Méditerranée : un yatch a été coulé par une tornade marine en Sicile

Une forme de tornade marine, qui pourrait devenir de plus en plus fréquente sous l'effet du changement climatique, serait à l'origine de la mort de sept personnes lors du naufrage d'un yacht de luxe dans la nuit du 18 au 19 août.

De Melissa Hobson
Publication 23 août 2024, 18:07 CEST
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Trombe marine photographiée depuis le Alan Kurdi, un navire de sauvetage de migrants utilisé par l'ONG allemande Sea-Eye dans les eaux internationales au large de Malte, le 4 septembre 2019. Une trombe marine serait à l'origine du récent naufrage mortel d'un yacht de luxe près de Palerme, en Italie.

PHOTOGRAPHIE DE Darrin Zammit Lupi, Reuters, Redux

Un superyacht transportant vingt-deux personnes à son bord, dont l’homme d’affaires britannique Mike Lynch, a coulé au large de Palerme, en Italie, dans la nuit du 18 au 19 août.

Le voilier de luxe de 55 mètres, baptisé le Bayesian, aurait été renversé par une trombe marine, un phénomène qui, selon certains experts, pourrait devenir de plus en plus fréquent dans les régions dont les eaux connaissent un réchauffement particulièrement rapide, comme la Méditerranée.

 

QU’EST-CE QU’UNE TROMBE MARINE ?

Une trombe marine est une tornade qui se forme au-dessus d’une étendue d’eau. « La tornade n’a que faire du type de surface qu’elle survole », explique David Sills, directeur exécutif du Northern Tornadoes Project dans l’Ontario, au Canada. « Que ce soit au-dessus d’une ville, d’une forêt, d’une zone agricole ou d’une étendue d’eau, les tornades poursuivent leur route. »

Ces colonnes d’air en rotation « se forment en cas d’instabilité atmosphérique, par exemple lorsque de l’air chaud et de l’air froid entrent en collision », décrit un porte-parole du Bureau de météorologie du gouvernement australien (BOM) dans un e-mail.

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Une trombe marine se forme lors d'une tempête dans la mer Méditerranée en octobre 2018. Les trombes sont plus fréquentes au-dessus des eaux chaudes, et les eaux de Méditerranée se réchauffent aujourd'hui plus vite que le reste de la planète.

PHOTOGRAPHIE DE Alkis Konstantinidis, Reuters, Redux

Des changements de direction du vent à différentes hauteurs peuvent provoquer une rotation.

« Imaginez que, juste au-dessus de l’océan, le vent souffle dans une direction », illustre Peter Inness, météorologue à l’Université de Reading. Si plus haut, du vent souffle dans une autre direction, « l’air qui se trouve entre ces deux niveaux de vent se met à tourner autour de l’axe horizontal ».

L’air chaud situé en dessous s’élève et « dans ce processus, ces parcelles d’air en rotation sont également soulevées et étirées, et peuvent se concentrer à la surface de l’eau, créant ainsi un tourbillon », poursuit le BOM.

L’air est alors aspiré vers le haut et la rotation s’intensifie, comme lorsque l’on enlève le bouchon de la baignoire, explique Innes : « l’eau qui s’écoule dans le trou d'évacuation se met à tourner très intensément parce qu’elle est aspirée vers le bas ».

Le processus peut être comparé aux méthodes des patineurs artistiques, ajoute Sills : « Lorsqu’ils ramènent leurs bras contre leur corps, leur vitesse de rotation augmente. »

 

UN DANGER POUR LES BATEAUX ?

Bien que le vent associé aux trombes puisse atteindre les 90 kilomètres par heure, elles se déplacent généralement à moins de 40 kilomètres par heure, sont de courte durée et ne causent pas beaucoup de dégâts. « De manière générale, elles ne restent sur un point donné que pendant quelques minutes », précise le BOM.

Lorsqu’il a coulé, le Bayesian était amarré pour la nuit. Bien qu’évoquée, l’hypothèse d’une trombe marine n’a pas encore été confirmée. 

« Il faisait nuit et nous n’avons pas d’images de l’événement », révèle Luca Mercalli, président de la Société météorologique italienne, dans un e-mail.

Les bateaux sont conçus pour se redresser lorsqu’ils sont renversés par des vents violents. « Ces voiliers sont dotés d’une grande et lourde quille qui permet de les attirer vers le haut lorsqu’ils commencent à basculer », décrit Sills.

Cependant, si de l’eau pénètre dans l’embarcation, cette dernière peut bel et bien perdre sa flottabilité. « Une fois le bateau renversé, l’eau et les vagues peuvent s’infiltrer par les portes ouvertes. Il commence alors à prendre l’eau, puis se met à couler. »

Sont également dangereux pour les bateaux les changements rapides dans la force et la direction du vent, selon Innes, qui peuvent les faire « se balancer très violemment d’avant en arrière ».

 

UN PHÉNOMÈNE ACCENTUÉ PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ?

Une étude a révélé que, au large des îles Baléares, en Espagne, les trombes d’eau sont plus fréquentes lorsque les températures de surface de la mer sont plus élevées, notamment entre 23 et 26 °C.

Cette année, « la Méditerranée [dépasse de plus de 2,5 °C] sa température moyenne », ce qui, selon Mercalli, constitue une « anomalie considérée comme "extrême" ». Ces eaux inhabituellement chaudes pourraient être la conséquence à la fois du changement climatique et de la variabilité annuelle des températures.

Certains scientifiques craignent que le changement climatique ne provoque à terme une augmentation du nombre de tornades, aussi bien sur l’eau que sur la terre ferme.

« Le réchauffement climatique augmentera tous les événements météorologiques extrêmes, car il injecte davantage d’énergie dans l’atmosphère », prédit Mercalli.

Les experts évitent néanmoins d’affirmer qu’il existe un lien certain avec le changement climatique. « Les trombes d’eau sont des phénomènes de très courte durée et d’échelle locale, et il est donc difficile de les attribuer aux effets du changement climatique », explique le BOM.

La Méditerranée se réchauffe plus rapidement que le reste de notre planète. Bien que le changement climatique entraîne bel et bien un réchauffement des températures de surface de la mer, nous ne savons pas exactement quels seront ses effets sur les autres conditions nécessaires à la formation des trombes marines.

En effet, la formation de trombes ne peut avoir lieu qu'en cas de différence de température entre l’air et la mer. Si l’air se réchauffe au même rythme que les masses d’eau, il est donc peu probable que l’on assiste à une augmentation du nombre de trombes, explique Sills.

De basses pressions sont également nécessaires. « Même quand l’eau est très chaude, si la pression est élevée au-dessus de la Méditerranée, il n’y aura pas d’orage », selon Inness. « Il n’y aura donc pas de trombe marine. »

La direction du vent a également son rôle à jouer. Dans cette région, l’air humide en provenance du nord est en effet plus susceptible de provoquer des orages que les vents secs qui viennent d’Afrique du Nord.

En outre, du fait du manque de données historiques, il n’est pas possible de confirmer que le nombre de trombes marines connaît réellement une augmentation, révèle Mercalli. « Il est toutefois certain que toutes les fortes tempêtes, comme les orages qui génèrent des vents violents, des rafales descendantes, des pluies abondantes et de la grêle, sont bel et bien en augmentation dans le monde entier, et en Italie. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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