zero Waste France (ZWF), « on a des objectifs de réduction, de ré-emploi et de recyclage de plastiques à usage unique échelonné tous les cinq ans, jusqu’à 2040. Le problème, c’est que ce sont simplement des objectifs. S’ils ne sont pas atteints, ça n’est pas grave, personne n’est responsable, il n’y a pas vraiment de contrôles et surtout, il n’y a pas de sanctions ».
DES MESURES PAS ASSEZ DISSUASIVES
Les déchets plastiques sont aujourd’hui devenus tellement omniprésents dans l’environnement que selon certains scientifiques, ils pourraient servir d'indicateur géologique de l'ère anthropocène.
Moïra Tourneur le confirme, « dans un modèle qui est vraiment basé sur le plastique, on a besoin de mesures fortes pour dissuader d’y recourir et vraiment inciter les industriels à développer d’autres usages ». En l’état, l’association française de lutte contre les déchets ne considère pas l’objectif de 2040 comme réalisable. « Il n’y a pas de contrôles ou de sanctions prévus parce que ce sont des objectifs et pas des obligations. Ce sont des objectifs collectifs, ils s’appliquent à tout le monde » insiste la responsable du plaidoyer de l’association.
« Sur l’interdiction des pailles, des touillettes, ou autres, c’est passible d’une amende si cela n’est pas respecté » explique l’experte. Mais le problème, d’après Zero Waste France, c’est que les moyens ne sont pas mis en place pour effectuer les contrôles. « Concrètement, aujourd’hui on a encore ces produits qui circulent. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas écoulé leurs stocks et comme il n’y a pas de contrôles, ils continuent ».
La loi prévoyait six mois de délais d’écoulement des stocks. Ainsi, depuis le 1er juillet 2021, la vente et la distribution d’emballages en plastique à usage unique comme les boîtes à kebab ou les pailles ne sont plus autorisées. « L’excuse n’est plus valable du point de vue juridique. Là, on est six mois plus tard, et ces produits, on continue à les voir ».
D’un autre côté, certains distributeurs choisissent de contourner la loi. En 2020, ZWF avait dénoncé la vente d’assiettes en plastique dites « réutilisables » par l’enseigne Carrefour. « En les lavant une fois, elles se cassaient. Comme c’était écrit réutilisable, ils les vendaient » ajoute Moïra Tourneur.
MIEUX COMMUNIQUER POUR FACILITER LA TRANSITION
À travers l’Agence de la Transition écologique (ADEME), l’État propose des programmes d’aides aux entreprises. « En tant qu’association, on essaye de faire circuler les informations auprès de groupes locaux, des petits commerçants. C’est toujours assez inquiétant de voir que certains sont informés, et que d’autres, pas du tout ».
« On a des échanges avec le gouvernement qui nous permettent de remonter qu’il y a effectivement des lois plus ou moins ambitieuses, mais que derrière, cela ne redescend pas jusqu’aux personnes concernées ». Un problème de communication majeur pointé du doigt par l’association qui tente de faire la passerelle entre la loi et les entreprises.
« Les ONG ou certaines associations telles que Surf Rider permettent aux citoyen.ne.s de réagir en mettant en place en septembre dernier une plateforme pour que l’on puisse signaler lorsque l’on voit des pailles encore en vente ou des boîtes à kebabs distribuées. Après, ils font remonter l’information. Mais du côté de l’État, rien n'a été mis en place. Actuellement, soit les citoyens sollicitent les députés, soit ils passent par les ONG. Il n’y a pas de plateforme de signalements » déplore l’experte.
L’association préconise le ré-emploi et le système de consigne, ajouté à un travail sur la production du plastique. « On arrête de se dire que l’on peut le recycler. Si l’on peut s’en passer, on ne le produit pas. Il faut aussi absolument développer le ré-emploi et la réparation » conclut Moïra Tourneur.
Pour lutter contre le plastique à usage unique, il est possible d’utiliser l’application Plasticorigins pour signaler des déchets ou bien d’autre initiatives telles que Fish and click.