Les fortes chaleurs peuvent être mortelles... comment mieux évaluer les risques ?

Conçu aux États-Unis, un nouvel outil de prévision aide les citoyens à prendre conscience des effets néfastes de la chaleur sur leur santé, et de mieux organiser leur temps de loisir et de travail durant les vagues de chaleur.

De Meryl Davids Landau
Publication 21 mai 2024, 14:13 CEST
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Un vendangeur s’avance entre deux rangées de vignes dans un vignoble californien. Les personnes qui travaillent en extérieur sont particulièrement vulnérables aux températures élevées et aux vagues de chaleur. Certains spécialistes appellent à une approche plus concertée en matière de sécurité sur les lieux de travail en extérieur et demandent à ce que les pauses pendant lesquelles les travailleurs peuvent s’hydrater, se reposer et se mettre à l’ombre deviennent la norme.

PHOTOGRAPHIE DE Karla Gachet, Nat Geo Image Collection

Le sud et l’ouest des États-Unis ont connu des températures extrêmement élevées la semaine passée. Dans de telles conditions, savoir s’il fait trop chaud pour travailler normalement en extérieur est essentiel. Mais c’est loin d’être évident.

C’est pourquoi les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et le Service météorologique des États-Unis de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique ont lancé un nouveau site Internet en avril dernier afin de prévoir quand les travailleurs sont particulièrement en danger.

Les relevés de température et le taux d’humidité ne sont pas les seuls facteurs permettant de déterminer s’il est sans risque de travailler lorsqu’il fait chaud, explique Aaron Bernstein, directeur du Centre national pour en santé environnementale des CDC. Parmi les autres éléments à prendre en compte figurent les températures élevées la nuit, qui empêchent la bonne régulation de la température corporelle ; le fait que ces journées chaudes surviennent en dehors de la saison chaude ; la durée de la vague de chaleur (plusieurs jours d’affilée et non pas un ou deux) ; et le fait que les températures soient supérieures à celles des 5 % des journées les plus chaudes jamais enregistrées dans un lieu donné.

« Le ressenti et l’effet sur la santé ne sont pas les mêmes s’il fait 38°C à Boston et 38°C à Houston », précise Aaron Bernstein. Une disparité qui s’explique en partie par le fait que les résidents de la Nouvelle-Angleterre n’ont pas l’habitude de rester chez eux aux heures les plus chaudes de la journée et que peu de maisons sont équipées de la climatisation notamment. Baptisé HeatRisk, le nouvel outil de prévision tient compte de ces facteurs pour évaluer les impacts sur la santé des journées chaudes à travers les États-Unis. L’outil utilise un code à cinq couleurs allant du vert (sans risque) au magenta (risque extrême).

HeatRisk publie aussi des prévisions sur sept jours. À l’heure actuelle, les avis de très grandes chaleurs du Service météorologique des États-Unis sont émis seulement 12 heures avant que les températures ne deviennent dangereuses.

« Si vous avez prévu un évènement dans six jours en plein après-midi, alors que le risque de fortes chaleurs est élevé, vous avez désormais la possibilité de le déplacer à un moment de la journée où il fait plus frais ou à un autre jour », observe Aaron Bernstein.

 

DES MILLIERS DE MORTS PAR AN AUX ÉTATS-UNIS

Si les inondations, les tornades, les ouragans ou encore les vagues de froid sont souvent plus dramatiques, les vagues de chaleur sont l’évènement météorologique le plus meurtrier aux États-Unis, tuant deux fois plus de personnes que tout autre phénomène climatique. Selon des données préliminaires, 2 300 Américains sont décédés d’une affection liée à la chaleur en 2023. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années.

Pour Jane Gilbert, directrice de Miami-Dade County en Floride, ce nombre de décès est largement sous-estimé. Il n’inclut généralement pas les décès survenus lors de journées chaudes dus à une crise cardiaque ou une maladie hépatique, lesquelles sont aggravées par la température, ou à la suite d’accidents résultant d’étourdissements provoqués par la chaleur.

Les spécialistes ont ainsi établi un lien entre les fortes chaleurs et l’augmentation du nombre de consultations dans les hôpitaux pour les patients atteints de diabète ou souffrant d’une maladie hépatique ou de troubles mentaux, dont l’anxiété et les troubles de l’humeur, ainsi que de complications de la grossesse.

La chaleur augmente également le risque de déshydratation et de crampes musculaires, ainsi que les nausées, la fatigue et les vertiges causés par l'épuisement dû à la chaleur. Si la personne qui se sent mal ne recherche pas la fraîcheur, elle risque de faire une insolation. Cette dernière peut être dangereuse ; elle survient lorsque la température interne du corps atteint 40°C et entraîne des étourdissements, des vomissements, une perte de conscience, des lésions cérébrales ou organiques potentiellement permanentes, voire la mort.

 

VERS UNE MULTIPLICATION DES VAGUES DE CHALEUR

Alors que les vagues de chaleur sont plus fréquentes et plus longues à cause du changement climatique, savoir déterminer à partir de quand la chaleur peut être mortelle est essentiel, confie Kurt Shickman, ancien directeur de l’initiative sur la chaleur extrême pour l’organisation à but non lucratif Adrienne Arsht-Rockefeller Foundation Resilience Center à Washington.

Selon les spécialistes, le changement climatique a accentué la vague de chaleur qui a touché l’Afrique en avril 2024, faisant 102 morts sur quatre jours. Il aurait aussi eu une influence sur les températures extrêmes relevées en juillet 2023 à Phoenix ; il avait alors fait plus de 37°C chaque jour du mois.

Le changement climatique serait aussi responsable de l’augmentation du nombre de journées chaudes en dehors des vagues de chaleur, ce qui n’est pas sans danger. Selon une étude, le nombre de morts est supérieur à la moyenne aux États-Unis lors des journées chaudes lorsque la température atteint entre 26 et 32°C.

 

DES NIVEAUX DE RISQUE DE COULEUR

Le système de code de couleur HeatRisk identifie les personnes les plus vulnérables aux problèmes de santé liés aux fortes chaleurs dans des conditions spécifiques.

Une alerte jaune indique que la plupart des personnes présentes dans un lieu précis peuvent passer la journée dehors sans risque. Ce n’est pas le cas des personnes sensibles qui souffrent de maux de tête ou de symptômes causés par la chaleur lorsque les températures augmentent.

Une alerte orange indique qu’il existe un danger pour les personnes âgées et les enfants, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies chroniques comme des maladies cardiaques ou une mauvaise circulation sanguine, et celles prenant des médicaments qui ont une influence sur la régulation interne de la température corporelle. Cela inclut les diurétiques et certains antipsychotiques, antidépresseurs et antihypertenseurs.

Si l’alerte clignote rouge ou magenta, toutes les personnes présentes dans une zone géographique donnée sont potentiellement en danger. Aux États-Unis, plus d’un décès sur cinq lié aux fortes chaleurs concerne des individus dans la fleur de l’âge (âgés de 15 à 44 ans).

Les personnes qui travaillent en extérieur sont particulièrement vulnérables, ajoute Kurt Shickman. « Une approche plus concertée en matière de sécurité sur les lieux de travail en extérieur est nécessaire », poursuit-il en précisant que les pauses pour s’hydrater, se reposer et se mettre à l’ombre commencent à devenir la norme.

 

LORSQUE LA CHALEUR DEVIENT MORTELLE

Si une alerte orange est émise pour une zone donnée, les CDC conseillent aux personnes à risque de bien s’hydrater, de ne pas s’exposer au soleil aux heures les plus chaudes de la journée, et d’utiliser la climatisation, des ventilateurs ou d’ouvrir les fenêtres la nuit pour se rafraîchir.

Les jours d’alerte rouge, fréquents dans le sud-est du pays comme le souligne le Service météorologique des États-Unis, la population est appelée à boire régulièrement de l’eau, à ne pas sortir, à décaler ses activités en extérieur à un autre jour ou à une période moins chaude, et de passer quelques heures dans un endroit climatisé.

Les jours d’alerte magenta, il est « fortement conseillé » aux citoyens d’annuler toute activité en extérieur et de prendre des nouvelles de leurs voisins qui pourraient avoir besoin d’aide.

Le niveau de la qualité de l’air lors des journées chaudes a également un impact sur la santé, souligne Aaron Bernstein. Cela s'explique en partie par le fait que les personnes qui n'ont pas l'air conditionné vont davantage ouvrir les fenêtres, s'exposant ainsi aux toxines présentes dans l'air, et notamment à la fumée d’éventuels feux de forêt qui brûlent dans les environs. Enfin, lorsque les températures sont élevées, l’air stagne et piège les substances polluantes contenues dans les nuages de pollution et l’ozone.

En raison de ce lien entre les fortes chaleurs et la qualité de l’air, les CDC ont récemment mis en ligne un tableau de bord HeatRisk, qui permet aux citoyens de saisir leur code postal afin de consulter des indicateurs pour leur zone géographique.

Aaron Bernstein espère que les outils en ligne protégeront le nombre croissant d’Américains exposés aux fortes chaleurs. « Notre objectif, c’est de nous assurer que nous avons de nouvelles voies pour garantir la sécurité des personnes en permanence », explique-t-il.

« Nous estimons qu’il est nécessaire d’attirer l’attention sur les régions où les fortes chaleurs n’ont jamais été un problème », ajoute-t-il, ainsi que sur celles traditionnellement exposées, mais où la population ne se rend peut-être pas compte que les journées chaudes sont plus fréquentes aujourd’hui.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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